Depuis l'Allemagne, Groove Attack a su depuis le premier volume de la compilation "Superrappin" en 1998 s'accaparer les talents d'un nombre important d'artistes américains avides de liberté artistique et adeptes d'un classicisme revendiqué. Avec les très recommandables albums solo de Phife Dawg, J. Rawls, Grand Agent ou Declaime, Groove Attack s'est construit un catalogue éclectique et cohérent où tous les amoureux d'un son jazzy hérité des nineties ont pu se retrouver et se faire plaisir. Il a aussi contribué activement à la résurrection du vinyl avec ses nombreuses éditions de maxis par le biais du label Superrapin. Histoire de faire un point sur son passif et de permettre aux amateurs de CD de rattraper les lacunes accumulés au fil des années, le label teuton a eu l'idée séduisante de réunir ses meilleures faces B et remixes sur un même album. Et vu l'intérêt que porte Groove Attack au support PVC, c'est une sacrée aubaine… Car dans cette dimension, les "inédits" réunis sont loin d'être des fonds de tiroir et les remixes surpassent bien souvent les originaux.
A l'image des sorties du label, "Flipsides" se démarque tout d'abord par l'omniprésence de Declaime et J. Rawls, les 2 artistes dont la productivité extraterrestre a le plus alimenté la discographie du label ces dernières années. Continuant de répandre sa Illmindmuzik de son flow monocorde, Declaime brille sur 3 titres où les frangins Madlib et Oh No s'en donnent à cœur joie et se fendent de perles jazzy qui auraient plus que mérités de figurer en bonne place sur "Andsoitisaid. Pas vraiment renversant mais toujours diablement envoûtant. La moitié productrice des Lone Catalysts est elle présente à la production sur pas moins de 3 titres... J.Rawls nous ressert de légères boucles de piano au groove subtil comme il sait si bien le faire. La plus grande satisfaction se trouve sur 'Dynomite' où il taille un écrin changeant de vibraphone et de piano pour mettre en valeur les rimes de J.Sands et J-Live. Omniscient, il est même présent par procuration sur 'Great Live Caper Pt. 2' où son compère de 3582 Fat Jon prend sa suite en mettant en musique la seconde partie du trépidant récit de J-Live (sans parvenir pourtant à recréer la magie de l'original).
Les autres piliers du label sont du voyage à l'image de Phife Dawg. Joie, bonheur : la relecture de 'Miscellaneous' par Hi-Tek est au rendez-vous ! Tous ceux qui ont des oreilles savent déjà la valeur sur les dancefloors du monde entier de ce remix irrésistible et richissime qui constitue probablement la meilleure prestation de Tekzilla ces 2 dernières années. De son côté, Grand Agent fait une fois de plus jouer ses relations pour avoir Paul Nice et Ge-Ology à ses côtés… Et même si ce dernier a du mal à tenir les standards imposés par Pete Rock lorsqu'il nous donne sa version de 'This Is What They Meant', on ne lui en voudra pas trop (Qui pourrait rivaliser avec le Soul Brother de toute façon ?). Constamment, le boom-bap fait son effet et risquera de provoquer quelques fractures nettes du cou. Heureusement pour nos vertèbres mais malheureusement pour nos oreilles, Edo G. et Kwest se plantent en beauté lors de leurs très indigestes prestations respectives. Jaydee se montre aussi bien fainéant en pillant sans façon le travail de Tribe pour son remix du 'The Look of Love' de J-88 (a.k.a. Slum Village). Bref, tout le monde n'a pas accordé autant d'importance à ses faces B… même si dans l'ensemble la qualité prime.
Au rayon des outsiders à distinguer, Bravo & Sandman font dans l'artillerie lourde avec un 'Aged & Laced' qui frappe plus fort qu'un Tomahawk un matin en Irak et qui dès lors convient parfaitement à l'invité Rasco qui y retrouve la fougue de sa période "Time Waits For No Man". Le canadien Frankenstein (qu'est-il devenu d'ailleurs ?) remixe intelligemment l'alliance Mathematik/Bahamadia. Et Mike Zoot confiné à jamais aux collaborations partage le micro avec Labba pour un remix de 'Spread Love' aux effluves jamaïcaines imparables et farouchement dansantes. Mais c'est le posse cut réunissant Rubix, Gauge et I.G. Off & Hazadus qui gagne nos votes. Comment résister en effet à la spontanéité qui s'en dégage ?
En conclusion, "Flipsides" constitue une acquisition essentielle pour tous ceux qui suivent le label (avec raison) sans s'être aventurés à se procurer ses 12''. Hormis quelques titres un peu fades, cette compilation se distingue par son contenu étincelant. Reflet parfait d'une certaine scène underground américaine, elle donnera amplement satisfaction à ses acquéreurs… tant que ceux-ci ne s'attendent pas à un bouleversement profond de leur système de valeurs ou à des réflexions sociopolitiques très profondes (maxis obligent). "Flipsides "donne ce qu'elle promet : une flanquée de morceaux de rap de qualité faits dans la tradition par des amoureux du genre. Une des meilleures compilations de 2002, tout simplement.
Cobalt Janvier 2003