A l'occasion de son passage parisien au Point Ephémère – en première partie de Beans – nous avons voulu revoir celui qui, avec le bref mais brillant album "X2", nous a laissé il y a deux ans un goût si doux en bouche. L'animal est des plus cools, alors pourquoi se priver d'un si bon moment? English version
HHC: Bonsoir Tes, notre webzine français hiphopcore.net est très heureux de te retrouver, deux ans précisément après notre précédente entrevue. Pour commencer par une question de groupie, ton travail est de grande qualité mais assez rare (un EP, "Take Home Tes", en 2000 ; un LP court, "X2", en 2003, et encore un EP, "Pro-Tes", ce mois-ci), comment expliques-tu cela?
Tes: J'aime personnellement sortir peu de disques. Je pense que moins c'est plus. J'ai beaucoup de titres, mais à la fin j'en choisis toujours le moins possible. Je veux surtout voir les meilleurs titres sortir.
HHC: Tu dirais donc que tu mets beaucoup de choses de côté?
T: Oui, il y a beaucoup de morceaux qui sortiront plus tard. Même de l'époque de "X2", il doit y avoir 5 ou 7 titres que je n'ai pas mis sur l'album, mais qui auraient pu être aussi bons que 'New New York'. Mais j'ai pensé que ce titre-là était vraiment le plus fort, alors je ne voulais pas sortir les autres en même temps.
HHC: Et ça te convient, ça n'est pas un problème pour toi de sortir peu de disques et de mettre de côté beaucoup de bons morceaux?
T: Oui, en général, parce que je prends ceux que je préfère, ceux qui parlent à mon coeur, en gardant les autres, peut-être pour les sortir sur un Best-Of ou en tant que Faces B.
HHC: Penses-tu qu'un jour tu pourras ressortir des travaux de jeunesse parce que tu les trouveras toujours bons et que ça n'aura pas vieilli?
T: Oui, vraiment. En fait, je viens justement de sortir quelque chose uniquement au Japon ("Pro-Tes", chez Contact Records, ndlr). Ce sont des titres qui n'avaient pas été retenus pour "X2". Le label veut aussi pouvoir dire quels morceaux tuent. Pour Take Home Tes", c'était différent en revanche. J'essayais vraiment de sortir un truc, genre "en tout cas, voici mes meilleurs titres du moment". Mais pour "X2" j'ai fait énormément de morceaux et à Lex ils m'ont dit "Bon, c'est CES douze titres-là qu'on veut" et ceux-là étaient super, alors j'ai accepté…
HHC: Comment a été reçu ton EP au Japon?
T: Oh c'est une petite sortie, tu sais, seulement 500 copies, je ne crois pas que l'impact va être très fort. C'est une bonne introduction au Japon. On y retrouve un titre appelé 'Testarossa', un peu dans le style de 'New New York'. Ca a été fait à la même période, je l'ai enregistré le même jour. C'est composé de cinq morceaux en tout, dont un très bon freestyle.
HHC: Mais alors, que nous réserves-tu de nouveau pour ton retour en France?
T: Euh, OK, le nouvel album arrive cet été. Il se trouve qu'il a un titre français, "Sans Rival". Ça sort chez Lex, un album longue durée. Je sens que c'est mon meilleur travail, vraiment. Je sais que je dis toujours ça, mais là je sens réellement que c'est celui que j'aime le plus. J'ai eu beaucoup plus de temps pour me poser, j'ai seulement commencé à faire des sons l'année dernière mais ces derniers temps je suis tout le temps chez moi à y travailler. Cette fois j'ai vraiment enregistré plus que jamais, je crois que j'ai quarante titres, mais je ne vais en retenir que quinze.
HHC: A la seule écoute de "X2", on trouvait déjà l'expérimentation d'un grand nombre de styles différents (jazzy, groovy, electronic, laidback). Dirais-tu que l'une de ses directions a finalement retenu ton attention, trouvant ta faveur plus que les autres?
T: Je crois qu'il y en a partout! Ce sont différentes humeurs, différents états d'esprit. J'ai toujours été le rappeur qui traîne avec tout le monde. Les ravers traînent avec moi, les rockers alternatifs, les fans d'electronica et j'ai toujours été ouvert à leur musique donc ça se voit dans ma musique. En fonction de mon humeur, d'avec qui je traîne et de ce que tu me fais écouter, je ressens les influences, j'essaie de m'y retrouver et de relayer quelque chose. Mais je ne vais pas dire "voilà le son de Tes". J'ai remarqué que sur ce nouvel album je vais revenir plus à l'esprit de "Take Home Tes", pas le même genre de paroles, mais en utilisant la même voix (il prend une grosse voix grave, ndlr). Sur "X2", c'était surtout la voix aiguë. Beaucoup de gens attendaient le retour de l'ancienne voix.
HHC: Bonne nouvelle. Il y a deux ans, tu conseillais à nos lecteurs de s'attendre à une collaboration entre Vast Aire, de Cannibal Ox, et toi. Qu'en est-il aujourd'hui?
T: Nous avons fait quelque chose ensemble chez Emebedded Records et ça ne s'est pas avéré si bon que ça. On n'avait pas de plan pré-établi donc on en est resté là et puis on a tracé chacun notre chemin. On s'entend toujours bien. Il fait son truc, je fais le mien. Il devait apparaître sur un titre appelé 'Night Is Yours', mais ça ne s'est pas fait et maintenant je n'ai plus trop envie de multiplier les collaborations rap sur mes albums. Je sais que c'est un truc très Hip Hop, encore aujourd'hui, de dire "je veux machin et je veux truc sur mon album". Mais je recherche les collaborations de gens qui le sentent, qui en ont envie et pas forcément toujours des rappeurs, comme sur mon nouveau disque où Tim Gane, du groupe Stereolab, a fait quelque chose pour moi. J'essaie vraiment de varier les genres, de changer. Pourquoi est-ce que ça devrait toujours être du rap?
HHC: Après la compilation "Panic Room", tu apparais de nouveau sur un projet en compagnie de TTC, sur un disque de Kid Rolex. Avez-vous gardé contact avec TTC?
T: Oui, avec Para One. On était ensemble hier soir, d'ailleurs. Je vais participer à leur concert (le 21 avril à l'Elysée Montmartre, ndlr), on va jouer 'Beatdown', c'est une grande première. On a écrit ce titre à Paris la première fois que je suis venu ici, avant "X2", en vacances, il y a trois ans.
HHC: Peux-tu nous parler de ton travail dans le cadre du festival "Les Urbaines" de Lausanne, il y a quelques mois?
T: Oui, c'est ce que je vais montrer ce soir. Au départ ce festival à Lausanne m'a contacté pour que j'intervienne et j'ai commencé par penser que j'allais rapper. Mais ils m'ont dit qu'ils voulaient que je fasse quelque chose de différent. Et cette nuit-là j'ai vu le film "The Warriors" projeté dans un parc, alors j'ai vite répondu en disant "Bon, je ferai un nouvelle bande son pour "The Warriors" et je le ferai en direct". Ensuite, j'ai commencé à faire des recherches et à construire des projets, puis c'est devenu quelque chose de plus en plus important. Maintenant ça me tient vraiment à cœur, je fais du montage et je change même un peu le film.
HHC: Quel genre de film est "The Warriors"?
T: "The Warriors" est presque un péplum, mais en fait c'est un film de gangs. Ils se réunissent dans cet endroit immense où ils essaient de pactiser pour vaincre les flics. Mais cela me rappelle aussi comment était New York aux origines du Hip Hop : beaucoup de cultures diverses se mélangeant, des gangs. La ville était vraiment sombre à cette époque. Et le film parle de ça, d'à quoi ressemblait New York dans les années soixante-dix, un peu extrême, avec le métro omniprésent, les graffitis sur les trains… Le film va bien avec une partie de ma musique, avec sa partie la plus sombre.
HHC: La dernière fois tu nous disais ton admiration pour Ghostface Killah. Il est apparu très récemment sur le LP de Prefuse 73, qui s'avère produire lui-même le LP d'Afra, qui travaille avec toi… c'est un peu confus mais la question est simple : penses-tu que tu rapperas un jour avec Toney Starks?
T: Oui. Je ne sais pas si ça va se faire, mais c'est bien possible. Lex va sortir un projet rassemblant Doom et Ghostface. C'est pas garanti mais ça peut se faire, parce que Danger Mouse l'enregistre et donc ça a déjà pu être mentionné. C'est marrant que vous parliez de ça! En tout cas j'adorerais que ça arrive, carrément. Sinon, c'est drôle que vous connaissiez le disque d'Afra.
HHC: "X2" est sorti chez Lex, le même label que "Hymie's Basement" de Why? & Fog et que "Sleep No More" de DJ Signify, te sens-tu proche de l'esprit de "cLOUDDEAD" ou des productions du label Anticon?
T: Je ne pense pas que nous soyons similaires. Je pense que la seule chose que nous partageons est le fait d'être ouverts à tout. C'est ça Lex : tout le monde au label est ouvert à plein de choses différentes. Sinon, rien ne nous relie. Enfin, Dose vient du même coin que moi et au milieu des années quatre-vingt-dix on était tous des rappeurs underground indépendants, mais on est tous partis faire nos propres trucs.
HHC: Certains comparent ton flow à celui de Dose One.
T: Le haut perché, celui qui est nasal. Oui, je vois, c'est ce que des gens entendent, surtout ceux qui ne comprennent pas l'anglais. Mais je pense vraiment que c'est différent. Il y a ce truc (il prend une voix très aiguë, ndlr), mais je vais m'en éloigner désormais.
HHC: Et pour finir, que penses-tu de notre pays et de l'esprit b-boy en France?
T: On dirait qu'il y a beaucoup de b-boys qui gravitent en France, je ne sais pas si tout le monde sait ce qu'est la culture b-boy, mais il y a du style. C'est comme pour TTC, ils ont l'esprit Hip Hop, je ne retrouve pas un telle énergie en Amérique : Para One, Tacteel, ces mecs tuent et ils sont carrément dans la culture b-boy. J'adore ce pays. Je pense à y vivre un jour. Je ne sais pas quand. A Paris, peut-être dans le sud aussi, l'été.
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