Rares sont les artistes dans le hip hop pouvant se targuer d'une discographie sans le moindre accroc et au vu des trois diamants bruts taillés avec ferveur par J-Zone, il demeure impensable de ne pas inscrire le new-yorkais dans ce cercle restreint. C'est alors avec un engouement certain que le backpacker moyen accueil ce nouvel album au titre hilarant, "Sick Of Bein' Rich", mis en boite par ce colleur de son premier de la classe, n'ayant ni plus ni moins donné une tournure novatrice à la production en s'illustrant tout particulièrement dans sa sélection de samples.
2 ans donc après l'archétype "Pimp Don't Pay Taxes", le superpimp New-Yorkais, après la désertion d'Huggy The Bear des Old Maid Billionaires et un contrat pour un largage régulier de projectiles instrumentaux chez l'anglais Lex Records, émerge de ses caves poussiéreuses avec dans son escarcelle un nouvel étalage de pimperies salaces et d'humour potache incrustés dans une profusion de beats folkloriques minutieusement ficelés. Impossible alors pour ce nouvel opus d'éviter la comparaison avec ces prédécesseurs hautement maîtrisés, puisque J-Zone réutilise les recettes qui lui ont permis de s'établir comme un travailleur rigoureux auprès d'un public hiphop avide d'originalité. La technique de production reste ainsi la même dans les grandes lignes : J-Zone n'hésitant pas à sampler tout ce qui lui passe sous la main transformant un rire narquois ou un claquement de fouet en rythmique ('38th And 8th' avec Al-Shid, 'Whiplash'), tout en conservant son charisme légendaire de Pimp qu'il imprègne sur chacun de ses skits ('Grandma', 'Le Château Blanc').
Malgré cela, J-zone n'hésites pas à s'adonner à quelques prises de risques en affolant ses rythmiques comme sur le nonchalant 'Fuck You Pay Me' dont la grosse caisse transpire la virulence des propos du pimp, ou encore en trifouillant une sonnerie de téléphone pour en faire un des grands moments de ce Lp ('The Commandments'). Si ces coups d'essais sont majoritairement fructueux, on n'échappe malheureusement pas à quelques passages lourdauds comme sur le mélodique mais non moins agaçant 'Too Many Babies', ou encore sur le beat syncopé de 'Biscuits' donnant lieu à un ensemble fouillis à la limite de l'audible.
Fort heureusement, les coups d'éclats se veulent nombreux pour nous rappeler que J-Zone demeure un façonneur méticuleux. 'Gimme Gimme Gimme' et sa boucle de mandoline survolée par la légende Masta Ace, Copywrite transformé en superstar du hiphop sur un 'Prima Dona' sautillant, les punchlines écrasantes du Demigodz Celph Titled sur 'Eatadiccup' cadencé par une flûte fantasque, sans oublier un 'Bling Around The Collar' enchanteur où J-Zone colle un récurrent "bling bling" fredonnée par une voix féminine qui devient entre les mains du surdoué, partie intégrante du beat.
C'est un fait, malgré une constance avérée en terme de qualité, "Sick Of Bein' Rich" n'a pas la prestance d'un "Pimp Don't Pay Taxes" ou d'un "Bottle Of Whup Ass". Sûrement l'effet de surprise dissipé, J-Zone semble avoir atteint le palier fatidique du beatmaker ayant étalé la quasi-totalité de ses armes. Les moments les plus jubilatoires de cette galette resteront certainement ceux chevauchés par Masta Ace, Celph Titled, Copywrite et autres Alkaholiks (à ce sujet Choir Practrice avec J-Ro et King Tee est tout simplement mémorable). On s'en prend alors à rêver d'avantage à ce que pourrait donner les multiples collaborations entre ce maître compositeur et les plus illustres emcee's de la planète plus qu'à un énième projet en solo. Peut être le dernier album du patron des Old Maid Billionaire, il demeure certain cependant que "Sick Of Bein' Rich" profile son éclosion future sur les multiples ramifications de la scène indépendante.
Metalik Août 2003