Ca devient presque une habitude. Depuis ses débuts, la maison Sunset Leagues (au centre de laquelle évolue le combo Disflex6) fournit régulièrement des disques de qualité, ornés d'un joli hip-hop délicat et éthéré. Le sociétaire Ehnertia, qui cumule les mandats de MC et beatmaker, avait jusqu'ici fait preuve d'une discrétion exemplaire, se contentant d'offrir quelques beats et couplets à ses compères et de cosigner un sympathique "Earth Forces" (sorti sous le nom Scratch Paper en 2000). Evoluant donc dans l'ombre des piliers Lazerus et Argonaut depuis de nombreuses années, Ehnertia n'y était encore pas allé de son album solo. C'est désormais chose faite avec "Late Nights Early".
Que ce soit dit, le jeune homme rappe moins bien que son copain Laz Jack et se révèle moins habile aux machines que le patron Jason The Argonaut. Mais son premier ouvrage solo contient suffisamment de bonnes choses pour mériter une place dans ces pages.
Armé d'un flow limpide et mélodieux, qu'il sait adapter à l'environnement, Enhertia n'est pas un emcee quelconque. Far from it. Aussi à son aise sur le breakbeat simpliste de 'Elements' que sur une composition aérienne et harmonieuse de Argonaut ('So Much'), le californien n'est décidément pas de ces rappeurs dont on se lasse rapidement. Son inflexion légèrement nasillarde, ses invectives oldschool récurrentes et ce sens évident de l'harmonie (
"junky to the rhythm") rendent la plupart de ses couplets agréables. Et même si l'album souffre de quelques faiblesses soniques (une guitare un peu anachronique par ici, un beat inélegant par là), "Late Nights Early" regorge de petits hits réjouissants - à l'image de l'intense '15 Minutes'. Mais pas seulement. Sur certaines plages, le rap d'Ehnertia va bien plus loin. C'est le cas du seul track composé par le fellow DJ Capsize, un 'The Plague' à la construction exemplaire (un beat protéiforme, quelques notes de piano judicieusement gréffées à la composition) et d'un 'Art Forms' tiré à quatre épingles. Au rayon des franches réussites, notons par ailleurs le 'Two Sides' d'Elon.Is (gracieux et évolutif comme il faut) et le plus intimiste et minimaliste 'Lions', également mis en son par l'auteur d'Atomik Age.
Au final, on retiendra deux constantes : un flow fluide et serein et un travail de composition souvent consciencieux. Cela suffit à faire de "Late Nights Early" un disque plus qu'estimable. Un de plus à mettre à l'actif du consortium Sunset Leagues.
Kreme Octobre 2005