Log Cabin, 3 Melancholy Gipsys, G And E Music, Living Legends ... Eligh est de toutes les épopées et est sans doute l’un des plus dignes représentants de cette prolifique et effervescente Bay Area qui parachute chaque année, depuis plus d’une décennie, des disques régulièrement révolutionnaires. La discographie solo d’Eligh, artiste cumulant plusieurs couvres-chefs (mc, producteur, dessinateur… et accessoirement légende Californienne), révèle à elle seule la productivité du crew Living Legends. Fort de 6 galettes solos (dont deux albums instrumentaux), Eligh jette "Poltergeist" en ce début 2003, dans une conjoncture favorable puisqu’un buzz (tardif) encense chaque sortie Westcoast. La sortie - en soi - d’un album estampillé LL est donc, tout naturellement, un événement et donne droit à de hautes espérances, tant les précédentes moutures ont démontré la qualité du travail fourni par les bonhommes, éparpillés entre Oakland et Los Angeles.
"Poltergeist" a donc la lourde mission de contenter un public de plus en plus exigeant, émerveillé par l’excellence de "Gasdream" et attendant Eligh au tournant.
La pochette est dans la même veine que les albums précédents : confectionnée par Eligh lui même et «énigmatique», en ce sens que l’on arrive pas à savoir si c’est joli ou de mauvais goût (bon ça, c’est fait). Le tracklisting - quant à lui - n’étonne pas plus que ça ; la «famille» est bien représentée (Bicasso, Murs, PSC, Basik, Grouch et Sunspot), Abstract Rude est un peu comme à la maison et les illustres inconnus que sont Jo Wilkinson, J.O. Kennedy et Robert Miranda (guitaristes pour deux d’entre eux) ne nous dérangent pas plus que ça.
Introduction courte puis première salve meurtrière : 'Worldwide By World Of Mouth' ou comment faire taire les sceptiques. Flow assassin, production efficace, un tantinet dancefloor pour une entrée en matière des plus prometteuses. La mélodie de 'Pattern Traps' est un playground idéal pour la démonstration de flow à laquelle se livre Eligh sur cette troisième plage. 'Ancient Grandfather' est un assassinat, aux faux airs de parodie Mainstream, propension récurrente sur "Poltergeist" et culminante sur le tubesque 'Funk' (avec Bicasso), qui fait honneur à son intitulé et nous propose, sur son refrain, un pastiche réussi de 'Bad Intentions' (Dr Dre feat. Knock N'Turnal)… [cette affirmation n’engage que moi et mes indicateurs, cela va de soi.]
Mais Eligh ne se contente pas, sur ce nouvel opus, de contrefaire le G-Funk local et nous sert sur plusieurs plages de très intéressantes compositions qu’il agrémente, comme à l’accoutumée, de performances microphoniques et de lyrics remarquables (sur 'The Mountain' ou 'Universe Will Provide' notamment). Murs, exilé le temps d’un album, revient partager le micro avec son comparse de toujours sur 'Thought Process' ou 'Outhouse', tuerie collective, œuvre de 6 des «Légendes Vivantes».
"Poltergeist" se fait «jazzy-soul» sur ‘M.I.Chelle’, partagé avec Basik ou romantique avec 'The Last Love Song' (‘To Angela’), Eligh n’en oubliant pas pour autant de libérer son flow pédagogique.
La dernière suggestion du plus productif de LL est un disque riche, aux ambiances bigarrées, laissant place à la mélodie (les guitares de 'Bring It Back Down'…), aux samples réfléchis ('Dreamscape 7'), aux sonorités efficaces et ponctué par les prouesses d’un emcee au sommet de son art. "Poltergeist "n’atteint pas la qualité de "Gasdream", album fantastique, mais révèle une fois de plus le talent d’Eligh car même s’il souffre de quelques longueurs (très vite oubliées), l’album est une réussite et ne finira pas plein de poussières sous la pile des sorties Westcoast anodines. Les Living Legends s’imposent une fois de plus, par le biais d’un de leurs plus prestigieux émissaire, comme un collectif faisant preuve d’une constance rarement égalée et pourvu d’indéniables dispositions à surprendre.
Kreme Mars 2003