Illustre pionner et personnage emblématique de la scène Project Blowed , Aceyalone fait partie de ses trop rares Mc's transpirant de tous leurs pores le bout goût musical. Plus qu'un surdoué, le membre émérite des Freestyle Fellowship fait figure de précurseur en ayant inculqué les bases à toute une génération de Mc's désireux de livrer un rap réfléchi en réponse à un mouvement gangsta envahisseur sévissant dans les contrées californiennes. Avec à son actif des références en la matière telles que "To Whom It May Concern", "Inner City Griots" avec Freestyle Fellowship, "All Balls Don't Bounce" et "A Book Of Human Language" en solo, la carrière exemplaire de Aceyalone se voit agrémentée en ce mois de Juin 2003 de ce "Love And Hate". Après un dernier "Accepted Eclectic" légèrement inférieur à ses prédécesseurs (si l'on excepte sa récente collaboration avec Elusive sur "Hip-Hop And The World We Live In"), nous étions en droit d'attendre un sursaut d'orgueil du grand Monsieur.
Avec "Love And Hate" donc, tantôt encré dans son époque ('The Takeoff', 'City Of Shit', 'Light Out', 'In Stereo') tantôt imprégné d'une légèreté musicale surplombé de performances microphoniques propres au collectif Project Blowed ('Love And Hate', 'Find Out', 'So Much Pain'), la dernière mouture de Aceyalone se veut avant tout éclectique en dépit d'un travail de composition pas toujours à la hauteur du personnage. En effet, si celui-ci ne déçoit jamais conservant une plume acérée (jetez un oeil aux paroles de 'The Takeoff') et ses talents légendaires de mc, la pléthore de producteurs et de featuring présents ici nuit quelque peu à l'homogénéité et à l'identité de "Love And Hate".
Ainsi, lorsque Aceyalone souhaite goûter à une scène hiphop New Yorkaise débordante d'opportunisme , celui-ci se paye le luxe d'inviter aussi bien les prestigieux et défunts Anti-Pop Consortium (amputés de Beans) que le géant El-P accompagné de RJD2, à venir composer sur sa dernière progéniture. Sans jamais atteindre le niveau de leurs plus illustres traces musicales, les 2 résidants de Defjux amènent ici des compositions charpentées pour l'occasion ('Lost Your Mind', 'City Of Shit'), surmontées par la pierre angulaire 'The Takeoff' : véritable plongée en apnée au cœur d'une scène apocalyptique où Aceyalone se délecte avec prestance sur cet alliage inventif de Bounce synthétique et d'impulsions futuristes El-Piennes, mis en boite par un RJD2 visiblement fort inspiré (une de ses meilleurs confections). Du côté d'Anti-Pop Consortium, 'Lights Out' ne persuade qu'à moitié avec sa production minimaliste, on retiendra les prouesses de Priest et surtout de Sayyid qui comme à l'accoutumé transforme tout ce qu'il touche en or.
Si ces essais électroniques ont de quoi rebuter les amoureux de Freestyle Fellowship plus habitués aux sonorités ensoleillées chevauchées par des flows effrénés, Aceyalone fait honneur à sa réputation sur le très dynamique morceau éponyme 'Love And Hate' ou encore, accompagné de Riddlore sur le tumultueux 'Find Out'. On retrouve ce dernier rejoint par Self Jupiter sur le tubesque 'So Much Pain' où les voix aiguisées des 3 fanfarons s'entremêlent dans la mélodie électrisante du refrain tout bonnement jouissive ; à l'instar de 'Let Me Hear Sumn' où le maître s'octroie les services du Hieroglyphic Casual sur un titre lui aussi truffé de cabrioles microphoniques.
Avec un "Love And Hate" qui se veut avant tout dancefloor avec des titres comme 'So Much Pain' , 'City Of Shit', 'Let Me Hear Sumn' les nostalgiques de "All balls Don't Bounce" risquent d'être fort désarçonnés même si ces morceaux s'avèrent finalement être ceux qui marquent le plus les esprits. Certainement pas la plus grande œuvre de Aceyalone (on s'en doutait quelque peu), pour cause première la surabondance de convives et une succession pâteuse de morceaux provocant un engouement proche du néant ('Junkman', 'The Sage Continues', 'Moonlight Skies', 'Ms. Amerikka'). Si ce dernier opus s'avère être indéniablement très agréable et complet, la barre était placée tellement haute au vue de la discographie de la tête pensante de Freestyle Fellowship, qu'on lui pardonnera moins qu'à d'autres ses petits écarts. Dommage tout de même…
Metalik Juillet 2003