Même s'il est sans doute idiot de s'essayer à l'exercice, force est de constater que MF Doom possède ce qui ressemble le plus au "son des années 2000", dont la recherche de la formule exacte anime à l'occasion plateaux télévisés et salons en ville. Propulsé par son passé
"nineties" au sein de KMD et de la New School, Daniel Dumile aura livré sous son avatar le plus fameux trois disques marquants, en 2001, 2004 et 2009, aura été brillamment "cité" dans nos contrées par l'album gagnant du Klub Des Losers et aura bénéficié récemment d'un remix par Thom Yorke lui-même, titulaire d'une place quasi-pontificale dans le milieu musical actuel, toutes tendances confondues. En outre, il est certain que ses opus sous d'autres noms (Metal Fingers, Viktor Vaughn, King Geedorah) ou en participation avec des beatmakers en vue (Madlib, Dangermouse) ont largement contribué au renouvellement de la verve du Doom.
Et alors que, dans une interview accordée au webzine HipHopDX, il concédait il y a peu ne pas se présenter en personne à tous ses concerts – préférant déléguer quelque représentant en lieu et place – on peut se demander de quel traitement de faveur au juste il bénéficie. De quelle nature se constitue son rapport à un public qui ne peut décemment pas le reconnaître dans la rue. Splendeur et misère de l'imposture? Allégeance due aux icônes mystérieuses? Toujours est-il que cette dernière livraison, nommée "Born Like This" en hommage à un film sur Charles Bukowski ("Born Into This"), attérit sous une foule de commentaires, d'attentes déçues ou contentées, de découvertes plus ou moins faussées, de dédain, d'emphase.
La rencontre avec l'œuvre de feu J Dilla, pour commencer, faisait jaser. A priori inepte, elle s'avère au pire laborieuse, sur 'Lightworks', et au mieux convaincante quand on entend une production dévisser autour de son centre dans 'Grazzillion Ear' (titre que reprendra Yorke). Car l'art de la boucle créé par Doom n'est pas mort. Pour preuve, s'il nous énerve sur 'Cellz' et 'Still Dope', il nous pousse à lui pardonner avec des titres aux accents de saveur retrouvée tels 'Batty Boys' et 'That's That' – où le chant faux de Doom a la beauté du ridicule. Ainsi les apparitions plutôt inutiles des membres du Wu-Tang (Raekwon sur un fond de sirène agaçante et Ghostface se démenant sur un air de déjà-vu qui n'en vaut pas la peine), du Sudiste Freddie Foxxx et du Midwesternien Slug ne feront pas totalement oublier ces coups d'éclats.
En bref, ce disque attendu avec une grande circonspection ne contredit pas vraiment ceux qui lui prédisaient un écho plus qu'atténué. Bien que plombé par quelques titres pénibles, il pourra cependant surprendre agréablement, çà et là, qui ne s'est pas forgé une statue trop solide de l'homme à la face de fer.
Billyjack Avril 2009