Edan est incontestablement LA révélation de cette année 2002. Celui qui en un album "Primitive Plus" a mis le microcosme hip-hop sans dessus-dessous et s'est attiré les faveurs méritées de toute la presse spécialisée. Ses récentes productions pour Mr Lif ont confirmé que le phénomène n'était pas qu'un feu de paille et que le bonhomme était là pour durer. Il est aujourd'hui un de ceux dont le nom sur un disque suffit à susciter immédiatement l'intérêt des hip-hoppers en manque de sensations fortes. Producteur génial, emcee volatile, lyriciste hilarant, DJ précis et ingénieur du son inventif, le "One Man Arsenal" est vraiment une attraction. Alors quand il sort un EP pour nous faire patienter en attendant son nouvel album, je ne pouvais faire autrement que me jeter dessus.
L'artwork de la pochette le confirme : le prodige de Boston reste dans l'esprit de "Primitive Plus". D'ailleurs 2 (excellents) titres de ce dernier sont au menu. L'inénarrable 'MC's Smoke Crack' à la ligne de basse entêtante tout d'abord. Mais aussi l'ode décalé à la cleptomanie compulsive 'Run That Shit !' servi par de magnifiques boucles de piano... Tous deux sont millésimés 90's dans les influences et les sonorités.
Mais ce qui nous intéresse ici ce sont bien sûr les inédits ! Sur les 4 nouveaux titres, Edan utilise comme d'habitude le reverb de sa console à volonté et peaufine le même mixage brut et crade que sur son Lp fondateur. Il confirme aussi son goût pour l'humour tous azimuts. Sur 'Beautiful Food', qui s'inscrit dans la veine des 2 titres précités, il énumère ainsi tous ses plats préférés. On apprend au passage avec délectation qu'il aime le guacamole, le beurre de cacahuète et les nouilles au poulet... Le tout sur un sample déstructuré qui trouve semble-t-il ses sources dans un obscur disque espagnol.
Les autres inédits nous apportent eux beaucoup plus loin dans le temps en utilisant des techniques de production old school profondément empreintes de la période 85-86. Dans cette catégorie entre évidemment l'hommage à l'auteur de "PSK (What Does It Mean?)" ('Schoolly D Knew The Time') mais aussi 'Let's B. Friends' avec son beat minimaliste à base de handclaps. Edan y invite ses compères emcees à faire "copain-copain" avec lui en truffant son texte de sous-entendus poilants qui feront sûrement de ce titre un hymne des backpackers gays. Il suggère ainsi aux rappers intéressés par une rencontre un programme original : faire des sorties au parc, échanger leurs états d'âme, aller au zoo ou encore acheter un chaton... 'Clinical Rhymes' complète le tableau par la seule collaboration du EP. Un concours de bons mots s'organise ici entre Skillz Ferguson et Edan qui se renvoient la balle sans pause sur une production qui reprend à son compte, en un peu plus de 3 minutes, les instrumentaux d'un nombre incalculable de classiques allant d'EPMD à KRS-One en passant par Big Daddy Kane. Une manière comme une autre d'éduquer les jeunes b-boys sur le glorieux passé du rap...
Au final, en dehors des 2 extraits déjà disponibles de cet EP, "Sprain Your Tapedeck" s'écoute comme un hommage à la old school et comme une tentative réussie de redonner à goûter dans l'état la mixture des pionniers. Tout cela satisfera amplement les fans déjà acquis à la cause par "Primitive Plus" mais, en n'apportant que peu de modifications cette fois-ci à la formule des années 80, Edan risque de se montrer trop obtus pour certains tout en alimentant les critiques de ceux qui ne voient en lui qu'un pompeur doué. Pour ma part, en tant que fan d'Edan, le résultat m'a plu... Mais il faut reconnaître qu'à environ 12 euros pour un peu moins de 20 minutes de musique cet Ep s'adresse seulement aux accros d'Edan. Les autres feraient mieux d'acquérir "Primitive Plus" pour quelques euros de plus...
Cobalt Novembre 2002