Monsta Island Czars
Escape From Monsta Island!

Depuis leurs apparitions remarquées sur le classique "Operation : Doomsday" de MF Doom, les hip-hoppers du monde entier ont cherché à en savoir un peu plus sur Megalon, Rodan, King Ceasar, Kamackeris, Kong et tous ces emcees gravitant autour de Percy Carey, dont les noms bizarres sont issus de séries Z japonaises sous-produits de Godzilla. Tous réunis sous l'emblême de Monsta Island Czars, leurs apparitions ont été rares et elles n'ont fait qu'amplifier l'attente d'un premier projet sérieux. Il faut dire qu'en dehors d'un maxi de Megalon sur Fondle'em et d'un maxi du crew au complet pour le label belge Brick 9000, seules les rares rencontres entre le flow labyrinthique de Megalon et le phrasé noir de MF Grimm sur "The Downfall Of Ibliys" nous avaient permis d'en savoir un peu plus sur eux. Mais l'an dernier, les choses se sont enchaînées. Il y eut d'abord ce "Monster Mixes Vol.1", CD mixé distribué en sous main par le producteur X-Ray, qui avait permis à ses rares possesseurs de voir toutes les capacités du collectif… puis il y eut l'annonce de la sortie en 2003 d'un album "Escape From Monsta Island!" avec l'aide du label Rhymesayer. Après plusieurs années d'attente, voici donc enfin ces jours-ci le premier album des petits protégés de Metal Face Doom.

On pose la galette sur la platine. Les premières notes s'échappent pour une introduction, à base d'extraits de vieilles séries télévisées tirées des comic books des années 50, qui nous évoque inévitablement l'ambiance affectionnée par Metal Fingers et ses adeptes. Bienvenue dans le monde de Monsta Island Czars! Les choses s'annoncent bien… Pourtant, dès la deuxième plage, le charme s'évanouit lorsque X-Ray prend en charge la production. Son travail sur 'M.I.N.Y.A.' est pour le moins passable : boucle de guitare irritante, drums palichonnes mises en avant… On se retrouve plongé dans une production de seconde zone qui tranche clairement avec ce que l'on attend d'un projet portant l'aval de Zev Luv X. Cette piètre qualité musicale s'avère être une constante dans toutes les productions d'un X-Ray qui prend malheureusement en charge les trois quarts des compositions "Escape From Monsta Island!". Ses programmations s'avèrent faiblardes, ses samples souvent connus et ses structures squelettiques lassent l'auditeur en quelques mesures. Surtout que ses boucles manquent cruellement d'originalité et de variations. Généralement, il se contente de prendre une boucle de violon ou de piano bateau (quelle innovation!) sans la travailler et de la laisser tourner sur ses boites à rythme cheaps : 'Under Pressure', 'Out My Mind', 'Warning', les exemples sont nombreux… Parfois les sons passent bien lorsque les boucles sont efficaces ('Became A Monsta', 'Poizon Windz') mais ils restent faciles, dénués de personnalité et d'un classicisme horripilant.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que les rimes de certains des monstres ne sont pas là pour faire prendre la sauce ou aider à relever un peu le soufflé. Si les réputés Megalon, Rodan et Kong restent fidèles à leur réputation et viennent heureusement mettre un peu de piment avec leurs flows sinueux et leurs imageries ésotériques, on ne peut pas en dire autant de leurs collègues de micro. Prenant des airs menaçants, Kamackeris joue ainsi le petit gangster de manière ridicule, sans la moindre trace de créativité ('F@#k Y'All Niggas'). A notre grand désarroi, on se croirait plongé à chacune de ses apparitions dans un de ces LP de thug rap standard qui emplissaient les bacs à soldes des années 90. Les autres membres moins connus se montrent d'une profonde banalité. On ne peut plus se voiler la face au fur et à mesure que les plages déroulent et on est confronté à la dure réalité : Monsta Island Czars contiennent dans leurs rangs quelques seconds couteaux aux discours stériles et aux idées courtes qui ne doivent leur présence sur disque qu'à leur amitié avec l'homme au masque de fer et qui tirent malheureusement le disque vers le bas. Des rappers qui même s'ils utilisent parfois un vocabulaire et des phrasés recherchés s'avèrent plus proches dans leurs textes d'un certain underground new-yorkais obnubilé par "le rap de rue" que des divagations géniales de leur prestigieux patriarche. Pour un couplet délicieusement mystique de Megalon, on est contraints d'écouter un bon nombre de vers de remplissage de ses compères. Au lieu d'utiliser intelligemment le terrain en friche d'un univers fantastique basé sur Godzilla qui aurait pu être propice à des concepts novateurs et passionnants, les emcees se contentent de nous resservir des lignes déjà entendues ou des menaces indigestes… parfois relayées par des refrains chantés de mauvais goût ('Under Pressure'). De plus, autre déception, leur second parrain, MF Grimm, n'est même pas présent sur le disque du fait de son incarcération…

Heureusement, lorsque MF Doom vient à la rescousse en enfilant son costume du super-méchant King Ghidra, l'album retrouve brièvement de vrais éclairs de génie. La perle de l'album est d'ailleurs son solo 'MIC Line' où il déplore le manque de créativité des emcees actuels dans un discours pour le moins imagé sur un instrumental sublime qui voit fusionner sur une batterie en retrait une boucle de guitare doomesque avec des violons symphoniques et quelques craquements de vinyle… Imparable. Mais la panne de créativité évoquée se retrouve paradoxalement dans les rangs de ses propres recrues. N'empêche que quand MF Doom est aux manettes (ce qui représente seulement 5 titres en excluant les interludes), on est vraiment comblé car on entend ce que l'on aurait aimé trouver dans ce "Escape from Monsta Island!" (en évitant cependant l'exécrable 'Comin' At You'). Reprenant à l'occasion quelques instrumentaux mirifiques de ses "Special Herbs", certains titres s'avèrent être de vrais perles. '1,2…1,2' et 'Escape From Monsta Isle' (quelle superbe ligne de basse slappée!) bénéficient ainsi de supports sonores idéalement décalés qui permettent aux meilleurs membres du groupe de tisser leurs toiles complexes sur les rythmiques. Tout comme un 'Make It Squash' à la bande-son unique : mélange de beats industriels, de bruitages et de samples de violons grandiloquents.

Mais, au final, "Escape From Monsta Island!" est une franche déception. Si l'album s'écoute aisément, il est loin de répondre à toutes nos attentes et il ne nous apprend rien. 5 bons titres ne suffisent pas à faire un bon album. Parsemé de rares coups d'éclat dus en majorité à MF Doom, plombé ailleurs par des productions et des lyrics indignes, ce LP laisse un goût rance et désagréable de petite escroquerie. A tout cela, on peut trouver une explication simple : cet album manque d'un tas de choses évoquées plus haut et en particulier… de MF Doom. Mon conseil : faites l'impasse sur cet ersatz au goût de navet essayez plutôt de vous procurer les "Monsta Mixes Vol.1" évoqué plus haut, écoutez quand même les titres produits par notre cher King Ghidra et gardez plutôt vos deniers pour les sorties prochaines des nombreux projets MF Doom-Viktor Vaughn-King Ghidra-Madvillain ou pour le solo éventuel de Megalon.

Cobalt
Mars 2003
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Label: Metal Face Records
Production: X-Ray, King Ghidra (a.k.a. MF Doom).
Année: Janvier 2003

01. What's The Name Of This Place ? (Intro)
02. M.I.N.Y.A.
03. F@#k Y'all N!@@#s
04. Witchcraft
05. 1,2… 1,2
06. Scientific Civilization (skit)
07. MIC Line
08. Poizon Windz
09. Under Pressure
10. Became A Monsta
11. There's A Legend (skit)
12. Out My Mind
13. Warning
14. Make It Squash!
15. Gunz 'n' Swordz
16. Sumthin' To Prove (feat. James Brown)
17. Live Son Of A Bitch (skit)
18. Comin' At You
19. Take Control
20. Escape from Monsta Isle

Best Cuts: 'MIC Line', 'Escape From Monsta Isle', '1,2…1,2'.

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