Après 2 albums confidentiels, "Float" avait annoncé à ses rares possesseurs la maturation d'un lyriciste de premier choix issu du Bronx. Adoubé par Def Jux et couronné de succès, l'excellent "Labor Days" a définitivement installé Aesop parmi les figures incontournables de l'underground. Histoire de faire patienter ses fans en attendant le nouvel album, Aesop a décidé de nous offrir un EP bien fourni. Composé de 7 titres (selon le tracklisting), "Daylight" contient assez de nouveau matériel pour intéresser tous les Def junkies.

L'EP s'ouvre avec l'exceptionnel 'Daylight' qui brillait déjà sur "Labor Days". Son successeur immédiat 'Night Light' s'en veut l'antithèse sinistre, une sorte de remix opposé. Aesop a subtilement transformé son texte en une fresque cauchemardesque tandis que Blockhead a peaufiné une progression agressive et majestueusement arrangée à base de guitares. Ces 2 morceaux montrent le savoir-faire d'Aesop mais prouvent surtout que Blockhead est criminellement sous-estimé. Sa science des beats et la beauté évolutive de ses instrumentaux sont quasi-inégalées et pourtant cruellement ignorées. Plus loin dans l'EP, 'Forest Crunk' lui laisse tout l'espace et il nous enchante par ses superpositions de couches sonores et ses variations toutes en douceur. Son travail mérite d'être reconnu à sa juste valeur.

Comme à l'habitude, Aesop a préféré ne pas se limiter à une couleur sonore et il collabore donc ici avec Blueprint (producteur attitré d'Illogic et membre de Greenhouse Effect) pour 'Alchemy'. L'instru jazz devient subtilement hallucinogène lorsqu'Aesop prend le relais de Blueprint au mic pour un résultat à la hauteur de nos attentes. Mais la collaboration que tout le monde attendait c'est bien celle avec le patron de Def Jux : l'inimitable El-P. On n'est pas déçu. Sans atteindre les sommets de "The Cold Vein", 'Nickel Plated Pockets' fait sacrément son effet. El a pondu un de ses collages déstructurés dont il a le secret et Aesop nous livre de sa voix profonde une description sinistre de la vie à New-York. En sixième piste, 'Bracket Basher' est pour moi le seul vrai point faible de "Daylight", la faute à une production d'Aesop qui pâtit un peu de la comparaison avec le reste. L'inclusion de 'Maintenance' disponible sur la version maxi de 'Coma' fera plaisir à tous ceux qui étaient passé à côté. L'alchimie Blockhead-Aesop est en effet encore une fois au rendez-vous.

Bref, "Daylight EP" est une victoire de plus pour Aesop. Vous passerez sûrement du temps à déchiffrer ses textes mais vous pourrez aussi bien l'apprécier sans faire des efforts... Mais, attendez-un peu! Ce n'est pas fini. Car '1 Of 4' se trouve caché en fin d'EP. Dédié à des personnes qui lui ont sauvé la vie, le texte plein de rage contenu nous invite à plonger dans les blessures de l'esprit de son auteur... Un voyage édifiant... comme le reste de cet EP hautement recommandé.

Cobalt
Mars 2002