Rien qu'en lisant le tracklisting, on sait que cette compilation est déjà sur les platines de tous les adeptes de la famille Def Jux et de hip-hop progressif. A l'initiative de Chocolate Industries, "Urban Renewal Program" réunit en effet une brochette d'artistes de tous bords impressionnante qui détonne au milieu des compilations moroses qui squattent les bacs cette année. Pour mettre en avant les créateurs, le label a décidé de les réunir sur un même album. En ouvrant le livret de l'album, on a le droit à une sélection de peintures de jeunes graphistes symbolisant le côté visuel du "renouveau urbain". Bonne initiative! Néanmoins, entendons-nous bien, c'est le disque qui nous intéresse. Alors, verdict ?
L'album s'ouvre sur un instrumental du chouchou de ce projet, le prodige électro de chez Warp, j'ai nommé Prefuse 73. 'Radio Attack Pt. 2' est un collage de sons qui part dans tous les sens tout en parvenant à constamment transmettre une émotion et un groove palpables. Des sonorités de tous les horizons se croisent sous ses mains expertes pour créer une impression de mouvement constant. Cette science complexe du beat est mise un peu plus loin en pratique dans des interludes enrichissants et, sur 'Wylin' Out', au service de Mos Def et Diverse. Vu la qualité du morceau, Mos pourtant peu motivé devrait poursuivre dans cette voie qui lui va plutôt bien (en tout cas mieux que ses derniers 12"). Entre ces 2 tracks, Aesop Rock lance l'offensive Definitive Jux armé du chaos sonore d'El-P. Avec son sample de guitare électrique trituré qui martèle le crâne, 'Train Buffer' permet à Aesop d'exercer son talent microphonique avec dextérité et de briller une fois de plus. Le clan continue l'attaque avec 'Wanted' où Mr Lif se place en insoumis à l'état sur une production hitchcockienne d'un Fakts One qui s'est pour une fois un peu bougé (même s'il continue à singer Premier sans vergogne). RJD2 enfonce encore le clou en apportant un coup de jeune salutaire aux Souls of Mischief avec l'orgue dynamique de 'Spark'. On est donc à mi-parcours et "Urban Renewal Program" nous comble de joie. Seul Diverse a fait baisser la tension en cours de route avec un 'Time' sympathique et mellow mais trop banal pour justifier sa place ici.
On est aux anges et là... c'est le drame! RJD2 nous pond un 'True Confessions' pitoyable où il n'hésite pas à superposer un solo de guitare électrique cheap à des violons emphatiques de supermarché. On est bien loin ici des bijoux instrumentaux de "Deadringer". On entre alors dans le long ventre mou du Lp à grand renfort de mid-tempos très... moyens. Sauvons Miho Hatori de Cibo Matto (vue chez Gorillaz) qui nous livre une ballade pop sympathique. Pour le reste, While agit comme un tranquillisant, DJ Food comme un soporifique puissant... et Tortoise et Caural sont les marchands de sables qui achèvent de nous envoyer au royaume des songes. Le hip-hop instrumental peut être dangereux pour la santé à si bas régime. Dur alors de nous sortir de notre léthargie... Deux morceaux y parviennent pourtant... Et pas n'importe lesquels! Il y a d'abord, bien sûr, la réunion d'El-P et de Mr Len sur 'Deadlight'. Même si le morceau sonne plus comme une chute de studio datée que comme une fraîche collaboration (vu le style de production), il garde tout son attrait et son côté avant-gardiste. Du Company Flow grand cru. L'autre titre qui nous secoue, c'est l'animé 'Thisboutthecitytoo' de Themselves. Seul track à réellement se confronter avec l'univers urbain, 'Thisboutthecitytoo' est bourré d'idées sans sonner prétentieux (pour une fois). Des paroles de Dose One enregistrées dans la rue qui séparent les mouvements de la chanson, aux univers sonores très variés que Jel met en place en passant par les multiples flows qu'endosse Dose, c'est un vrai plaisir. Un titre comme on aurait aimer en trouver plus sur leur "The No Music".
Au bilan, il y a de tout sur "Urban Renewal Program". Du très bon, du mauvais, de l'insignifiant, des Def Jukies au top, une première moitié superbe, une seconde bof bof.... A trop faire dans l'éclectisme, le projet tombe dans la confusion des genres et manque un peu de cohérence.
Cobalt Octobre 2002