Si l'écoute du projet de Vast Aire et de Karniege soulève de nombreux points d'interrogation, il est en tout cas une chose de sûre: Mighty Joseph n'est pas un mauvais disque. En réalité – et c'est peut être pire – l'album semble être resté dans les limbes, pas plus repoussant qu'il n'est enthousiasmant et, à quelques exceptions près, manquant cruellement de saveur. Cet effet de flou n'est pas aidé par un tracklisting vraisemblablement perdu dans les rues labyrinthiques de New York, errant d'une ambiance à une autre sans réelle conviction.
Le premier morceau de l'album (produit par Karniege) laisse pourtant entrevoir de belles choses, même s'il s'avère aussi troublant: avec son mélange d'inquiétant et de mélancolique, 'The Uprising' sonne à peu de choses près comme une extension de "The Cold Vein". Idem pour 'Blood Sport', produit par le défunt Camu Tao et tout droit tiré d'un univers Cannibalesque, impression de déjà vu qui se voit accentuée par la contribution d'un Vordul Mega égal à lui-même. Ailleurs les prestations des invités sont pour la vaste majorité fades, entre un Genesis qui essuie quelques tentatives d'émuler Jay-Z, un Poison Pen teigneux mais sans véritable efficacité, et un effort de groupe sur 'Pandora's Box' qui frôle la catastrophe (
"Rap's the toilet I'm in"… on les prendrait au mot). La prestation de Murs offre en ce sens un bol d'air frais et démontre une fois de plus qu'il suffit d'une instru à la hauteur pour que les capacités hors pair de ce MC se déploient.
Le thème du projet Mighty Joseph est New York et la grisaille de cette dernière se trouve heureusement entrecoupée d'éclaircies sur le disque, qu'il s'agisse du trop court puisque réussi 'Blurr', des escapades nocturnes de 'Nightlife' ou encore du très beau 'Kidz (N.Y.C.)' dont on ne citera qu'un extrait à défaut de l'intégralité du texte (
"I wanna be more than a ghetto kid with a dirty face").
Il est en effet plusieurs collaborations réussies sur l'album, celle entre Vast Aire et Madlib étant également digne d'intérêt (
"We used to call niggas like you toys / Now we just melt the plastic"). De façon plus générale on regrettera néanmoins que Vast Aire s'enferme dans des battle rhymes tout au long de l'album, puisque quantité ne rimera pas ici avec qualité (
"You got beef let's settle it then / But you won't 'cause you're square like Tiananmen").
En somme, difficile au fil des écoutes de résister à un sentiment de frustration face à cet album qui ne parvient jamais tout à fait à décoller, restant plutôt jalonné de (trop) rares moments marquants.
Naïma Juillet 2008