Rappel des faits : nous sommes en 2000, Aesop Rock vient de gifler l'underground a deux reprises avec "Music For Earthworms" et "Appleseed EP" et signe sur Mush Records pour un album et un seul. Ce sera "Float", comme une consécration déclinée en 20 plages, presque irréprochables. C'est en grand artiste qu'Aesop honore son contrat en proposant ce qu'il a de plus attrayant. Coté productions, pas de surprise, on retrouve "The Rock" sur 8 titres, Blockhead sur 11 et Omega pour un track. Pas de guests inutiles : Dose One, Vast Air et Slug suffiront. Le décor est planté, tout est là pour faire de "Float" un classique, et Aesop n'y manquera pas. (Autant vous prévenir, je serai plus qu'élogieux…).
Dès l'intro, on est subjugués, Aesop n'a pas perdu son flow et son charisme, tant mieux pour nous. 'Commencement At The Obedience Academy' tournant en mp3 plusieurs mois avant la sortie du LP, avait annoncé la couleur. Et voilà qu'arrive 'Big Bang', premier cataclysme au nom évocateur ; violon pincé et flow surréaliste pour un morceau hallucinant produit de main de maître par Aesop lui même, qui en plus d'être un grand emcee s'installe en beatmaker hors pair.
"I gotta be a big bang, gotta be
Never wanna be hear a probably, I wanna see or hear a "Yes sir, sir"
YES SIR!"
Oui monsieur, on acquiesce….
'Garbage' séduit par ses réminiscences orientales, et le duo formé par Aesop Rock et Slug (Atmosphere) sur le country 'I'll Be OK' nous suffisent pour apprécier la variété des ambiances et l'évolution du mc-producteur qui raviront les connaisseurs dans l'expectative et enchanteront les néophytes. Mais Aesop ne s'arrête pas la à croire qu'il souhaite notre asphyxie… On souffle avec une interlude de Block et on repart de plus belle avec 'Basic Cable' critique des dérives télévisuelles sur un sombre son de cordes, à déchiffrer. Même sur le reggae de 'Skip Town', seule production d'Omega One et ultime dédicace à la Grosse Pomme, Aesop Rock s'en sort a merveille.
J'aimerais vous dire, croyez moi, qu'après le très bon 'Spare A Match', le calvaire est terminé mais il n'en est rien… Je me dois de vous dire qu''Attention Span' va vous achever et vous faire rougir la joue gauche tant la claque que vous prendrez sera violente. Vous serez submergés de charisme avec Vast Air, moitié de Cannibal Ox qui épaule Aesop sur un son "militaire", rendu lourd et oppressant par des cuivres volumineux et des basses omniprésentes. Enorme. Et puisqu'on est lancés, on continue. A défaut de failles, on découvre des gemmes en dégustant 'How To Be A Carpenter' ou 'Drawbridge' sur lequel s'entremêle la voix aiguë de Dose One et le timbre lourd de notre Aesop Rock, très inspiré. Mais que dire de 'No Splash' surement l'une des pierres les plus brillantes de cet opus ? Je ne saurai trouver le superlatif adapté, Blockhead est décidemment un producteur sur lequel il faut compter…en tout cas celui avec qui Aesop est le plus à l'aise, ce sample "maritime" est tout bonnement renversant… On savoure un 'Dinner With Blockhead' apetissant et on termine sur 'The Mayor And The Crook', dernière étape d'un voyage en première classe. Vous l'aurez compris, "Float" est un homicide.
Kreme Janvier 2003