Après la mixtape "Brechtian Tactics" sortie fin 2002 et dont le contenu nous avait déjà enthousiasmé, les Chocaholics reviennent en ce début d'automne pour partager une nouvelle fois avec nous leur passion pour le chocolat mais aussi et surtout pour ce hip-hop indépendant intransigeant dont on raffole ici-bas. Un rapide coup d'œil au track listing suffira probablement à éveiller en vous un instinct consommateur féroce et à vous orienter vers le site de VPC de votre choix mais prenons un peu le temps de décortiquer ce "Planting Candytrees "plus en profondeur.

Avant de parler plus en détail de sa sélection (l'atout majeur de "Planting Candytrees"), parlons un peu technique. Peu de choses à savoir à ce sujet, si ce n'est qu'ici les enchaînements sont propres et bien travaillés à défaut d'être renversants. Les morceaux sont enchaînés en peu de temps et sans fioritures, de façon très naturelle, pour faire en sorte que les 79 minutes de musique défilent sans embûche. Le choix d'utiliser des extraits de morceaux dépassent rarement la barre des 2 minutes 30 évite toute lassitude et rend l'écoute constamment intéressante. La qualité sonore de l'ensemble est plus qu'honorable (tout juste remarquera-t-on le manque d'aigus sur 'Get A Hold'). Voilà pour l'essentiel… Parlons maintenant de ce qui se cache derrière la pochette intrigante de ce mix-cd.

Comme la scène west coast underground déborde de talent, c'est tout à fait naturellement que Pseudo et Yum ont choisi de consacrer une bonne partie de leur mix à certains de ces artistes californiens en pleine forme. C'est d'ailleurs l'hommage à la scène angelino 'LA [Like]' de 2Mex qui ouvre les hostilités (après une introduction scratchée comme il se doit par DJ Marz). Si l'on retrouve certains habitués des sélections indé en la personne de 2Mex et du Shape Shifter Awol One (sur le piano addictif de 'Decompoze'), l'accent a été mis sur des outsiders moins connus par le hip-hopper lambda. On retrouve ainsi Subtitle (auteur récemment du très bon EP "I'm Always Recovering From Tomorrow"), Neila, Asop (Living Legends), Forest Fires Collective ou Tommy V mais aussi certains de nos chouchous tels que Disflex.6 / Sunset Leagues, Existereo (d'ailleurs, ne manquez pas son récent "Dirty Deeds & Dead Flowers") ou encore The Escape Artists avec qui nos lecteurs seront sûrement familiers. On retrouve même en intégralité 'Balls To The Walls' des Netherworlds (extrait de leur recommandable album commun "Pals") où Murs, Himself et Anacron expriment leur ras-le-bol de l'industrie discographique en conspuant au passage les soi-disants rappers underground qui rêvent en silence de compromission…

Intelligemment, les Chocaholics ne se sont pourtant pas seulement cantonnés à cette scène "à la mode" et ont su aller chercher le talent partout où il est. Ils n'hésitent pas ainsi à mettre à l'honneur une scène canadienne moins universalement acclamée mais toute aussi riche en idées. mcenroe est donc évidemment de la partie avec un extrait sérieux de son très bon "disenfranchised" ('for service in english, press one'). L'incomparable Buck 65 est convié par DJ Moves et Paul the Apostle à poser sur le magique et hanté 'Makin Love To Your Disk Drive' aux lyrics 100% digitaux. Profitant d'une seconde connexion canadienne, on retrouve même une autre fois l'auteur de "Vertex "sur le sombre 'Five Dollar Jesus' de son ami Stigg of the Dump. Toujours dans le nord, un peu plus bas, le chicagoan Offwhyte est aussi des élus. Dans un autre registre, la nébuleuse des affiliés Anticon a aussi droit de cité à travers Restiform Bodies et surtout Deep Puddle Dynamics. Les différents mouvements de 'More From June' sont en effet là pour rappeler l'excellence de l'alliance Rhymesayers/Anticon immortalisée sur "The Taste of Rain" il y a quelques années et pour montrer la perfection du Dose One d'antan. New York sauve l'honneur par le biais du fou emblématique de Word Sound, Sensational, et surtout des ex-APC Priest & M.Sayyid qui nous font frissonner avec le brumeux 'Bubble In The Haze' (issu d'un projet de Kill Dog E). Outre cette déferlante d'artistes nord-américains, nos talents locaux sont aussi intelligemment représentés avec la mécanique impitoyable du 'Destruction Tool' de Para One et le mémorable 'Poussière d'Enfants' post-traumatique du Klub Des Loosers. Même l'Australie trouve une place sur les platines éclectiques des Chocaholics avec Curse Ov Dialect (auteurs de l'original "Lost In The Real Sky" pour Mush) et leur 'Multicultural Markets', véritable melting-pot sonore aux couleurs gitano-orientalo-hip-hop.

Lorsque meurt la dernière note du gargantuesque posse cut final (?) 'How Many?' (Subtitle, Awol One, Existereo, Liferexall, Met Fly, Maleko, Tommy V…), on remercie les Chocaholics de nous avoir concocté un mix-cd de bon goût comme on les aime. On se serait passé sans problème des masturbations pseudo-intellos des belges anticoniens Cavemen Speak ou de la platitude du 'The Sun and The Moon' de Dead Air mais en dehors de ces 2 accrocs absolument rien n'est à retirer. Alternant titres dynamiques, atmosphériques, caverneux et expérimentaux, "Planting Candytrees" dresse un panorama assez juste et bien équilibré de la frange la plus excitante de l'underground actuel. Avec sa sélection pointue et variée et son mix discret, "Planting Candytrees" est donc bien à ranger au rayon des compilations "têtes chercheuses" les plus intéressantes de ces dernières années. Mettant en avant une belle flanquée d'artistes qui le méritent amplement, il permettra à tous ses auditeurs de passer un bon moment de façon intelligente et sera un bon moyen de se procurer quelques titres rares que seuls de coûteux imports pourraient venir ajouter à leur discographie. Compagnon indirect du "Triple Threat "de DJ Detect, ce mix-cd contribuera à n'en pas douter à embellir vos soirées d'automne en vous injectant une dose salvatrice d'énergie indépendante.

Cobalt
Septembre 2003