Edan

Ca aura mis le temps mais on y sera arrivé. Voilà plus de 2 ans qu'on essayait de mettre la main sur le magicien de Boston, de le coincer chez lui pour un entretien longue durée et pour une conversation à bâtons rompus avec l'un des artistes les plus talentueux de sa génération. Coup de chance, à l'occasion de la sortie du superbe "Beauty And The Beat", Edan décide enfin de s'ouvrir un peu pour une discussion téléphonique chaleureuse à quelques jours de son concert au Nouveau Casino. L'occasion de lui poser toutes les questions qui trottaient dans notre esprit depuis la sortie de "Primitive Plus"... et bien d'autres. English version



Hip-Hop Core: Le son et l'artwork de tes projets récents et de ton dernier album "Beauty And The Beat" est empreint d'une touche psychédélique qu'on ne te connaissait pas. Qu'est-ce qui t'a amené vers cet univers visuel et auditif? Tu es tombé sur une pile de disque de rock psyché?



Edan: J'avais juste besoin de trouver quelque chose qui reflète bien la direction que je prenais. Je voulais que ma démarche soit un peu plus apparente pour tout le monde. Le terme "psychédélique" est juste un raccourci un peu facile pour décrire tout ça, mais en fait j'essaie simplement de rendre les disques plus intéressants. En parlant du rock psychédélique, j'ai le sentiment que c'est une époque où, que ce soit dû à la drogue ou pas, les gens n'hésitaient pas à prendre des risques et à aller loin d'un point de vue créatif. Mais je n'essaie pas d'amorcer une quelconque révolution en incluant ces sonorités dans ma production, j'essaie juste de retrouver un peu de cet état d'esprit. Je fais juste le son que j'ai envie d'entendre.



HHC: Quel était ton but avec ce nouvel album? Tu as eu pas mal de temps pour te retourner depuis "Sprain Your Tapedeck" et là on constate que le son est très influencé par la soul et par le rock des sixties?



E: Je voulais prouver que tous ces univers sonores différents pouvaient coexister et trouver un équilibre. Je voulais montrer qu'un flow purement hip-hop, style Cold Crush Brothers, Rakim ou G Rap pouvait se poser sur un beat qui sonne comme du Pink Floyd des débuts ou comme du Black Sabbath ou du Hendrix. Mon but a été de trouver la recette la plus savoureuse pour réunir ces différents ingrédients. J'ai été beaucoup plus soigneux que sur mes précédents projets. J'ai fait beaucoup plus attention à tous les détails, à toutes les étapes de l'enregistrement. Sur "Primitive Plus", je déconnais juste, je faisais des titres aussi vite que possible et j'essayais de me faire marrer. Cette fois-ci, j'ai été un peu plus ambitieux. Je voulais faire les choses vraiment bien et être un peu plus conceptuel qu'auparavant. Par le passé, je rappais surtout sur le fait de rapper… Mais je me devais d'évoluer et de grandir un peu.



HHC: A ce sujet, même si le reverb est toujours au rendez-vous, le nouvel album a une qualité sonore un poil plus propre que les précédents. Etait-ce un choix délibéré?



E: D'une certaine façon, tout est fait consciemment. Je n'ai pas vraiment fait les choses différemment en ce qui concerne les samples et les prises de son. J'utilise exactement le même matériel sur ce disque que sur les autres. Mais, tu sais, tout le monde passe par des phases… Tous les sons que tu fais, quelle que soit la façon dont tu les réalises, sont une forme d'expression différente. Je m'en fous de savoir si c'est lo-fi ou hi-fi, mais j'aime que les sons et les tonalités des disques aient une certaine humanité. Tu sais, comme quand tu peux entendre ce qui se passe dans la salle d'enregistrement… Certains disques ont une atmosphère mystérieuse, une vibration intense, et tu te mets presque à imaginer la scène, l'ambiance de la pièce. Tu te demandes où ils ont enregistré ce truc, à quoi la pièce ressemblait, comment leurs pantalons sentaient… Tu vois ce que je veux dire. J'essaie de faire en sorte que mes disques aient cette sorte de qualité de pouvoir faire voyager l'esprit de l'auditeur en l'emmenant dans des endroits bizarres et magnifiques. Dans la plupart des disques actuels que j'entends, tu sais pertinemment que le gars a fait son truc sur un synthé dans un studio super propre, et il n'y a aucun mystère ou quoi que ce soit sur la genèse du disque. Donc ce n'est pas vraiment que je sois fan du lo-fi, je suis juste… pro-humain.



HHC: Qu'est-ce que tu utilises pour obtenir ce son brut et ces rythmiques sales?



E: J'ai balancé un sandwich au poulet sur le mur et j'ai enregistré le bruit que ça faisait. C'est comme ça que je procède pour obtenir ce son sale. Je passe aussi mes mains dans les poubelles avant de m'atteler à chaque nouveau projet.



HHC: Il y a une certaine dualité dans tes productions entre des mélodies accrocheuses réminiscentes du meilleur hip-hop des années 90, des sons abrasifs très eighties et des éléments complètement inédits, futuristes… Tentes-tu consciemment de réunir des sonorités d'un peu tous les âges ou est-ce quelque chose qui vient naturellement lorsque tu produis?



E: Je pense qu'il y a un peu des deux, mais c'est toujours quelque chose de naturel. Il y a plein de styles musicaux que j'apprécie et le hip-hop te permet justement d'exprimer toutes ces différentes influences à la fois. C'est la beauté de cette musique. Le hip-hop est le grand unificateur. Beaucoup de gens l'utilisent comme un outil de division mais ils ne savent vraiment pas ce qu'ils font. Pour les samples, arrêtons de regarder les années. Qu'est-ce qu'on s'en fout que ça vienne des années 80, 90 ou 60? Tout est profondément lié de toute façon. C'est tellement facile de tomber dans ce piège et de dire que quelque chose sonne comme un truc de telle ou telle époque…



HHC: "Primitive Plus" a eu un impact important à sa sortie. Avec le recul, la réussite de ce projet est principalement due à la polyvalence de ton talent et au fait que tu faisais quasiment tout sur ce disque. Qu'est-ce qui t'a poussé à devenir un "One Man Arsenal" au départ?



E: J'étais fils unique et je ne connaissais pas tellement de gars intéressés par le hip-hop étant jeune. Je vivais dans le Maryland et à vrai dire il n'y avait pas beaucoup de gosses qui soient à fond dans le truc. Il n'y avait pas vraiment de DJ ou de MC dans le coin et même moi je n'étais pas encore bien au point. J'apprenais encore les bases du truc. Mais peu à peu j'ai commencé à toucher à toutes ces différentes choses (la production, le emceeing, le mixage) pour être en mesure d'entendre une version finale de mes titres. Ce n'était donc pas vraiment un choix. C'est juste mon amour de la musique et mon désir d'entendre une version définitive d'une de mes compositions qui m'ont poussé à devenir un "one man arsenal". Mais je suis tout à fait ok pour travailler avec d'autres personnes. C'est cool de faire des rencontres. Si l'approche artistique de certaines personnes complète la mienne et inversement, c'est super de bosser ensemble sur quelque chose. Ca peut parfois aboutir sur quelque chose de plus grand qu'une simple addition des talents de chacun.



HHC: En parlant de techniques d'ingénieur du son, d'où te vient cet amour inconsidéré pour le reverb et le static?



E: D'un côté, c'est un peu pour faire le con. En quelque sorte, je me moque de l'auditeur. Mais d'un autre côté, je me dis que si un chef cuisine le même plat pendant dix ou quinze ans, il se doit d'ajouter différentes épices dans sa recette pour qu'on puisse continuer à apprécier le goût du repas. C'est la même chose pour moi. Je suis fatigué de toutes ces putains de chansons super propres et chiantes. Je veux balancer le seau de peinture sur la toile, mettre un peu le bordel! Je veux que les chansons prennent vie. Je veux qu'elles dégoulinent des haut-parleurs. I want effects, comme Das Efx.



HHC: Quand tu produis des titres pour Mr. Lif ou d'autres emcees, est-ce que tu abordes les choses différemment par rapport à ton travail solo?



E: J'ai juste envie de faire quelque chose qui me plaise et qui leur plaise aussi. C'est la base de toute collaboration. J'espère que je ne les dévalue pas et que je leur donne des beats aussi bons que ceux que je prends pour moi.



HHC: A ce qu'on m'a dit, "Primitive Plus" a été enregistré en seulement un semaine alors que tu avais 19 ans. C'est vrai?



E: Non, ça a pris plus longtemps que ça. J'étais dans un appartement au sous-sol d'un immeuble et ça m'a pris environ 2 ou 3 mois. Puis il y a eu la période où j'ai fait tous les titres de "Sprain Your Tapedeck" et au bout du compte, j'ai combiné certains titres de cette période avec l'album initial. Toutes les chansons que tu entends sur le CD de "Primitive Plus" et qui sont aussi sur "Sprain Your Tapedeck", à mes yeux, ne font pas vraiment partie de l'ère "Primitive Plus". Mais l'album a mis tellement de temps à sortir que j'ai fini par inclure quelques titres supplémentaires pour donner quelques couleurs différentes à l'album. Mais, le gros de l'album m'a donc pris 2 ou 3 mois, sans compter quelques trucs qui étaient comme des pensées après-coup et que j'ai faits quelques mois plus tard. A cette époque, j'étais vraiment inspiré par des titres comme 'Marley Scratch' de Marley Marl ou des trucs des Super Kids et certains disques sortis sur Pop Art, genre les trucs de Marley vraiment bruitistes. Pour moi, tous ces trucs étaient aussi psychédéliques et stimulants que n'importe quel morceau de rock. J'étais à fond dans cette ambiance mais ce n'est pas comme si j'avais voulu arriver avec un son old school. C'est juste que c'était le son que je kiffais quand "Primitive Plus" est sorti.





HHC: Quel était ton état d'esprit à l'époque?



E: J'avais une passion débordante pour la musique mais je voulais surtout entendre des sons plus abrasifs. Je n'étais pas trop dans les trucs mélodiques. J'ai toujours été un producteur porté sur les mélodies, mais à cette époque je me rebellais contre mes propres inclinaisons artistiques. C'est intéressant d'ailleurs que ce disque ait été mon premier album officiel alors qu'il est issu d'une période où je me rebellais contre mes tendances naturelles. Sur le nouvel album, par contre, tu peux entendre une approche plus naturelle de la production…



HHC: Sur "Primitive Plus", on a l'impression que tu étais constamment dans un esprit de compétition, avec des battle rhymes tranchantes…



E: Oh, tu sais, mon style n'est plus trop comme ça aujourd'hui. C'est le genre de trucs que je rappais quand j'ai débarqué sur la scène. Je ne savais même pas ce que je disais. C'est comme si j'avais mangé un sandwich de mots ou que je tirais des balles verbales. Je sais qu'il y a un peu plus que des battle rhymes sur "Primitive Plus" mais maintenant j'ai commencé à écrire sur des concepts comme la beauté. Je deviens un peu plus surréaliste, j'écris sur des artistes tourmentés, sur un monde meilleur, mais à ma façon… Je rappe sur la torture, sur le fait de voir des couleurs et d'apprécier la beauté du monde. C'est vraiment dans cette appréciation de la beauté qu'il y a partout autour de nous que cet album trouve sa source. Parce qu'il y a tant de personnes qui se focalisent sur le négatif ou sur les choses qui ne vont pas. Mais si tu éteins ta télé, que tu sors dehors, que tu regardes autour de toi et que tu y réfléchis un peu, tu peux voir des choses qui te retourneront la tête. Ce n'est pas une connerie de hippie, mais on a besoin d'être aimant, d'être positif et de travailler pour améliorer les choses.



HHC: Qu'est-ce qui t'a fait évoluer dans cette direction et changer d'approche?



E: C'est juste qu'à un moment tu en as marre de faire toujours la même chose! Je pense que c'était assez logique qu'au départ je sois plus intéressé par le côté technique du rap. Je m'entraînais. Mais, à partir du moment où tu es plus familier avec les techniques et que ça devient quelque chose de plus naturel pour toi, tu as envie de te concentrer sur les chansons et sur les concepts. Mon but est de trouver un équilibre entre ces 2 approches.



HHC: Comment es-tu entré en contact avec les gars de ton label, Lewis Recordings?



E: J'avais une conversation téléphonique avec Mr. Complex et je lui ai demandé s'il savait à qui je pouvais envoyer mon disque en Angleterre. C'était avant que "Primitive Plus" sorte. Il m'a dit: "Envoie-le à Mike Lewis". C'est ce que j'ai fait et Mike Lewis a tellement apprécié l'album qu'il a monté un label uniquement pour le sortir. Ce fut une bénédiction. J'ai vraiment de la chance que les choses se soient passées comme ça. Ca m'a vraiment aidé dans ma carrière.



HHC: A ce propos, pourquoi avoir démarché des labels européens pour sortir ton disque alors que tu n'avais même pas de distribution aux USA?



E: Je ne sais pas. L'Angleterre a toujours eu la réputation d'être un pays ouvert du point de vue musical et ils ont souvent acclamé les artistes les plus barrés et avant-gardistes alors que les USA ne leur accordaient pas la moindre attention. En tout cas, l'Angleterre a bien accroché sur "Primitive Plus" et ils ont crié partout que c'était dope… et tu sais comment les choses se passent ensuite.



HHC: On t'a vu aux côté de Mr. Lif et Insight à de nombreuses reprises, que ce soit sur leurs projets ou sur les tiens. Qu'est-ce qui vous unit si fortement?



E: Un respect mutuel. Je n'ai que des bonnes choses à dire sur ces gars. Je suis content de les connaître.



HHC: As-tu eu des réponses à ton appel de 'Let's Be Friends'? Est-ce que certains emcees t'ont appelé pour te proposer de dîner avec eux ou de faire une promenade dans un parc?



E: A vrai dire, non. Mais tu sais, cette chanson était juste… J'en avais marre de ces bouffons qui se la jouent gros durs, style "tout le monde est mon ennemi". J'en avais plein le cul de ces conneries. De quoi vous parlez les gars? Tout ce truc est une question d'amour et d'unité, comme je l'ai dit tout à l'heure. D'accord, il y a un temps pour la compétition, mais tout ce que tu entendais sur les disques, surtout sur ces disques underground bien chiants, c'était "Je te défonce" ou "J'ai jeté un sort sur toi qui va faire fondre ton corps" ou des conneries de ce genre. Il y'a un moment où tu n'en peux plus d'entendre des trucs qui répètent à l'infini: "Je suis meilleur que toi, va te faire foutre". Parfois, il faut aussi dire: "Allez, allons faire un tour ensemble". Donc, ce titre était une réaction à tout ça mais évidemment sur un ton un peu sarcastique. J'ai fait ce titre en 20 minutes. C'était un freestyle donc ça m'a juste pris le temps d'assembler les rimes dans ma tête et de les balancer au micro. Je me suis réveillé, j'avais les cheveux dans tous les sens et tout, et j'ai fait le titre comme ça. C'était étrange. J'ai juste ressenti le besoin de faire ce titre pour une raison ou pour une autre.



HHC: Il y a quelques temps, tu as sorti la mixtape "Fast Rap" sous le pseudonyme d'Edan The DJ. Etait-ce juste une façon de te faire plaisir ou est-ce que tu y voyais une façon d'aider la jeune génération à découvrir certains classiques perdus des temps anciens?



E: Tu sais, je fais des mixtapes de temps en temps (ndlr: voir la récente "Sound Of The Funky Drummer" par exemple) et je compte bien continuer. Pour "Fast Rap", je ne sais pas. C'est juste que j'adorais cette époque, la fin des années 80 et le début des années 90. Je trouve que certains emcees excellaient vraiment dans l'art de la rime. C'est le sommet d'une époque où le emcee jouait avec les mots comme un musicien de jazz avec son instrument, en explorant vraiment les possibilités rythmiques du rap. Il y avait des gars comme G Rap ou Kane qui tuaient tout. Je voulais revenir sur cette époque. Je savais qu'elle avait quelque chose d'unique. J'ai essayé de capturer l'essence de ce son le temps d'une tape et, s'il y a des gars qui découvrent des choses grâce à ça, tant mieux. C'est con, parce que chaque fois que tu sors une tape de ce genre, tu as toujours des mecs qui pensent que tu essaies de faire ton branleur en étalant ta connaissance du rap et que tu essaies d'être plus élitiste ou plus nerd que tout le monde. J'en ai ras le bol de ces connards. Ca n'a rien à voir avec ça, c'est purement par amour que je fais ce genre de tape…



HHC: Qu'est-ce qui te plait tant dans le son minimaliste du hip-hop des années 80?



E: Sa simplicité. Mais à nouveau, je répète que ce n'est pas une question d'années, ça va au-delà du hip-hop. Ca vaut pour toutes les formes de musique, pour les arts visuels, la peinture, les films, les livres, la cuisine, les arts martiaux… Tout est une extension d'une seule et même chose. Alors on s'en fout que ça vienne des années 80. Se figer sur quelques années, ce n'est pas la meilleure façon de prendre en compte tous ces éléments. Quand tu commences à comparer cette musique à tout ce qui se passe dans les arts, tu commences à mieux prendre conscience de sa beauté, parce que tu as conscience de toutes ces choses et que tu réalises la diversité de cette musique et les raisons de sa place un peu à part sur l'échiquier musical. Donc, ouais, j'aime la musique qui est sortie dans les années 80 mais je me fous de son année de sortie en fait. Tout ce qui m'importe, c'est de savoir si c'est bon ou pas.





HHC: Sur tes précédents projets, on t'a souvent vu imiter le style de tes emcees favoris, comme sur 'Ultra '88' par exemple. Quelle était ta motivation?



E: Je voulais juste leur rendre hommage et me marrer un peu. Ca m'énerve parce que le rap est plein de connards qui ne veulent jamais reconnaître qu'ils aimaient ou qu'ils ont été influencés par la musique de quelqu'un d'autre. Ils se la jouent tous comme s'ils avaient tout inventé. Donc c'était une forme de rébellion contre ça que d'imiter mes idoles et de leur montrer mon respect. Et puis, c'était amusant. Kool Keith a un style amusant donc c'était vraiment marrant de faire ça. J'aime rendre hommage à ces gars parce que tous ces enfoirés de rappers qui ont pompé leurs styles à d'autres ne veulent jamais le reconnaître.



HHC: Pourquoi avoir choisi Schoolly D en particulier quand tu as décidé de dédier un titre à une de tes influences majeures ('Schoolly D Knew The Time' sur "Sprain Your Tapedeck")?



E: Parce que j'aime beaucoup l'esprit des premiers disques de Schoolly D. Le son que je faisais à l'époque me rappelait les trucs à la 'P.S.K.' Déjà, le reverb est à fond sur ses disques donc c'est sûr que je vais aimer. En plus, tu as l'impression qu'il n'en avait rien à foutre. Il rentrait en studio, se faisait plaisir et faisait un disque sans trop se prendre la tête. C'est vraiment l'état d'esprit, la vibe que j'essayais d'avoir à l'époque de "Sprain Your Tapedeck".



HHC: Souvent, tes lyrics sont plein de punchlines et d'images étranges. Tu fais plein d'acrobaties lyricales mais en même temps tu te considères comme un disciple de KRS-One, Rakim ou Melle Mel. Pourquoi ne pas écrire plus de lyrics sérieux à ce moment-là?



E: C'est ce que je fais maintenant. Quand tu pourras écouter mon nouvel album plus en détail, tu verras que les textes sont bien plus sérieux que par le passé. Quand j'ai enregistré "Primitive Plus", je n'avais pas grand chose de sérieux à dire et je ne voulais pas être le genre de mec qui te retourne le cerveau avec une vision de la vie totalement nouvelle. Je voulais juste me marrer et balancer de bonnes rimes. Mais écoute le nouvel album (ndlr: cette interview a été réalisé 2 semaines avant la sortie officielle de "Beauty And The Beat"). Il n'y a pas tellement de punchlines sur ce disque. Je pense que tu pourras y entendre une version plus mature de ce que je fais…



HHC: Les dernières pochettes de tes maxis ou celle de "Beauty And The Beat" sont vraiment dingues. C'était déjà le cas pour la pochette de "Primitive Plus". Où trouves-tu toutes ces idées?



E: Hey, dans la vie, tu absorbes tout ce qui est autour de toi et tu essaies de le restituer de la meilleure façon possible. Pour la pochette de "Beauty And The Beat" (ndlr: patchwork de visages des emcees favoris d'Edan sur un fond multicolore psychédélique), je me suis dit que le hip-hop n'a jamais été vraiment vu dans toute sa splendeur. Il est toujours considéré comme un truc jetable alors qu'à mes yeux c'est une grande forme d'art. J'aime découper les visages de mes idoles et faire preuve d'imagination en les mettant dans des décors artistiques, parce que ces mecs méritent ce genre d'attention et de respect. Je n'étudie pas le style de ces gars pour les imiter, mais plutôt pour savoir comment faire une musique de qualité et conçue pour durer… C'est tout.





HHC: Une grande partie de ton succès en Europe a été généré par le biais d'internet et des webzines. Quel est ton point de vue sur le web?



E: Je trouve que c'est une bonne chose. Quand j'étais jeune, j'étais un peu technophobe. J'avais un peu de peur que la technologie prenne le pas sur l'héritage humain, mais maintenant je m'en fous. Le web est un superbe outil. Il permet d'interconnecter des gens partout à travers le monde et c'est la direction que le monde est en train de prendre, donc je suis pour.



HHC: Juste au cas où, est-ce que tu comptes rééditer l'album "Architecture" un jour?



E: Non. C'était juste une sorte de démo. Ca ne représente pas mon état d'esprit actuel. C'est quelque chose que j'ai fait très tôt dans mon développement artistique. J'étais encore en phase d'apprentissage donc c'était vraiment trop tôt. Tu sais, j'ai déjà du mal à écouter "Primitive Plus" aujourd'hui alors je ne peux vraiment plus entendre ce truc.



HHC: Tu seras en France le 12 avril pour un concert au Nouveau Casino avec Insight et Dagha. Que peut-on attendre de ce show?



E: On va juste faire de notre mieux pour vous faire passer un bon moment. Tu sais, on s'entraîne beaucoup et on prend vraiment notre musique à cœur donc on essaie de faire un peu plus que de se palper les burnes sur scène et de gueuler au micro…



HHC: A un moment, tu avais l'habitude de t'habiller en écolier ou de porter une cravate sur scène. Quelle était ta motivation profonde, pour ainsi dire?



E: Tu sais, c'est juste que ces putains de fringues Sean John ne me vont pas. Ce n'est pas pour moi. Le hip-hop a besoin que ses acteurs ne soient pas tous calqués sur le même modèle. Pour qu'on puisse voir le hip-hop pour ce qu'il est vraiment et qu'on arrête d'être prisonniers des images. Je pense qu'il est important que les gens soient eux-mêmes et qu'ils ne ressentent pas le besoin de s'habiller suivant un code imposé.



HHC: Quels sont tes projets outre la promotion de "Beauty And The Beat"?



E: Là, je m'apprête à partir en tournée. Je n'ai pas trop eu le temps de bosser sur des morceaux ces derniers temps. Il se peut que vous me voyiez sur le prochain solo de Cut Chemist. J'ai aussi fait une brève apparition dans un court métrage appelé "SBX". Il y a des gars du DITC dans ce film. Je vous conseille d'y jeter un œil quand ça sortira. A ce propos, je ne sais pas si tu vois le titre bonus à la fin de "Fast Rap", la battle entre Percee P et Lord Finesse… Et bien, il y aura une vidéo de cette battle sur le DVD.



HHC: Ca tue. Bon, notre entretien touche à sa fin. Une question subsidiaire pour terminer. Sur 'Beautiful Food', tu nous a énuméré tous tes menus favoris mais quel est exactement ton plat préféré?



E: En ce moment, j'ai juste envie de manger ce sandwich au poulet que j'ai balancé contre le mur. Ce truc a l'air délicieux.



Interview de Cobalt
Photos de Nicolanifanta
Mars 2005

PS: Merci à David de 2Good pour avoir tout arrangé.

Album "Beauty And The Beat" disponibles sur Lewis Recordings / 2 Good chez tous les bons disquaires.

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