Existereo est un filou. Non content de nous avoir traumatisé avec son unique solo officiel ("Dirty Deeds And Dead Flowers") et de nous faire languir avec ses multiples projets annoncés (et, de source sûre, en chantier), le shifter nous assène régulièrement de sorties confidentielles, à la distribution et au buzz plus que limités, mais au contenu souvent intéressant. C'est ainsi que nous avions eu droit, il y a quelques mois, à un "Crush Groove" de haute facture, composé en partie de cover-tracks sympathiques et parsemé de quelques inédits réjouissants (au hasard 'Cautious Thunder'). Quelques dizaines de concerts plus tard, Courtney Gibson remettait ça, déposant chez un disquaire du gouffre des copies d'un album commun avec Barfly, membre du crew Oldominion, sévissant autour de Seattle.
A première vue, ce "Candy's 22" n'était rien d'autre qu'un tour-cd. Mais la différence entre ce tour-cd et la plupart des autres est majeure : il met en scène l'un des meilleurs canonniers de tout le Far West, accompagné pour l'occasion par un Barfly étonnant, pour 17 titres presque tous inédits. Ne vous fiez pas à la liste des producteurs (et, rassurez-vous, vous n'êtes pas le seul à n'en connaître que la moitié), la plupart des beats offerts au duo et à ses invités sont à la hauteur de leurs prestations vocales. Et de la guitare de l'énergique 'Switchfoot' à la nappe numérique dressée par Tacteel sur 'Cautious Thunder (Remix)', la palette de sons est suffisamment large pour qu'on ne se plaigne pas d'un tel casting.
Exist semble avoir trouvé en Barfly un compère à même de le suivre dans ses dérives rock et de l'accompagner dans ces refrains chantés (un peu faux) si chers aux Shape Shifters ('Cool With Me'). Les cordes sont d'ailleurs omniprésentes, comme pour confirmer les velléités des deux individus. Discrètes et habillant un gros breakbeat ralenti sur 'Sucks To Be The Best', elles font toute la structure d'un 'Switchfoot', quand le riff est bouclé, et sont un prétexte aux digressions presque blues de 'Sam Berkowitz' ou à la country légèrement douteuse de 'Byedy-Bye'. D'autres productions plus intimistes, à l'image du 'Blvd. Knights' de Coley Cole (très bon rappeur, au demeurant) permettent aux MC's de se prêter à des exercices qui s'apparentent plus au storytelling ou à la confession qu'au traditionnel diptyque egotrip/fast rhymes calibré pour la scène.
Entre les nouveaux schémas de rimes d'Exist et les changements de ton réguliers de Barfly, la partie vocale n'est pas en reste. Les voix et flows des protagonistes se complètent étonnamment bien, et ce dès les premières mesures de l'intro énergique 'Wishing Xell'. Malgré le poussif 'Couple O' Shitbags…' et le gueulard 'Astronomy' qui nuisent quelque peu à l'impression générale laissée par le disque, cette première collaboration entre le shifter et le sociétaire d'Oldominion est une réussite.
Tout tour-cd qu'il est, "Candy's 22" ne mérite pas ce vulgaire qualificatif. A bien des égards, la première œuvre commune d'Existereo et Barfly surpasse la production actuelle, et arrive même à faire de l'ombre aux solides projets antérieurs de ses auteurs. Existereo est désormais une valeur sûre de la nébuleuse Shape Shifters. Et il faudra dorénavant compter avec le rap du Northwest.
Kreme Septembre 2005