Para One est sans nul doute un des producteurs français les plus innovants et les plus prometteurs. Il est le géniteur du génial 'Hélium Liquide' (sur "Cadavre Exquis") ou encore du 'Baise Les Gens' du Klub Des Loosers, présent sur plusieurs titres du premier long format de TTC et membre du collectif de "underground blanc français", l'Atelier… Le jeune homme fait plein de choses intéressantes dans sa vie, il nous en parle, il est poli, méticuleux sur la syntaxe, "représente les mecs forts en dictée", drôle, complet dans ses réponses et savoyard, votez pour lui.
Hip Hop Core : Para, je vais devoir commencer par l'habituelle question de présentation. Je te laisse parler de toi, de tes "débuts" et tout et tout et tout…
Para One : Bon, on va faire vite alors… Je m'appelle Para One, j'ai 23 ans, je suis hétérosexuel. J'ai commencé à faire du son il y a dix ans environ, sur un Macintosh Plus (!), tout en écrivant des textes tout seul, de mon côté. J'habitais Chambéry à l'époque, et j'étais assis en cours à côté du seul autre mec du collège qui écoutait du rap : on a donc décidé de monter un groupe, ça s'appelait la "horde des assassins solidaires contre la haine" (haha), donc les initiales "hasch", on trouvait ça super cool. Mais comme c'était paradoxal ce nom, j'ai décider de m'appeler "Paradoxal Hasch", puis "Paradoxal H" tout court. A 15 ans, j'ai fait ma première radio, l'occasion de rencontrer ce qui allait devenir mon "vrai" groupe pour un bon moment : le Syndrome. On m'appelait donc "Paradox", voire "Para", et pour le graffiti je rajoutais le "One" pour me la raconter. Aujourd'hui je me rends compte qu'il y a d'autres gens dans le monde qui s'appellent Para One, j'aimerais les connaître et qu'on discute tous de comment on en est arrivés là, je pense que ce serait assez marrant et pathétique à la fois. Bref, je parle trop là, mais trois ans plus tard, après un paquet (vraiment un paquet !) de concerts du gouffre type MJC en plein air pendant le méchouis du quartier, ou encore "lutte contre la drogue" sponso' par la mairie, à Chambéry et dans les environs, j'ai fini par venir faire mes études de cinéma à Paris. J'ai pris la DAT d'un morceau que j'avais produit, avec les mecs du Syndrome, et je l'ai donnée à Cut Killer, qui a aimé. Le morceau est donc présent sur la tape "Freestyle 2". C'était, quelque part, mon entrée dans le monde sérieux de la musique (rires).
HHC : Dernièrement, tu as participé à l'album de L'Armée Des 12 sur un morceau ('Hélium Liquide') qui n'a laissé personne indifférent. Explique nous comment s'est construit le morceau, qui a eu l'idée du concept, etc… ?
Para One : J'avais déjà bossé avec Hi Tekk sur 'Pas d'Armure', et on s'entend très bien, donc un jour il m'a dit qu'il serait chaud pour avoir un son à moi sur l'album, j'ai dit OK. Comme Tekila et lui étaient motivés pour faire un morceau 'Psychotron', je leur ai fait écouter ce son que je venais de composer, et ensemble on a tous éprouvé des émotions des années 80. Ils ont eu le son un peu, ils ont écrit très vite et on l'a enregistré en un temps record. Moi, j'avais envie de déstructurer le beat pour le coller au flow, de mélanger les voix et tout, et ils avaient enregistré des doublons pour passer d'une voix à l'autre en douceur parfois, brutalement à d'autres moments… Le concept du track de toutes façons était simple, c'est quelqu'un qui prend de l'hélium : il fallait donc évidemment que sa voix se transforme. Et puis j'ai fait des essais de saturations et de vocoder, d'abord sur les backs d'Hi Tekk, puis sur la voix de Tekila. Je savais qu'ils me faisaient confiance donc je me suis bien lâché, j'ai mixé le tout et je leur ai fait écouter tout ça et on était tous contents. Voilà.
HHC : Au niveau de ton actualité, on sait déjà que tu apparaîtras sur la compilation "Panic Room" (waxexpress prod.) avec le morceau 'Beatdown'. A part ça, ou en sont tes projets ? Qu'en est il du premier album (tant attendu) de l'Atelier dont tu fais partie, apparemment ça devrait sortir après quelques soucis techniques et une réflexion collective ? What's the fuck ?
Para One : Oui, 'Beat Down' est un morceau à peine plus vieux qu''Hélium Liquide', justement, avec des apparitions de TTC, d'Oz, Tes et Orgasmic. Il sort sur la compilation "Panic Room", et sera présent également sur mon maxi solo qui devrait exister sur Institubes (la structure qu'avec Tekila et Tacteel nous mettons en place), un peu plus tard. J'accompagne en ce moment la sortie de deux maxis que j'ai produits : le "N Recordz" avec Iris et le "Quality Streetz". Le maxi du Klub Des Loosers est dans les bacs, dessus il y a 'Baise Les Gens' que j'ai fait avec eux. Avec Tacteel, nous formons le groupe "Fuck A Loop", nous avons plein de morceaux mais nous ne les sortirons que dans un cadre judicieux et approprié. Ca va venir.
L'atelier est donc un groupe composé de James Delleck, Tekilatex, Fuzati, Cyanure, Tacteel et moi même. Il y a deux ans environ, nous nous sommes réunis pour enregistrer, dans la bonne humeur, quelques morceaux qui constituent aujourd'hui un album, mais qui ont dû rester en standby un bon moment, à cause de problèmes divers et variés (entre autres techniques effectivement, fuck IBM). Enfin bon, tout cela devrait enfin sortir d'ici quelques mois, une fois le disque finalisé, d'ailleurs pas plus tard que tout à l'heure je rejoins mes copains de l'underground blanc français pour gérer ça.
HHC : Justement, comment s'est faite la connexion avec cette scène indépendante française que certains qualifient d' "alternative" et avec qui tu sembles bien t'entendre (ttc, kerozen, klub des loosers, etc) ?
Para One : J'avais d'abord entendu le titre 'Game Over' de TTC. J'aimais vraiment ce morceau, tout en me rendant bien compte de l'effet de gêne qu'il créait dans ce monde très conservateur du hip hop parisien… Mais ça me faisait bien marrer justement. Quelque temps plus tard, j'étais avec Quality Streetz et on a eu une interview en commun avec TTC ; on leur a donc proposé de faire le morceau avec les Svinkels ("Association de gens normaux"), sur un son à moi et ils ont accepté. Donc on s'est vus, on a beaucoup joué à Tony Hawk et on a beaucoup bu. On habitait le même quartier, le courant passait bien, et puis Cuizi avait bloqué sur le son de 'Pas d'Armure'. A force de se voir, d'aller à l'émission "Grek Frite" de Tek sur Canal Web, on a fini par enregistrer 5 titres de leur album à la maison. C'est donc en faisant ça que j'ai connu Hi Tekk, puis son frère, puis les autres, etc… Tacteel, je l'avais déjà rencontré en studio car il avait posé des cuts sur un son à moi, et on s'est revu car Cyanure qui fréquentait "Grek Frite" nous l'a présenté. Et puis il y avait Orgasmic et Fuzati, qui présentaient l'émission avec Tek, que j'ai connus comme ça, et James Delleck, et DJ Fab, et plein d'autres encore ! Après, peut on qualifier cette scène d' "alternative", je ne sais pas… Peut être. Je crois que tous ces gens ont en commun la passion de la musique et l'envie de créer un truc nouveau, de s'affranchir des dogmes à la con, c'est aussi simple que ça. Je n'ai jamais vraiment compris le regard teinté de mépris qu'ont certaines personnes là dessus, c'est fou le nombre de réactionnaires à qui on a affaire dans la musique aujourd'hui, enfin ça dure depuis toujours je crois. Kandinsky disait déjà au début du vingtième siècle que chaque génération se bat pour détruire des barrières, puis en pose de nouvelles quelques mètres plus loin. Les gens ne veulent pas que les choses avancent. Mais bon, c'est surtout valable dans le milieu du rap, qui est vraiment un milieu de merde. Les gens que l'on côtoie et qui ne sont pas dans cette sphère, comme dDamage par exemple, nous apportent une vraie bouffée d'air frais par rapport à ça.
HHC : Que penses tu du visage actuel et de l'évolution du hip hop français ? Outre cette "scène" précédemment citée, y'a t'il des artistes hip hop français avec qui tu aimerais collaborer ou dont tu apprécies le travail, tout simplement ?
Para One : Je ne sais vraiment pas quoi en penser… A vrai dire, je pense que je ne baigne pas assez là dedans pour te dire. Mon quotidien, c'est de faire des films, de me lever le matin pour aller en montage, en tournage, en mixage, etc… Avec des gens qui n'ont rien à voir avec ceux que je côtoie dans la musique. Je ne suis pas très "aware" sur le mouvement hip hop français, quoi. Je ne regarde pas la télé, je lis des livres et je compose ma musique, je vois mes amis et on rigole bien. Donc l'image que j'ai du "hip hop français", c'est que ça craint un peu ! Toute cette esthétique un peu dégueu, les visuels bidon dans les magazines, c'est quand même bien claqué. Mais je dis ça avec affection, hein ! De toutes façons le rap en France est resté un truc de jeunes, de mecs de 17, 18 ans. Quand j'avais cet âge là moi aussi j'étais à fond dedans ! Donc il y a des "gloires du passé" qui m'ont marqué quand même, comme Oxmo, Hi Fi, Double Pact, Lunatic, Ideal J, X Men, etc… Mais aujourd'hui, non, je n'écoute pas de rap français du tout. La seule personne avec qui je bosserais, pour te donner un nom, c'est Oxmo.
HHC : Quels sont tes conditions de travail, avec quel matériel travailles tu ? Quelle part de ton temps est ce que tu consacres à la production ?
Para One : Je travaille dans un endroit où il y a des chips sales et des souris, mais aussi un peu de matériel, comme un S2000, un PC, un Casio FZ-1, une Mackie pour le mix et un Neumann TLM103 pour les voix, avec un préampli à lampes ART. Mes écoutes et mon ampli sont les plus nazes que je connaisse, depuis que mes NS 10 et mon ancien ampli m'ont lâché. Mais ce n'est pas grave, ça crée une ambiance Lo Fi et arty plus inspirante que n'importe quel gros studio à la mords-moi le nœud. En principe je fais tout à la maison, de l'enregistrement au mix, il n'y a que le mastering que je délègue. Je m'en branle des principes de "définition", de "qualité" du son, etc… Je défie un ingé de m'engueuler sur la saleté de mes prises. Elles sont comme ça, personne n'y touche. Non mais. C'est déjà assez propre et lisse dans les studios de Popstars comme ça. La musique que j'aime a été pour beaucoup enregistré sur des 4 pistes pourris. Je consacre la majorité de mon temps à travailler sur mes films. Mais si je suis libre 5 minutes c'est du son que je fais. Je ne peux pas m'en passer, j'en suis absolument maniaque. Si je travaille sur un morceau, j'y pense jour et nuit, c'en est à devenir fou, je ne peux pas m'arrêter, je ne dors plus et comme je ne me drogue pas, c'est encore pire, mes voisins vont bientôt appeler la police je pense. J'espère que cette passion maladive pour la musique me restera toujours, enfin je pense qu'elle durera tant que nous serons du côté de l'innovation, du dépassement de soi. Je prie pour ne jamais être ce vieux connard d'ingé son conservateur adossé au mur qui te regarde bosser en pouffant, un vieux reflet bizarre dans les yeux.
HHC : Je me demande ce qu'écoute Para One chez lui, quels sont les disques qui tournent chez toi en ce moment ? Si tu devais parler d'un album qui t'a marqué en 2002 ?
Para One : Ah ah, bonne question… En fait je ne suis pas le mec qui va tout avoir à l'avance, les promos, les machins, qui connaît tout le monde dans les maisons de disques, qui prévoit les tendances futures, etc… J'admire ces gens, mais j'en suis incapable. Autant quand je fais du son, j'aime anticiper sur ce qui existe, autant en tant qu'auditeur je suis toujours un peu en retard, je découvre après la bataille, mais bon je prends le temps d'apprécier. En ce moment, donc, j'écoute principalement Modeselektor, Vitalic et Tom Tom Club. En 2002, je dirais que le Edan, le El-P et le Boom Bip sont bien, mais ce qui m'a le plus marqué sur la longueur d'un album c'est Fog.
HHC : Quels sont les artistes -hip hop ou non- qui t'ont marqué et t'ont vraiment influencé dans ton travail ?
Para One : Public Enemy, Jean Luc Godard, les Geto Boys, Tarkovski, NWA, Pergolèse, Steve Reich, Kokoschka, Sartre, Alain Chamfort.
HHC : Que penses-tu de 50 cent ?
Para One : Je ne connais pas assez pour t'en parler.
HHC : de dDamage ?
Para One : Ils sont sympas les copains. On va bientôt les remixer d'ailleurs. C'est un groupe avec une très forte personnalité, un entourage émouvant, et surtout du bon goût. Je préfère presque leur premier album au deuxième.
HHC : de Necro ?
Para One : Je ne suis pas plus fasciné que ça. J'adore les sons qu'il a faits pour Non Phixion, sur les vieux maxis, et puis "I Need Drugs" est mortel. Mais bon, je ne suis pas du tout choqué par ce qu'il dit, ou ce qu'il fait, mais ça ne me fait pas grand chose. J'en ris, parfois, et puis ça passe ; En tous cas c'est diablement efficace en soirée.
HHC : de la neige ?
Para One : J'aime la neige. La neige est liée à toute ma vie, et aussi à toutes les raisons qui me poussent à faire de la musique. Si un jour je sors un disque, je mettrai de la neige dedans.
HHC : Quelque chose à dire ?
Para One : Saucisse
HHC : Merci en tout cas à Para One pour avoir bien voulu répondre aux questions d'Hiphopcore.
Para One : Merci à toi mec. Sympa.
HHC : Bonne continuation.
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