"Get on the Bus"
Non messieurs dames, Busdriver n'est pas un illustre inconnu. En effet, si vous avez squatté les transports en commun Californiens pendant votre jeunesse, il se peut que vous ayez croisé entre deux arrêts ce jeune homme chillant et freestylant avec brio…
Beaucoup plus sérieusement car il le faut bien, Busdriver est un mc originaire de Los Angeles, affilié à la très productive famille "Project Blowed" (Aceyalone et Freestyle Fellowship, Abstract Rude, CVE, Dk Toon…) et représentant honorable d'une scène westcoast underground (trop) peu affichée. "Memoirs Of A Elephant Man" et "This Machine Will Kill Fascists" sortent tous deux en 2001 et nous présentent un mc bougrement talentueux, éclectique, souvent jazzy et plutôt étonnant.
En 2002, Bus' nous revient avec "Temporary Forever" qui le sort un petit peu plus de l'anonymat et qui consacre son talent occulté jusqu'alors par un fâcheux manque d'accessibilité. S'entourant d'une belle palette de producteurs californiens tels que Daddy Kev (compère de l'alcoolique Awol One), Omid ou l'inconnu Paris Sax qui offrent de très sympathiques compositions, notre "chauffeur de bus" semblant plus à son aise que sur les travaux de CVE (présent sur la majorité des titres des albums précédents) nous donne ce qu'il a de meilleur.
Dès la 2ème des 18 plages que propose l'album, le mal est fait. 'Imaginary Places' est sans nul doute un des morceaux de l'année; sur un remake osé d'une symphonie de Bach, Busdriva' donne une leçon. Débit invraisemblable, rimes ingénieuses et changements de flow destabilisants nous mettent une claque d'entrée de jeu et révèlent les potentialités du emcee, nombreuses, au demeurant. La suite de l'album n'est que bonheur et surprise, le rappeur-jazzman incomparable et inclassable nous amuse et nous surprend avec toujours plus d'éclectisme et de performances. Les morceaux se suivent et ne se ressemblent pas, Busdriver chante, rappe, a capella ou totalement off-beat, toutes les règles sont transgressées et ça nous plait. L'influence du jazz et du Be-Bop se ressent sur beaucoup de titres - l'artiste cite a plusieurs reprises les artistes John Hendricks et Eddie Jefferson comme mentors - les interludes sont remplies d'un humour décalé très appréciable. L'autre claque de l'album est peut être 'Single Cell Ego', apogée du délire de Budriver qui semble prendre son pied avec ce flow progressif et complètement barré qui, désormais le caractérisent.
On se remet à peine de ce 'Single Cell Ego' qu'arrive dans nos oreilles un 'Somethingness' partagé avec Radioinactive et Rhetoric - prestigieux invités - autre pierre précieuse de "Temporary Forever". Saxophone en état d'ébriété et emcees hallucinants, la formule est efficace. Remarquons par ailleurs la prestation de 2mex, qui, accompagné de son compère de Mexican Descent épaule Busdriver sur 'The Truth Of Spontaneus Human Combustion', intéressant. Dernière apparition , celle de l'ami Aceyalone (membre des Freestyle Fellowship) sur 'Jazz Fingers' qui n'altère en rien la qualité de l'album, bien au contraire.
L'album est donc très bon comme vous l'aurez compris et si on ajoute les cuts remarquable de D-Styles, le tableau semble idyllique. Le dernier album de Busdriver ne sera donc pas "temporaire" et devrait bénéficier d'un classement tout a fait honorable dans les bilans de l'année qui vient de se terminer. Busdriver nous livre une pièce homogène, intéressante et difficilement étiquettable, un album rythmé, harmonieux et ponctué par quelques gemmes qui resteront à la postérité.
Kreme Janvier 2003