"Music For Tu Madre", "A Bottle Of Whup Ass" et "Pimps Don't Pay Taxes"… En peu de temps, J-Zone et ses Old Maid Billionaires ont amené une bouffée d'air frais et une auto-dérision sans équivalents dans une scène rap morose tout en s'acquérant les faveurs d'un public fidèle grâce à une inventivité sans borne, à un humour décalé et à une qualité de production rare par les temps qui courent. Exubérant et hilarant sur disque, J-Zone est beaucoup plus discret dans les médias et c'est pourquoi il nous est paru indispensable (en tant qu'adeptes convaincus) de vous le faire connaître un peu mieux et de le mettre à nouveau sous les projecteurs dans l'attente de son prochain album solo. English version
Hip-Hop Core : Pour commencer, peux-tu te décrire un peu ? D'ou viens-tu ?
J-Zone : D'une petite planète appelée "Pay Me, Fool" (ndt : Paie-moi, abruti).
HHC : Je crois savoir que tu as appris les bases de la production avec Vance Wright, le DJ de Slick Rick, aux alentours de 1994. Quels souvenirs gardes-tu de cet apprentissage ?
J : J'ai eu la chance de pouvoir bénéficier de nombreux conseils niveau business et d'entendre des histoires de la bouche de tous les artistes et producteurs qui enregistraient au studio de Vance. Greg Nice de Nice-N-Smooth était vraiment cool et marrant par exemple. Il vannait tout le monde. Un sacré numéro mais, en même temps, il était très terre-à-terre et conscient des choses. Il y avait aussi Grand Puba, Mark Sparks, Stud Doogie… T'imagines! Il y avait même Amil (de Roc-A-Fella) qui enregistrait des démos là avant d'être signée. Putain, on passait la moitié du temps à se marrer en jouant à Tetris sur une machine d'arcade. En plus, quand t'as 17/18 ans et que quelques-uns de tes artistes favoris prennent le temps d'écouter tes beats, c'est une sacrée expérience… Même s'ils ne t'achètent rien. Faut dire que j'étais nul à l'époque !
HHC : En dehors de Vance Wright, quels sont les producteurs que tu considères comme des influences majeures sur ton propre style de production ?
J : Ca dépend des périodes de ma carrière. Mais les plus importants pour moi, ce seraient sans hésiter le Bomb Squad, 45 King, Timbaland, DJ Pooh, les Beatnuts, DJ Muggs, Dr. Dre, Prince Paul et Sir Jinx. Sinon, il y a bien sûr quelques traces de Marley Marl, Pete Rock, Premier, Rza et DJ Quik.
HHC : Est-il vrai qu'à l'origine tu voulais jouer de la basse dans un groupe de funk ?
J : Ouep mais je n'arrivais pas à trouver des mecs qui veulent fonder un groupe… et aucun de mes potes ne voulait se laisser pousser une afro. Alors, j'ai décidé de faire des beats… Un truc que je peux faire tout seul, sans avoir à dépendre de qui que ce soit.
HHC : Comment ton éducation musicale a-t-elle affecté la manière dont tu fais de la musique ? (ndlr : J-Zone a appris à jouer de nombreux instruments et "Music For Tu Madre" est son projet de dernière année pour le Purchase College de New-York où il avait pris une option Musique)
J : Ca me permet de faire de meilleurs arrangements et de bonnes chansons au lieu de me contenter de faire des bons beats. Je peux faire en sorte qu'une chanson dans son ensemble soit mortelle… et qu'elle ne soit pas monotone.
HHC : Quel type de musique écoutais-tu quand tu étais gamin ?
J : Du funk. Kool & The Gang des débuts, James Brown, BT Express, des tas de 45 tours de groupes moins connus, Slave… C'est comme ça que je suis rentré dans le rap. Lorsque j'ai entendu les samples de funk et les beats mortels qu'il y avait sur les titres de rap, j'ai tout de suite accroché.
HHC : Est-ce que tu travailles toujours sur une SP-1200 ou est-ce que tu as acheté du nouveau matériel ? A ce sujet, tu enregistres toujours dans tes studios de Pimp Palace East ?
J : Ouais, je suis toujours à Pimp Palace East. Mais je travaille sur une MPC-2000 maintenant. J'utilise aussi un module sonore Planet Earth et un clavier, des boites d'effets, des compresseurs, des tables de mixage, un DAT, des DA-88… Du matériel simple.
HHC : Peux-tu nous dire où tu trouves tous ces samples de fous et ces interludes que tu utilises dans tes compositions ?
J : Dans les films muets…
HHC : Quand tu commences à produire un morceau, est-ce que tu as une idée claire du type de son que tu veux créer ou est-ce que c'est plus du "Samplons, Collons et Voyons si ça sonne bien" ?
J : Un peu des 2, en fait. Je ne peux pas trop l'expliquer. Mais en y réfléchissant bien, ce serait plutôt le premier choix.
HHC : Où trouves-tu les idées décalées et les concepts de tes textes ? Comme pour 'No Consequences' par exemple (ndlr : J-Zone y imagine une journée sans flics où chacun est libre de faire ce qu'il veut sans avoir à répondre de ses actes)…
J : Je veux faire des titres dans lesquels tout le monde peut se retrouver ou du moins trouver des choses qui lui parlent. Pour 'No Consequences', HUG et moi avons trouvé le concept ensemble. Le truc, c'est que je veux pouvoir faire écouter mon album à certains de mes amis qui n'écoutent pas forcément du rap et pour qui un album plein de freestyles et de battle rhymes ne dira rien du tout. J'aime les histoires et les concepts parce que tous les gens peuvent les suivre et s'y retrouver. Après, ça ne m'empêche pas de glisser des titres plus orientés battle par endroits quand je trouve un emcee à l'aise dans cet exercice…
HHC : Comment vis-tu le fait que tu es plus connu et vends plus de disques en Europe que dans ton propre pays ?
J : J'adore ça. Je n'ai pas envie qu'on me reconnaisse dans mon quartier. Dans mon coin, personne ne sait que je fais du rap et j'en suis très content. Parce que si dans 20 ans j'ai envie de trouver un job normal, personne ne sera là à me dire "Hey, t'étais une star du rap avant. Qu'est-ce qui t'es arrivé ?". En plus, je n'aime pas qu'on vienne me déranger en public. C'est flatteur quand je suis à l'étranger mais chez moi ça me fait chier. J'aime pouvoir revenir dans mon quartier et redevenir un gars normal. Je n'ai pas du tout envie de devenir une superstar. Je veux juste qu'on me paie.
HHC : Comment s'est établie la connexion avec tes Old Maid Billionaires (Al-Shid & HUG) ?
J : Dans une boite de strip-tease. HUG s'occupait de la sono et Al-Shid était en train de tchatcher les strip-teaseuses. On a commencé à discuter et on a décidé de faire des disques ensemble.
HHC : Chacun des maxis de Al-Shid et HUG ont très bien été reçus par la critique l'an dernier. Quand est-ce que leurs albums respectifs sont prévus ? Vas-tu prendre en charge toute la production ?
J : Shid est en train de bosser sur son solo avec moi. HUG et moi entretenons toujours de très bonnes relations sur le plan personnel mais on a décidé de prendre nos distances au niveau créatif. Donc, d'un point de vue musical, c'est fini avec HUG. On était en train de prendre des voies très différentes au niveau musical et on est arrivé à un point où ça ne pouvait plus marcher du tout… mais j'ai toujours de l'affection pour lui parce qu'on a émergé ensemble dans ce milieu.
HHC : Tu as rompu ta promesse et il va y avoir un nouvel album de J-Zone (ndlr : Super!). Est-ce que ça veut dire que tu as trouvé de nouvelles histoires détraquées à raconter ? A quoi doit-on s'attendre ?
J : Tu sais… Je dirai que je vais briser beaucoup de promesses avec cet album. J'y ai fait des trucs que j'avais juré de ne jamais faire (On verra bien si vous le remarquez). J'ai aussi des invités différents sur ce LP. Al-Shid est là comme d'habitude mais il y aura aussi Masta Ace, Celph Titled, Dick $tallion et quelques invités surprise sous la forme de MC's de la côte ouest. Ce sera différent de mes précédents albums à plus d'un titre… et en même temps ce sera la même chose à plus d'un titre. Achetez-le quand il sortira et vous verrez vous-mêmes.
HHC : Qui va distribuer ce nouvel album et les futurs projets d'Old Maid Entertainment ?
J : Fat Beats
HHC : Qu'en est-il du projet Gorilla Pimps ? Quel est le concept exactement ?
J : C'est le super-groupe réunissant Dick $tallion et moi. Les beats sont du pur funk. Pas de fioriture, de trucs barrés ou quoi que ce soit de particulier… Juste du funk. Go-Rilla Pimp$ est un truc certifié platine.
HHC : Quel est le titre de ton cru que tu préfères ?
J : 'Ho Kung Fu'.
HHC : Quel est ton morceau préféré de tous les temps?
J : 'Once Upon A Time In The Projects' d'Ice Cube ou 'Still Talkin'' d'Eazy-E.
HHC : L'an dernier, on a pu entendre ton boulot pour les artistes d'Eastern Conference Records. C'était vraiment remarquable car tu as su garder ton propre style tout en l'adaptant à des artistes aussi différents que The High & Mighty, Tame One ou encore Cage. Est-ce que tu travailles actuellement sur de nouveaux projets avec eux ?
J : Oui. J'ai fait des sons pour Tame One récemment…
HHC : Est-ce que tu vis toujours dans le Queens ? Y as-tu établi des contacts ?
J : Je vis toujours là-bas mais j'essaie de rester discret. Si je ne bosse pas sur de la musique, en général, je suis en train de jouer au basket dans le parc ou d'assister à des matches de basket lycéen. Je suis à fond dans le basket quand je ne suis pas en train de bosser mon son.
HHC : On a appris que tu avais fait de la production pour les futures sorties de Biz Markie et Prince Poetry (ex-Organized Konfusion). Qu'est-ce que ça fait de travailler avec des figures aussi importantes de notre musique ?
J : C'est vraiment un honneur. C'était vraiment cool. Si tout devait s'arrêter demain, il me restera toujours cette satisfaction… Cette joie d'avoir pu bosser avec des mecs dont la musique a bercé ma jeunesse.
HHC : Vas-tu bosser avec d'autres artistes dans un futur proche ?
J : Je vais continuer de travailler avec tous les mecs qui sont présents sur mon prochain album. Avec Louis Logic aussi. Et je dois vraiment trouver Suga Free. C'est vraiment le meilleur rapper actuel. Sinon, j'adorerai aussi travailler avec Tha Liks, Project Pat, Devin The Dude, MC Ren et E-40.
HHC : Depuis que tu as arrêté de tripper sur Lucy Liu, est-ce qu'une nouvelle fille a réussi à la remplacer dans ton cœur ?
J : Non… J'ai arrêté de tripper sur des meufs. Je dois me faire un peu de pognon !
HHC : Pour finir, as-tu enfin pu t'acheter une Cadillac flambant neuve ?
J : Tu verras ça au prochain salon automobile !
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