On ne vous fera plus l'affront de vous présenter le monsieur, c'est inutile si vous fréquentez Hip-Hop Core assidûment. Néanmoins il était nécessaire de revenir un peu plus en détail sur un album qui aura peut-être échappé à certains d'entre vous: "International Beats". Tout commence en 2005 lorsqu'une première version 15 titres de l'album sort incognito en CD-R. Comme son nom le suggère, ce projet est constitué d'une série de beats confectionnés par Adlib au fil des ans, durant de longues soirées passées seul dans les chambres d'hôtels qui lui tiennent lieu de demeure entre deux concerts, à travers l'Europe et d'autres contrées bien éloignées de sa Californie natale.
Début 2007, joie, bonheur… l'album doit faire l'objet d'une sortie officielle sur le label Net31. On allait enfin pouvoir mettre la main sur une galette sortant directement de l'usine, accompagnée d'un packaging un peu plus soigné. A peine quelques mois plus tard, peine, tristesse… Les circonstances en ont décidées autrement et on connaît tous la suite, le label met prématurément la clé sous la porte, disparaissant dans le firmament de l'underground aussi rapidement qu'il y est apparu. Net31 aura à peine eu le temps de sortir trois albums dont le Ceschi et le Xczircles (respectivement "They Hate Francisco False" et "The Purge") que l'on vous conseille tous les deux vivement, soit dit en passant. Coup dur pour Thavius Beck donc, qui voit son album planté une fois de plus sur le bord de la route. Une brève recherche d'un label intéressé pour accueillir ledit album est entamée mais s'avère rapidement infructueuse (il n'est jamais trop tard, à bon entendeur…). Adlib jette alors l'éponge et décide de le mettre en vente sur une plateforme de téléchargement légal sans plus attendre.
Malin est celui qui aura tout de même décidé de laisser quelques euros dans l'histoire pour obtenir le tout au format numérique (votre serviteur a d'ailleurs fait une exception pour le coup). Car cette nouvelle édition d'"International Beats" est une véritable bombe à retardement, version survitaminée d'un original déjà bien réjouissant. Trois titres disparaissent du tracklist initial dont deux utilisés l'an passé comme support pour le rap de NoCanDo ('1998' sur "Thru" et 'A.S.S.' sur "Walk The Void"). En contrepartie, une dizaine de nouveaux titres viennent s'y greffer, et quelle greffe… Un deuxième bras élevé aux stéroïdes anabolisants pour mieux vous assommer si la première version ne vous avait pas totalement mis K.O. Ceux qui ont découvert l'ami Thavius avec "Give Us Free!" plus tôt cette année ne seront pas dépaysés, car une bonne partie des morceaux qu'il nous a gracieusement légué pour Hip-Hop Core Records provient à n'en pas douter des mêmes sessions d'enregistrements que cette dizaine de nouveaux titres. Les 24 plages de cet opus s'étalant sur presque 80 minutes devraient donc en satisfaire plus d'un.
Apocalypse, paysages lunaires, putréfaction… Autant de mots qui trouvent toujours leur place dans la musique de Thavius Beck. L'esprit torturé qui hantait "Decomposition" et "Thru" est toujours présent et les pires sévices continuent à être infligés aux sonorités passant entre les mains de ce savant fou. On aura rarement entendu un Adlib aussi percutant que sur cet album, les BPM sont élevés et les drums pleuvent de toute part, écrasant les malheureux samples s'aventurant trop près des outils du tortionnaire californien. On retrouve d'ailleurs avec plaisir les titres phares de la première édition, parmi lesquels on citera 'After SxSw' et son saxo gémissant qui prend aux tripes, 'Atlanta 2' qui sample efficacement un morceau de Can ('Paperhouse' sur l'album "Tago Mago") en y ajoutant quelques notes de triangle et une rythmique qui claque, 'Queens' et ses voix saturées à outrance à peine perceptibles sur fond de guitare heavy metal... Et que dire de ce 'J. Balleycorn' magistral, cette voix calme accompagnée d'une petite guitare noyée sous un déluge de percussions imprévisibles : un vrai régal pour les cervicales. Quelques rares moments de calme viennent nous extraire momentanément de ce tumulte ('B4 Nyc', 'Plant 15', '6n9 Pianos',…) avant de nous renvoyer dans les abysses bouillonnants de la MPC du maître des ténèbres angelino ; là où l'on se sent le mieux finalement.
A bien y regarder, cet album serait la parfaite bande son d'un monde peuplé de zombies décérébrés... Le nôtre, en quelque sorte. Un monde froid où ils se rejoignent tous les soirs en boîte pour danser frénétiquement sur un 'Doa Samples' fricotant avec la trance (un peu trop). Au dehors, certains déambulent maladroitement dans les rues désertes, sans but précis avec un 'Jenny 29' dans le walkman alors que d'autres paradent fièrement, subitement enhardis par les petits tambourins et flûtes macabres de 'More Stuff'. Quand soudain, les sonorités funèbres d'un 'Micro Korg 2' résonnent dans toute la ville… A ce moment là, la messe est dite : l'instinct primaire de ces êtres inertes se réveille brutalement et la chasse aux sains d'esprit est ouverte… ils s'élancent à leurs trousses, encouragés par un 'Vocoder Test' et ses voix inquiétantes qui donnent l'impression de sortir telles des fumerolles au travers de l'asphalte et du béton, terrorisant les derniers survivants terrés désespérément dans quelques coins sombres. Les cervelles de ces pauvres gens ne tarderont pas à être goulûment dévorées sans prendre le temps d'en savourer toutes les fibres au son d'un 'It's Yours 12' court mais trépidant. Les restants impropres de leurs entrailles seront ensuite jetées aux vers au fond d'une tombe creusée à la hâte ; on entend les pelles fracasser le sol tout au long de 'Domestic Shithole'.
Soyez en sûr : une fois que vous serez à votre tour contaminés par la substance de cet album, le poison ne mettra pas longtemps à agir et vous transportera dans un autre univers, dans un monde inquiétant et fascinant. Bienvenue chez Thavius Beck.
Phara Novembre 2007
P.S.: Vous pouvez vous procurer "International Beats (Final Version)" pour approximativement 9€ via la plateforme de téléchargement
Snocap.