Frank-N-Dank
48 Hrs

"48 Hrs" constitue la première sortie longue durée de Frank-N-Dank. Un nom qui vous mettra probablement la puce à l'oreille si vous êtes adepte de la scène de Detroit car vous l'aurez sûrement souvent vu associé à celui de Dilla. Oui, Jay Dee, l'ex-Slum Village; le producteur derrière un nombre incalculable de perles pour Pharcyde, Common, Busta Rhymes ou encore A Tribe Called Quest; l'auteur aussi de projets solo plus que respectables ("Welcome To Detroit", "Fuck The Police", "Ruff Draft EP", etc). Sachant que Jay Dee est à la production de l'intégralité de ce "48 Hrs", vous serez probablement tenté d'acquérir ce premier opus du duo de Detroit. Surtout que les précédentes collaborations du trio avaient donné lieu à de bons moments : 'Me & My Man', 'Pause'. Résistez, malheureux! Ne faites pas la même erreur que votre serviteur.

"48 Hrs" est en effet une des bouses les plus énormes qui ait été déposé ces derniers mois dans les bacs. Un de ces albums mauvais de bout en bout qui ne fera on l'espère qu'alimenter les bacs à solde des magasins indépendants qui auront eu le malheur de le commander. Difficile d'écrire et de décrire le vide mais cette chronique va humblement tenter de documenter cette déroute qui pèsera lourd dans le casier de Dilla et ses compères le jour du jugement dernier. Avertissement donc : cette chronique est préventive.

Frank-N-Dank signent ni plus ni moins que l'album underground le plus creux de l'année lyricalement... peut-être même de la décennie à venir. La barre est en tout cas placée très haut avec ce premier opus. Bitches, fumette, parties et violence : tous les clichés du rappeur lambda de seconde zone y passent en effet sans le moindre remords ou le moindre second degré. Rien que les intitulés des morceaux sont un concentré de mauvais goût et de sujets déjà mille fois rabâchés. Jugez un peu de l'imagination des gaillards : 'Street Life', 'Sex On The Beach', 'Alright', 'Marajuana'… Si encore seuls les titres étaient creux, on pourrait faire l'impasse. Mais le contenu est encore moins imaginatif et intéressant. Entre des dizaines d'hymnes misogynes et quelques egotrips embarrassants, Frank-N-Dank font leur quota de textes à thèmes en abordant originalement leur amour pour les drogues douces ('Marajuana') et en dédiant aussi bien entendu une chanson à leurs mères ('Ma Dukes'). Tout sonne forcé, mal amené et dénué du moindre apport personnel. Les textes sont d'une banalité et d'une stupidité affligeantes; les punchlines sont honteuses et les deux rappers (on ne leur accordera pas le titre d'emcees) brillent par leur manque de charisme. Très inspirés, Frank-N-Dank nous font aussi profiter d'interludes ridiculement mauvais. Pour compléter le tableau, le duo se fend de refrains que l'on pourrait objectivement qualifier de pitoyables et qu'on ne reproduira pas ici pour ne pas accabler plus leurs sinistres auteurs. Une écoute de 'Sex On The Beach' devrait suffire à vous donner une idée des abîmes qu'atteint ce trou béant ouvert dans l'espace-temps rapologique. Vous cherchiez des rappers sans le moindre talent : Frank-N-Dank sont toujours là pour vous.

Plus surprenant, avec cet album, Jay Dee atteint des sommets de nullité dont on le pensait à l'abri. Quelle erreur de notre part! Car ici, Dilla étonne par une constance remarquable dans la pauvreté musicale tout au long du LP. On se sent obligé de vérifier sur le succinct livret de "48 Hrs" qu'il est bien le responsable de cette suite d'instrumentaux clonés se complaisant dans une facilité écoeurante. On savait que Jay Dee tournait depuis quelques mois avec la même caisse claire et avec des programmations de batterie de plus en plus paresseuses… Mais là, on peut constater qu'il utilise aussi la même basse synthétique, les mêmes ingrédients et tire sur les mêmes ficelles jusqu'à ce qu'elles se brisent (assez vite). "Fin" expérimentateur, Jay Dee a d'autre part mis son sampler dans le placard (pour empirer les choses) et semble avoir voulu essayer sur cet album d'allouer un titre à chacune des sonorités les plus cheap de son clavier. Le résultat est frappant : on penserait pour un peu qu'il vient tout juste de débuter la production… sans une once de talent. Le degré de créativité ou même de qualité est pour ainsi dire proche du zéro absolu. Les batteries sont indignes d'un producteur du statut de Jay Dee, les nappes de synthés mollassonnes, les idées absentes (ou alors empruntées) et on navigue allègrement dans une soupe sonore rappelant vaguement le g-funk de série Z, le bounce facile et/ou une sorte de revival new wave. Pour 'Marajuana', Jay Dee ne nous épargne même pas quelques vagues relents jamaïcains frelatés… Jusqu'où ira-t-il pour détruire sa réputation? Qui sait. En tout cas, rien ne semble pouvoir l'arrêter sur cet album. Il ne semble relever le drapeau que sur 'Keep It Coming' qu'on qualifiera réalistement de sympathique mais qui sonne fantastique au milieu d'un tel bourbier.

Il est vraiment temps de prendre des vacances pour James Yancey. Sortir Jaylib puis partir se reposer quelques mois loin de Detroit serait le meilleur des scénarios pour nous et pour Jay Dee. Car il ne fait ici qu'alimenter le feu de ses détracteurs... Quant à Frank-N-Dank, souhaitons leur une très brève carrière dans les tréfonds de l'underground. Conclusion : "48 Hrs" est un des albums les plus wack de l'année. Une erreur de la nature qui aurait dû rester à jamais à l'état de démo. Ne l'achetez à aucun prix. C'est pour votre bien.

Cobalt
Juillet 2003
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Label: Autoproduction
Production: Jay Dee
Année: Mai 2003

01. Intro
02. Marajuana
03. Rite Bites
04. Street Life
05. Pimp Strut
06. Where The Parties At?
07. Y'all Don't Want It
08. Sex On The Beach
09. All Seasons
10. Alright
11. Afterparty
12. Ma Dukes
13. Keep It Coming
14. Take Dem Clothes Off
15. Off Ya Chest

Best Cuts: (la bonne blague)

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