TOCA
Toca

Mu par un souci de clarté, il est nécessaire de poser les jalons de ce qui va constituer la décortication à suivre de cet album. Première chose: TOCA est un groupe à part. Deuxième chose: cet album est du même acabit. Il se présente comme le résultat attendu d'un long travail débuté en 2004. Forcément, si les surprises ne sont pas l'élément central au vu de la durée sur laquelle s'est étiré le projet (durée nécessaire pour voir éclore ce premier long format du groupe), cet album éponyme recèle tout ce qu'on pouvait attendre d'une telle formation. Percussion, intelligence et professionnalisme.

Danny "Xololanxinxo" Rodriguez, les frères Ceschi & David Ramos, Tommy V.(alencia), Danny Levin & Max Heath. Soit six personnes au total, tous membres de TOCA. A la baguette, un Ceschi mis en lumière par son second opus solo sorti l'année passée ("They Hate Fransisco False"). C'est d'ailleurs en s'appuyant sur ce tremplin non négligeable que TOCA s'est soudé autour de ce projet commun. Selon les mots de Xolo: "This album really has a piece of everybody in the band." Une sensation que l'on ne peut mettre de côté lorsque l'on parcourt les seize pistes proposées. TOCA, c'est avant tout la réunion de multiples expériences au service d'une direction commune. Un condensé d'informations musicales passées sous le crible des six compères afin d'en faire ressortir une mixture difforme, inclassable.

Si Xololanxinxo est l'éminente moitié du duo rap Of Mexican Descent (au côté de 2Mex) élevée aux mamelles du Good Life Café, Tommy V est lui aussi un rappeur angelino et les frères Ramos sont porteurs, en side project, d'un groupe de métal énergique assez éloignés des mélodies qu'on leur connaît (Dead By Wednesday). Au beau milieu de cette jolie brochette, Danny Levin (connu aussi sous le pseudonyme d'Amanitas) est un renfort musical de grande valeur. Compositeur, arrangeur, il maîtrise une pléiade de cuivres allant de la trompette classique à l'euphonium, en passant par le trombone ou le cor. Côté carrière, on apprend d'ailleurs qu'il a travaillé en souterrain avec bon nombre de rappeurs du voisinage direct de TOCA (Busdriver, Existereo, Mum's The Word,...) ou de groupes évoluant dans des sphères plus éloignées (Coldplay, Built To Spill ou encore The Elected). Autant dire une sommité. Quant au piano de Max Heath, des collaborations avec le gigantesque Anthony Braxton sont à mettre à son actif. Excusez du peu.

Une fois le terrain balisé de la sorte, on comprend aisément le chemin parcouru par le groupe depuis les prémices du projet. Des prémices qui prenaient la forme d'un "Dancing With Skeletons", seule trace sonore permettant de préjuger, quelques années auparavant, de ce qu'allait devenir cet album. Et force est de constater qu'en restant sur les bases de ce CD-R sorti confidentiellement en 2004, on se retrouve bien loin des meilleurs passages de ce premier long format. La musique a gagné en énergie et en profondeur (le lifting sonore opéré sur 'Joyfool Misery' en est la preuve flagrante). Il en va de même pour le posse cut qu'est 'All About The Music'. Là aussi, moyens matériels plus conséquents obligent, le morceau a tout gagné de cette attente de trois années. Et même si sur ce long format, il se retrouve tel un cheveu sur la soupe, c'est avec plaisir que l'on accueille cette promotion offerte à nos rappeurs préférés et à leur brève prestation respective (le tout auréolé par une intervention parfaitement maîtrisée d'un Aceyalone éblouissant dans cet exercice).

Il existe un monde entre "Dancing With Skeletons", véritable brouillon lançant brièvement quelques pistes musicales pour la suite des évènements, et ce nouvel album où s'entrecroisent une multitude de styles et d'influences (où le rap n'apparaît parfois que par bribes). A ce titre, les membres de TOCA ne déçoivent en aucun cas les attentes des quelques fans guettant depuis longtemps maintenant leur premier coup de semonce. Quelques premières impressions fugaces: celles de détenir sûrement l'un des albums les plus accessibles et constants issus de cette scène Westcoast. Celles de comprendre que le groupe a su s'extirper des clichés habituels traînés par les fusions de tous poils pour faire ressortir un son très personnel, évoluant d'une minute à l'autre.

'Toca Can't Dance' en est un exemple parmi d'autres. Basé sur deux phases distinctes, le schéma musical tourne autour de ces deux plaques mouvantes laissées tour à tour sur le devant de la scène. Ainsi, la mélodie entraînante des couplets et le refrain entonné par des choeurs laisse bientôt sa place à un break offrant à Xolo l'occasion de faire montre de son habileté vocale. Tour à tour, le morceau évolue sur ses deux plans; comme deux éléments musicaux se répondant l'un l'autre le long des trois minutes que dure l'exercice.

C'est à cette source que viennent s'abreuver la majeure partie des morceaux présentés ici. 'Not Too Many People Like You' est l'expression singulière du talent du groupe. En guise d'accueil, une quinzaine de secondes d'un rythme porté par une batterie lorgnant résolument vers un jazz des plus classiques, puis rapidement une accélération soudaine qui ne dure que le temps qu'une accalmie se fasse dans le morceau... Le va-et-vient constant se clôt sur une phase grandiloquente de choeurs entonnant un "Not too many people like you" salués par la beauté des quelques trompettes ici présentes.

D'une manière plus globale, l'écoute apporte l'évidence d'une maîtrise quasi sans accroc des multiples facettes de la musique ici proposée. Si l'on omet une poignée de morceaux dispensables tels 'Heart Of Gold' (quoique...) ou 'Nice Try' (dont le second mouvement composé d'un rythme reggae popisé s'avère dispensable), rien ne semble venir ternir ce constat. Et ce même si l'ending que constitue 'Irreplaceable' fait déborder un peu trop TOCA du cadre constamment en mouvement qu'il semblait s'être fixé. A ce titre, 'Nothing Remains The Same' et ses guitares très sixties auraient constitué un parfait point final pour ceux qui, tout au long de l'album, ont choisi de ne pas rester en place une minute de trop.

De l'autre côté du miroir, les réjouissances sont multiples. Il en va ainsi d'un 'Liar' qui ne rougirait certainement pas en figurant dans les bacs en temps que single, vu sa dimension accrocheuse affirmée, habilement soutenue par la belle intervention d'un Pigeon John dans un rôle bien différent de ce qu'il nous avait proposé le temps d'un "And The Summertime Pool Party" l'année passée.
Laissons notre imagination vagabonder et considérer en hypothétique face B le dépaysement d'un 'Frutero' toute en fraîcheur, comme pour saluer l'arrivée de l'été au travers de cette mélodie sentant bon le sable chaud mexicain.

Les dernières secondes s'égrainent et on en vient à penser que l'on se trouve là bien loin des références rapologiques que l'on imaginait initialement retrouver massivement et qui se trouvent en fait éparpillées ça et là le long des seize morceaux. Mais le dépaysement ne demeure qu'une impression fugace tant les mélodies développées avec talent de la part des six protagonistes s'agrippent au cerveau et ne semblent pas vouloir nous quitter. La beauté des arrangements réalisés, chapeautés par le savoir-faire de Danny T. Levin, n'y est sûrement pas étrangère. De même, il ressort de ce parcours musical un renouvellement perpétuel qui fait de ces quarante-cinq minutes la traversée d'un admirable panorama asymétrique.

Les graines musicales semées par le groupe forment devant nous un tapis de notes qu'il est aisé de suivre les yeux fermés et les oreilles grandes ouvertes sur la richesse de l'environnement de cet univers... On espère que l'opération de défrichage entâmée ici n'en est qu'à ses prémices.

Newton
Juillet 2007

Du fait de son caractère hautement inclassable, la rédaction a décidé de ne pas attribuer de note à ce disque à part - Cobalt
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Label: Two-Tone Elephants
Production: TOCA
Année: Mai 2007

01. Seven Seeds
02. Toca Can't Dance
03. Con Ruido
04. Liar (feat. Pigeon John)
05. Vanished
06. Not Too Many People Like You
07. Hearts And Gold (feat. Busdriver, Pigeon John & Ellay Khule)
08. Frutero
09. Joyfool Misery
10. Don't Look Back
11. Nice Try
12. What I Didn't Say
13. All About The Music (feat. Existereo, 2Mex, Luckyiam PSC, Lord Zen, Riddlore, Aceyalone & Life Rexall)
14. Ship Sinking
15. Nothing Remains The Same
16. Irreplaceable

Best Cuts: 'Toca Can't Dance', 'Liar', 'What I Didn't Say'

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