Depuis son sublime 'I Love Your Def Jux Baby Tee' sur "Definitive Jux presents 2" et le non moins excellent 'June' avec Copywrite, RJD2 est sur toutes les lèvres et dans toutes les oreilles d'amateurs de créativité. Il faut dire que la splendeur de ses compositions parle pour lui. C'est logiquement que son premier opus longue durée débarque aujourd'hui pour asseoir un peu plus le rayonnement du crew Mhz hors des frontières de son Ohio natal.
Un constat s'impose : RJD2 surprend. On le savait talentueux mais son album tranche vraiment avec le commun des projets instrumentaux hip-hop en se débarassant souvent des structures rigides et en piochant des samples là où on ne l'attend pas. Changeant constamment de direction pour mieux nous perdre et nous séduire à la fois ('Good Times Roll Pt. 2'), privilégiant l'émotion à l'épate, il dépasse le cadre trop étroit de la musique rap. Pas étonnant qu'il faille se rendre au rayon musique électronique dans bien des magasins pour trouver "Deadringer" aux côtés des travaux de DJ Shadow ou DJ Krush. Car Rjd2 est taillé dans la même pierre que ces 2 figures de l'abstract hip-hop... tout en rappelant Moby à l'occasion ('Smoke & Mirrors')! En tout cas, en 17 morceaux, il développe une identité sonore déjà bien affirmée.
Des vocaux blues viennent souvent ('Work') orner ses compositions riches en trouvailles et en bonnes influences. En vrai chef d'orchestre, il fait toujours entrer ses samples et ses scratches là où on les attend ('Ghostwriter') variant les bpm au grè des atmosphères et créant de petites symphonies hip-hop. Il sait aussi quand ses productions nécessitent l'apport d'un rappeur. Ainsi, sur l'aérien 'F.H.H.', Jakki Da Mota Mouth se lance dans une diatribe contre l'hypocrisie qui règne dans le milieu hip-hop et Blueprint (vu chez "Illogic") pose sur le jazzy 'Final Frontier'. Tout déroule sans à-coups dans une ambiance poétique. Entre plages méditatives et accélérations, l'album trouve un rythme bien à lui.
Bien sûr, c'est un premier essai et on détecte encore quelques imperfections : 'Cut Out To FL' et 'Chicken-Bone Circuit' sont un peu ternes, les liens entre les morceaux ne sont pas toujours évidents... mais ces bémols sont réellement minimes. Et à l'écoute de "Deadringer", c'est un profond sentiment de satisfaction qui se dégage. L'univers de Rjd2 se démarque des expérimentations futuristes qui prédominaient jusqu'alors sur Def Jux mais il maintient le niveau d'excellence qui a fait la réputation du label. "Deadringer" place Rjd2 dans la cour des grands... pour longtemps semble-t-il.
Cobalt Juillet 2002