Beatboxer, emcee, beatmaker arpentant les rues de Brooklyn, Tes fait partie de ces artistes polyvalent, digne représentant d'un hiphop progressif mis en oeuvre par Company Flow. Après un "Take Home Tes" remarqué et une signature sur le label anglais Lex record, Tes est de nouveau d'actualité avec la sortie imminente d'"X2" seconde livraison épatante s'annonçant déjà comme une des sorties les plus intéressante de 2003. English version
Hip-Hop Core : Tes, tu as commencé ta carrière par le biais du beatbox lorsque tu avais onze ans. C'est une introduction à la culture hip-hop assez atypique de nos jours. Peux-tu nous raconter quel a exactement été le parcours que tu as suivi et qui t'a amené là où tu te trouves maintenant ?
Tes : J'ai commencé à beatboxer et à rimer après avoir entendu 'La Di Da Di' du Get Fresh Crew (ndlr : Doug E. Fresh). Ca ne nécessitait pas d'avoir de l'argent, des instruments coûteux ni même de prendre des leçons de musique. Tout ce que j'avais à travailler c'était mes lèvres et ma voix. Le rap est devenu mon moyen d'échapper à la réalité. Je glandais tout seul en faisant des beats ou des rimes. Mes premières démos, je les ai faites avec un groupe appelé Master Peace. C'était cool parce que les membres du groupe avaient du matos pour produire et enregistrer des morceaux et du coup c'était comme si j'avais des heures de studio gratuites. Avec un peu de recul, je n'ai jamais été vraiment satisfait de leur production même après avoir quitté le groupe. Je rêvais de trouver des beats mortels. Pendant ce temps, je continuais à entretenir ma dextérité microphonique en rappant sur les beats d'autres gens… Mais comme le producteur de mes rêves n'apparaissait pas, j'ai décidé de prendre les choses en main. En 1997, j'ai acheté un sampler d'occasion. J'ai pris une éternité à faire mon premier beat. Maintenant, je fais des tonnes de beats.
HHC : Est-ce qu'il y a des rencontres ou des personnes particulières sans lesquelles tu n'en serais pas au point où tu es actuellement ?
T : L'un de mes anciens partenaires de rimes, MC Flex, a eu un impact énorme sur mon flow à mes débuts. Il m'a appris à mettre au point des phrasés mortels avec du tongue twisting ou des intonations dance hall. C'est lui qui m'a amené à être ultra créatif avec mon flow. Sinon, K-Solo était une des mes connaissances lorsqu'il a sorti 'Letterman' avec le remix de Pete Rock. Les freestyles que j'ai pu faire avec lui m'ont motivé à m'améliorer constamment dans le domaine du freestyle.
HHC : Sur le site de Lex Records, j'ai remarqué que ta biographie a été écrite par Vast Aire. Vous êtes tous les 2 présents sur Embedded Music presents "The Bedford Files". Quelle est exactement votre relation ?
T : J'ai rencontré Vast au Nuyorican Poets Café en 98. On a fait pas mal de shows ensemble et depuis on est restés amis. D'ailleurs, attendez-vous à des collaborations Tes/Vast Aire dans un futur proche.
HHC : Tant qu'on y est, qu'est-ce qui t'a motivé à signer avec Lex Records ?
T : Ils m'ont offert une Cadillac Escalade comme avance ! Non, sérieusement, les mecs de Lex adoraient "Take Home Tes" et ils m'ont demandé de faire une chanson pour "Lexoleum". Vu leur approche indépendante et leur façon de voir les choses, j'ai senti que Lex serait parfait pour "X2".
HHC : Certaines personnes semblent parfois te catégoriser dans un soi-disant hip-hop expérimental aux côtés d'Anticon, El-P ou Anti-Pop Consortium vu ton choix de samples ou les rythmes de tes beats. Est-ce quelque chose dont tu es fier ou est-ce que ça te dérange que l'on te catégorise ?
T : Le terme "expérimental" ne convient pas du tout pour moi. Il a cette connotation élitiste que je ne peux pas accepter ! J'ai grandi en écoutant de la musique qui ne suivait pas les tendances. Dans le passé, les rappers étaient catalogués abstraits, politiques, conscients ou hardcore. Je n'ai jamais aimé les étiquettes. J'aime juste entendre des musiques originales quelle que soit l'angle que l'artiste a exploré. De nos jours, si ta musique ne rentre pas dans les limites étroites de la musique pop, on te considère automatiquement comme un artiste expérimental. Je préférerai être considéré comme original.
HHC : Tu es à la fois beatmaker, emcee et beatboxer. Si tu devais n'en choisir qu'un, dans quel domaine continuerais-tu et pourquoi?
T : Je choisirai définitivement le emceeing car je suis un accro du rap.
HHC : Tu es de Brooklyn. Nombre d'artistes new-yorkais prétendent que cette ville est une source d'inspiration inépuisable. Qui y-a-t-il de si exceptionnel à New York d'après toi ?
T : Les gens sont ce qu'il y a de plus exceptionnel à New York. NY est un vrai melting pot avec une multitude de cultures et de nationalités représentées. Il y a cette agitation constante que tu ne retrouves nulle part ailleurs. Parfois, je monte sur mon toit et je regarde juste la ligne d'horizon de New York. Il y a toujours un bruit de fond qui en vient ! Il y a 8 millions de personnes en train de bouger continuellement chaque jour ! C'est très compétitif ici. Tout le monde essaie de se faire remarquer mais il y en a si peu qui y parviennent. Ca m'a appris à travailler dur et à me débrouiller pour obtenir ce que je veux. D'autre part, la ville offre une quantité énorme de stimulants audio et visuels. J'aime cette ville et je crois que j'aurais toujours une maison ici.
HHC : En 2000, tu as sorti "Take Home Tes", un EP surprenant et profondément original. Alors que tu es sur le point de sortir "X2", peux-tu nous parler un peu de ce nouvel album ? Pourquoi as-tu décidé une fois de plus d'opter pour un format court ?
T : "X2" contient 31 minutes de musique toute nouvelle de Tes. J'ai choisi un format court parce que je préfère les albums courts. Les longs albums ont tendance à contenir trop de morceaux de remplissage et sont souvent ennuyeux. Le titre "Times Two" ou "X2" se réfère à ma dualité emcee/producteur. C'est un peu comme s'il y avait 2 Tes. Ce titre est aussi un acronyme pour mon vrai nom Terrence Tessora. Maintenant, un petit jeu ! Qu'est ce qu'on obtient en multipliant Tes deux fois ? Pensez-y. Réponse plus bas (rire).
HHC : Lorsqu'on écoute "X2", on a clairement l'impression que tu as choisi d'aller dans une nouvelle direction. L'ambiance générale est beaucoup moins sombre et oppressante que sur "Take Home Tes". Est-ce quelque chose que tu voulais faire ou est-ce que ça s'est juste présenté de cette façon ?
T : Je crois que je suis devenu un meilleur écrivain. Je voulais plus de variété. Pourquoi se cantonner à un seul style quand tu peux naviguer entre plein de styles différents ?
HHC : Sur "X2", un titre attire vraiment l'attention 'NNY'. Il sonne vraiment comme un hit et il est clairement différent de tout ce que tu as pu faire avant. Pour moi, c'est vraiment un des meilleurs titres des derniers mois. Tu y parles de la vie dans le NY post-11 Septembre. A quoi ressemble ce nouveau New York ?
T : Le 'New New York' me rappelle l'ancien en fait. Tout le monde ici pense que c'est à nouveau les années 80. Lorsque je marche dans les rues de NY, ça me rappelle ce clip des Beastie Boys 'Fight For Your Right To Party'. Le graffiti est de nouveau sur la pente ascendante. Ca me rappelle une autre époque. Giuliani avait mis New York en quarantaine pendant un temps mais tout revient en place. 'New New York' devait à l'origine être un commentaire sur la petite noblesse qui réapparaît dans la ville. J'ai écrit cette chanson d'un trait. Le beat m'inspirait vraiment et les mots ont suivi sans aucun problème.
HHC : Le plus frappant sur ces nouveaux titres, c'est ton flow ultra-rapide qui parvient à coller parfaitement au beat. Certaines portions des morceaux sont même chantées. Est-ce quelque chose que tu as vraiment travaillée ?
T : Je n'y pense pas vraiment en fait. Ca vient naturellement. J'aime rapper et changer de style constamment.
HHC : Beaucoup de gens ont comparé "Take Home Tes" au travail de Company Flow. Etait-ce vraiment une influence ? Et d'ailleurs, quels sont les artistes (hip-hop ou non) que tu considères comme des influences ?
T : Company Flow m'ont clairement influencé avec leur mentalité indépendante et leur approche sonore hardcore. Leur place dans l'histoire du hip-hop ne sera jamais oubliée. Les autres artistes qui m'ont inspiré ce sont Afrika Bambaataa, Run DMC, LL Cool J, Eric B & Rakim, Arthur Baker, Art of Noise, Mantronix, David Bowie, Billy Idol, Cindy Lauper, The Cars, Michael Jackson, Queen, The Kinks, Red Alert, Mr. Magic, The Beastie Boys, Marley Marl, Stevie B, Judy Torres, Depeche Mode, New Order, Joy Division, Raze, Public Enemy et le Bomb Squad, Prince Paul, les Native Tongues, NWA, Brand Nubian, Stereolab, Aphew Twin, 3rd Bass, EPMD, K-Solo, Redman, KMD, Leaders of the New School, MF Doom, X-Clan, Nirvana, Dr Dre, Snoop Dogg, The Neptunes, Timbaland, Main Source, Gangstarr, Nasty Nas, Tupac, Biggie, Jay-Z, Black Moon et le Wu-Tang! Ghostface est le meilleur, yo !
HHC : Si tu devais recommander un album à quelqu'un qui n'a pas entendu de musique depuis dix ans, lequel choisirais-tu (en dehors de tes propres œuvres) et pour quelle raison ?
T : Wu-Tang Clan "Enter The 36 Chambers". Cet album était si crade et original. Rza a ralenti le tempo du hip-hop et l'a rendu sombre. Le Wu a surgi de nulle part et a révolutionné la musique dans son ensemble. Ils étaient différents de tous ceux qui les ont précédés. D'autre part, le Wu a aussi inspiré la vague du hip-hop indépendant.
HHC : Tu as collaboré avec le groupe TTC et avec le emcee D'Oz pour le titre 'Beatdown' de la compilation "Panic Room". Je crois que c'était la première fois que tu travaillais avec des artistes français. Qu'as-tu pensé de cette expérience ? As-tu eu l'occasion d'écouter leurs albums ?
T : L'enregistrement de 'Beatdown' a été fantastiquement facile. En 3 heures, on a enregistré un classique. Il y a 4 mouvements dans cette chanson. 4 variations sur un même thème pour coller aux 4 emcees. Para One est le cerveau derrière ce beat. Il m'a poussé à sortir une phase de beatbox fatale et il l'a découpé de manière vraiment mortelle. Il est vraiment doué pour les bandes originales ! Surveillez bien ses films ! Tekilatex a proposé le titre de 'Beatdown'. Il voulait un mot qui parlerait aussi bien aux francophones qu'aux anglophones. On s'est tous donné à fond sur ce titre et on va continuer à bosser ensemble dans le futur.
HHC : Est-ce que ça t'intéresserait de venir faire un show en France ?
T : Bien entendu. "Have mic/Will travel".
HHC : Bien, merci beaucoup pour cet entretien Tes. As-tu un dernier message pour les lecteurs de Hiphopcore.net ?
T : Il n'y a rien de tel que : "Peace !"
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