Offwhyte (1ère Partie)

L'année est faste pour Galapagos 4. Alors que la jeune garde du label chicagoan a occupé le devant de la scène pendant une bonne partie de l'année, Qwel vient de montrer avec "The Harvest" que les piliers du label avaient encore leur mot à dire ainsi que quelques flèches aiguisées à décocher sur le reste de la concurrence. Tranquillement, Offwhyte prépare lui aussi son retour en prenant le temps de peaufiner un digne successeur aux remarqués et remarquables "The Fifth Sun" et "Squints". Alors que Galapagos 4 était de passage à Lyon cet été, l'occasion était trop belle pour qu'on n'en profite pas pour nous entretenir longuement avec celui par qui l'aventure G4 a commencé: Offwhyte lui-même. Première partie d'une interview fleuve avec le petit géant de la Windy City. English version



Hip-Hop Core: Après quelques années d'exercice, Galapagos 4 est d'ores et déjà un des labels et des collectifs les plus présents sur la scène de Chicago et même plus largement dans le domaine du hip-hop indépendant. A ton avis, quelle est (ou sera) la place de l'aventure Galapagos 4 dans l'histoire du rap chicagoan?



Offwhyte: Je pense que Galapagos 4 est encore un label relativement récent. Si tu regardes un peu l'histoire du hip-hop de Chicago, les sources de cette scène remontent aux années 80. Nous, ça fait seulement 5 ans qu'on sort des disques. Ca se passe super bien et on prend beaucoup de plaisir à faire ça mais je continue à penser que tout ça est encore assez nouveau. Mais je pense clairement qu'on amène quelque chose de nouveau au son de cette ville. Avant qu'on commence vraiment à sortir de la musique, la plupart des groupes de Chicago faisaient des trucs vraiment bruts et rugueux, du boom-bap assez classique. Je pense que, dans un sens, on se situe aussi dans la même tradition et qu'on a nos racines dans ces mêmes règles inhérentes au rap… Mais je pense qu'on est un peu plus innovant vis-à-vis de notre son et de nos styles. On pourrait même dire qu'on fait quelques sons expérimentaux. Donc je pense qu'on est un nouveau chapitre dans l'histoire du hip-hop chicagoan mais je n'aurais jamais l'audace de dire qu'on fait partie des pionniers de cette ville.



HHC: A tes yeux, quelle est la chose la plus importante que vous amenez à cette ville?



O: Personnellement, je pense qu'en amenant ce nouveau type de son, on a aidé à ouvrir la porte de cette scène à tous les jeunes emcees qui ont envie de rapper un peu différemment et à tous les producteurs qui veulent faire des beats qui sortent un peu de la norme. Quand on est arrivé avec notre musique au début de l'an 2000, avec les 2 premières sorties du label, la plupart des gens faisaient un hip-hop plutôt simple et direct et rappaient comme dans les battles avec plein de punchlines et de trucs du style… Alors quand on a débarqué avec ces flows plus élaborés et un peu fous, on sonnait plus comme un groupe d'artistes issus d'une autre partie du pays. Pas mal de jeunes me disent qu'on sonne comme des mecs de Californie, parce qu'on essaie de pousser les styles un peu plus loin et d'expérimenter au maximum avec nos rimes et nos beats. Du coup, je pense que maintenant les jeunes de Chicago qui veulent percer et qui sortent des CD-R's et des K7 démos hésitent moins à tenter des trucs, parce qu'on a prouvé qu'on pouvait être de Chicago et sortir des trucs audacieux.



HHC: Tous les artistes de Chicago a qui j'ai pu parler jusqu'ici sont très fiers de leur ville et de la scène rap qu'elle abrite. Qu'est-ce qui rend cette ville si spéciale?



O: On appelle Chicago "the city of big shoulders". Je pense que c'est parce que les gens ont l'air fier d'eux, et ce même lorsqu'ils font des trucs de tous les jours comme aller au boulot ou prendre le train… Je pense que c'est lié au fait qu'il fait si froid en hiver et si chaud en été à Chicago. C'est une ville d'extrêmes. A l'heure qu'il est (ndlr: un après-midi de juin), je pense qu'il fait bien chaud là-bas. Alors qu'en hiver, c'est terrible; c'est comme Moscou, très très froid et venteux. Quand tu vis dans un climat comme celui-là et dans une grande ville très peuplée, je pense que ça te rend plus dur et rugueux. Tu as tendance à te refermer sur toi-même et à croire à fond en toi. Et à mes yeux ça se ressent dans le hip-hop de Chicago. Tout le monde est fier du hip-hop de Chicago parce que, là-bas, on n'a pas de majors ou de grosses maisons de disques. Au lieu de ça, on essaie de créer nos propres moyens pour sortir notre musique, faire des concerts et vendre nos disques. C'est la raison pour laquelle l'underground est très fort à Chicago. Il y a plein d'artistes, de emcees et de DJ's. La scène breakdance y a aussi toujours été très active… On se suffit à nous-mêmes, on est auto-financé et c'est ce qui rend cette scène si forte. On en tire une grande fierté.



HHC: Je crois savoir que tu as enregistré ton premier album "Squints" en l'espace de 2 jours en 1999. A quoi ressemblait cet enregistrement ultra-dense? Est-ce que tu étais vraiment à la bourre ou est-ce que tu traversais tout simplement une période d'inspiration peu commune?



O: A vrai dire, c'est la seule fois où j'ai enregistré un album aussi rapidement. C'était à une période où plein de choses se passaient dans ma vie. Avant de commencer le label Galapagos 4 à Chicago, Jeff Kuglich vivait à Seattle. Au moment où j'ai enregistré "Squints", il vivait toujours là-bas. Il n'a pas pu être là pendant les sessions d'enregistrement et s'occuper un peu de tout. Du coup, il m'a envoyé un chèque et j'ai dû m'occuper de payer les gens, de planifier les sessions et d'y aller… Le meilleur moyen, et le moins cher, d'enregistrer l'album, c'était de réserver 2 jours. Des jours très longs, des sessions d'enregistrement de 12 heures… Il y avait juste moi et mon pote Griffin Rodriguez (qui est notre ingénieur du son). On a tout enregistré en 2 jours et on a aussi tout mixé en 2 jours. C'était pendant l'été et il faisait très chaud. "Squints" était mon premier album longue durée. J'avais en stock toutes ces chansons que j'avais écrites, répétées, revues et corrigées depuis tellement longtemps que, lorsque j'ai dû les enregistrer, tout était prêt. Du coup, ça a été très vite. Donc, pour répondre à ta question, disons que la situation un peu stressante dans laquelle on se trouvait a bien entendu joué sur l'enregistrement. On devait faire vite et on voulait aussi finir cet album rapidement pour continuer à avancer dans nos projets.



HHC: Est-ce que tu as été surpris par le bon accueil que la critique a réservé à ce premier album?



O: Oh, ouais, carrément! Quand j'ai été en Californie pour la première fois et que j'ai rencontré tous ces gosses qui étaient vraiment à fond dans ce CD qu'on venait de sortir, c'était vraiment très gratifiant pour moi. Parce qu'au fond de moi, j'avais toujours espéré que je serai accepté par les gars de la côte ouest. Parce qu'une grande partie des styles de rimes que j'emploie m'ont directement été inspirés par des emcees west coast. Alors, aller là-bas et me rendre compte que des gosses écoutent autant mon disque que celui d'un emcee californien, c'est très flatteur. Pour ce qui est des critiques, je ne fais pas trop attention à ça. Je lis toujours les chroniques qui concernent mes disques et tout ça mais je ne prends pas trop les choses au sérieux. Néanmoins c'est vrai que jusqu'ici la plupart des gens qui ont parlé de ma musique ont plutôt été encourageants et ont émis des avis positifs… donc c'est cool.



HHC: Tes lyrics sont souvent bien écrits et plutôt lettrés. Comment abordes-tu l'écriture d'un morceau?



O: Et bien, disons que ça a changé au cours de ma carrière. Avant, ça me prenait vraiment beaucoup de temps pour arriver au résultat que je voulais. Ca m'arrivait souvent de laisser une chanson "en chantier" et d'y revenir quelques mois plus tard pour la retravailler. Maintenant, j'essaie de ne plus faire ça. Je pense que mes séjours en Europe ont joué un grand rôle dans cette évolution. C'est la troisième fois que je viens en Europe et, les 2 fois précédentes, j'ai fini par enregistrer quelque chose avec des gars que j'avais rencontrés sur la route, etc... Dans ce genre de situations, il était primordial de finir la chanson avant que je parte. Ca m'a mis le pied à l'étrier pour tenter d'écrire une chanson dans son intégralité en une journée ou en quelques minutes, aussi vite que possible. Je pense que c'est bien parce que ça permet de concentrer toute l'énergie en un point, plutôt que de partir dans ces longs couplets vraiment étirés et venant du cœur que j'écrivais auparavant. A ce propos, j'ai un nouveau disque qui vient de sortir et qui s'appelle 'Crossing The Potomac'. C'est sorti sur un label de Zurich en Suisse. C'est un des titres que j'ai enregistré la dernière fois que je suis venu faire une tournée en Europe. C'est une de mes meilleures chansons et pourtant c'est quelque chose que j'ai écrit très rapidement.



HHC: Les sujets que tu abordes et l'écriture de tes textes sont visiblement très importants pour toi, autant que ta façon de les poser. Il y a même souvent des portions de tes textes écrites à la main sur les livrets de tes albums. Compte tenu de tout ça, pourquoi ne pas imprimer l'intégralité de tes lyrics ou les publier en ligne, plutôt que de n'en livrer que des portions, pour que tes fans puissent les lire et les disséquer?



O: En fait, je pense que c'est juste parce que je n'ai jamais pris le temps de les taper au propre! (rires) On aimerait avoir la possibilité de faire des livrets d'albums plus élaborés, tu sais, mais ça coûte cher… Mais on essaie de se diriger peu à peu vers ça. On veut être capable de sortir le type de produit qu'on veut et non pas uniquement le produit qu'il est facile de faire… Un jour, j'aimerai pouvoir trouver le temps de taper tous mes lyrics comme il faut mais jusqu'ici je n'ai jamais pu vraiment m'y mettre.



HHC: Dans une ancienne interview donnée à urbansmarts.com, tu avais dit: "Le rap a toujours été de la poésie à mes yeux". Mais est-ce que tu ne penses pas qu'en voyant le rap comme une forme de poésie et en codant en partie tes textes, tu risques parfois de noyer ton message dans une abondance de style?



O: Je viens d'une école musicale où le style de emceeing est l'aspect le plus important de la musique. Par le passé, j'ai écrit des rimes qui essayaient vraiment d'explorer des styles différents, de la façon la plus intense possible. Ce n'est pas comme si les lyrics étaient secondaires, parce qu'ils ne le sont pas du tout, mais je pense que dans le passé mon objectif a souvent été de déchirer le titre et que j'écrivais surtout mes textes dans cette optique. Cependant, pour les gens qui aiment les textes, je pense qu'il y a plein de choses intéressantes à étudier dans mes rimes. Mes rimes peuvent être un peu poétiques et un peu folles mais, si tu prends le temps de bien connaître la chanson et que tu l'écoutes vraiment, tu peux y trouver autant de choses que tu veux. Parce qu'il y a plein de choses qui sont dites dans les textes. Et puis, comme je viens de le dire, j'ai un peu changé de style ces derniers temps, du côté de l'écriture. Certains de mes nouveaux titres sont un peu plus directs. Tu sais, je peux rapper de telle ou telle façon mais quel que soit le style, c'est important de faire les choses bien. Je peux comprendre que certaines personnes ne comprennent pas toujours le message que j'essaie de faire passer mais, tu sais, je ne rappe pas pour les gens qui n'écoutent pas les textes…



HHC: Tu as commencé ta carrière dans les soirées open mic. Quelle importance cette expérience a-t-elle eu dans ton évolution artistique?



O: Chicago a vraiment une très bonne scène pour les emcees. Je veux dire, si tu veux sortir et rapper devant des gens dans des open mics, il y en a plein en ville. Et il y a aussi tout un tas de soirées underground et de fêtes où les gosses riment entre eux dans la rue, etc… C'est le type d'environnement dans lequel beaucoup des emcees de Galapagos 4 ont baigné quand ils ont commencé à rapper. Je sais que Qwel, Robust et Rift Napalm ont tous fréquenté certains clubs hip-hop et ont tous pris le micro dans des open mics du genre de Planet Mars, qui a fermé depuis. Le plus célèbre open mic de Chicago est toujours en activité et s'appelle Subterranean. C'est tous les jeudis soirs et ça fait 5 ans que ça dure. J'avais l'habitude d'y aller et je pense que ça m'a beaucoup aidé à prendre confiance en moi et à pouvoir prendre le micro face à n'importe qui. C'est important que ça fasse partie de notre background parce que c'est une expérience que rien ne peut remplacer. Ca fait partie de la vraie essence de ce qu'est le rap. Poser ses rimes sans se poser de questions, freestyler et, si quelqu'un te manque de respect, faire ce qu'il faut pour s'en occuper. Ou alors, quand tout est cool et que les gens passent une bonne soirée grâce à toi, pouvoir sentir la chaleur de la salle. Chicago a toujours été rempli de emcees comme ça, qui ont faim, et il y aura toujours des endroits pour les mecs qui veulent faire des battles. Je pense que c'est vraiment bien.



HHC: Ton flow est très fluide et créatif. Tu viens de nous dire que les emcees de la côte ouest ont eu une influence importante sur la maturation de ton style. Qu'est-ce qui t'a attiré dans la façon dont les emcees du Project Blowed et leurs contemporains rappaient?



O: Tu sais, j'écoute du rap depuis toujours. La premier titre de hip-hop que j'ai jamais entendu, c'était 'Grand Master Flash on the Wheels of Steel' et, depuis ce jour, j'ai toujours voulu en entendre le plus possible. Quand tu es fan de cette musique, les styles changent au fil des années. Quand j'ai commencé à m'intéresser au hip-hop underground de la côte ouest, aux alentours de 1996 ou 1997, c'était au travers d'artistes comme Freestyle Fellowship, Aceyalone ou Saafir… Saafir est un de mes emcees favoris, que ce soit du point de vue lyrical ou stylistique. Tous ces gars faisaient partie d'un mouvement musical très intense parce que la musique rap durant les années 80 était vraiment basique. Avant, tu avais surtout des beats qui tapaient fort, sur le quatrième temps, et la plupart des emcees étaient dans la veine de Run DMC ou LL Cool J: ils attaquaient le beat frontalement, sans détour. Quand toute cette scène californienne est arrivée, les mecs surfaient sur le beat! C'est intéressant de voir jusqu'où ces expérimentations peuvent être poussées. On utilise tous le même langage et la même musique mais il y a tellement plus de choses à explorer. Alors, c'était intéressant d'entendre des gars comme Saafir qui ne rappaient pas en 4/4 mais qui parvenaient quand même à donner un vrai rythme à leurs rimes. Un des emcees les plus mortels, d'un point de vue du style, c'est Twista, qui vient de Chicago. Quand tu analyses un peu la façon dont il rappe, il met du rythme dans tellement de syllabes que ça en devient presque de la musique classique. C'est comme de la musique symphonique lorsque les violons jouent très vite… C'est tout simplement fascinant. Ca me fait penser aux mathématiques et aux séquences de nombres. J'ai toujours pensé que le son de la côte ouest avait un côté vraiment libre, vivifiant et libérateur. J'ai essayé de baser mon style là-dessus parce que je n'aime pas entendre toujours les mêmes styles et les mêmes métaphores. J'ai toujours essayé d'égaler les gens que j'admire.



HHC: Changeons de sujet. Qu'est-ce qui t'a amené à utiliser le thème récurrent de la fin du monde sur ton second album "The Fifth Sun"?



O: À l'époque où j'écrivais cet album, je lisais quelques livres sur les anciennes philosophies Mayas. Il y avait beaucoup de références à l'architecture. Ces anciennes civilisations ne sont soi-disant pas aussi avancés que nous le sommes aujourd'hui mais, il y a 5 ou 6000 ans, leur architecture religieuse et leurs villes étaient déjà conçues pour retranscrire les trajectoires de corps célestes tels que le Soleil, les étoiles et certaines constellations. Ca m'a vraiment fasciné. L'un des livres les plus importants que j'ai lu était "Fingerprints of the Gods" de Graham Hancock, un auteur anglais. Du coup, j'ai commencé à lire d'autres trucs et à essayer de trouver autant d'informations que possible sur l'histoire et le développement de l'humanité… Donc, lors de la réalisation de "The Fifth Sun", ce n'est pas comme si toutes les chansons avaient un lien avec ça ou avec la fin du monde mais je voulais simplement rendre hommage à l'histoire de la connaissance du genre humain. Beaucoup de ces anciennes constructions servaient de calendriers et ça me fascine que ces anciennes civilisations soient parvenues à tout calculer avec autant de précision il y a si longtemps.



HHC: Sur "The Fifth Sun", on sent qu'il y a vraiment une connexion qui s'est établie entre toi et Meaty Ogre. Depuis cet album, Meaty Ogre a d'ailleurs produit de plus en plus de titres pour les artistes G4. Que penses-tu de son travail?



O: Meaty Ogre a toujours été un de mes producteurs préférés. Je me rappelle la première fois que je l'ai rencontré. C'était après un de nos concerts et je ne savais pas encore qui il était. Mais on est allé chez lui. On glandait tous tranquillement et il m'a demandé si je voulais écouter quelques beats… Tu sais, tous les mecs que je rencontre font des beats ou rappent donc je ne l'ai pas vraiment pris au sérieux. Il devait avoir 17 piges à l'époque et je devais en avoir 19… Mais bon je me suis plié au jeu, il est rentré dans son home studio et il a balancé ce beat magnifique dans les enceintes. Je me souviens l'avoir regardé 2 fois style "c'est vraiment toi qui a fait ce beat?!" Et c'était le beat de 'Compliments & Novelties'! C'est le premier beat qu'il m'ait jamais fait écouter et il a fini par atterrir sur "The Fifth Sun". Depuis ce jour, j'ai toujours été ébahi par son travail. C'est un batteur et je pense que c'est vraiment un point important parce que ses rythmes sont toujours vraiment parfaits. C'est vraiment quelqu'un qui aime la musique. En fait, il a une très bonne connaissance de la musique des années 80. Pour une raison qui m'échappe encore, il peut chanter de tête toutes les chansons qui passaient à la radio dans les eighties… Hier soir, on était à St Etienne et on a laissé la télé allumée en s'endormant. Au réveil, ce matin, j'entends cette chanson de Huey Lewis & The News 'The Power of Love'. Du coup, elle me trotte dans la tête pendant toute la journée. Tout à l'heure en allant à la gare, je commence à chanter cette chanson: "That's the power of love" … mais je n'arrive pas à me rappeler des paroles alors je chante un peu n'importe quoi. Meaty qui est à l'autre bout du quai (parce qu'on est vraiment nombreux) m'entend chanter et il commence à m'accompagner, sauf qu'il connaît les paroles et qu'il finit la chanson pour moi! C'est l'exemple type de qui est Meaty Ogre. Il est tout le temps à chanter des conneries, à beatboxer ou à taper sur la table pour faire des beats, mais c'est toujours dope. Il a un excellent sens du rythme et c'est un peu pour ça que ses productions sont si mortelles et qu'elles te font toujours bouger la tête. Pour ce qui est d'une alchimie entre nous deux, je dirais qu'en fait Meaty a une alchimie avec tous les mecs de Galapagos 4. Je pense que c'est parce qu'on traîne tous ensemble. Jusqu'au début de cette tournée, Meaty vivait dans le même appartement que Mestizo et Robust donc ils passaient beaucoup de temps tous les 3. Je connais Meaty depuis des années et on a toujours été des amis proches. Je pense que notre musique en sort grandie. Si tu passes pas mal de temps chez un gars à écouter ses beats, tu vas forcément trouver quelque chose qui te plait et ça n'en est que plus facile de travailler ensemble pour creuser dans cette direction... Plutôt que d'acheter un beat à un producteur que tu ne connais pas. De ce fait, j'ai le sentiment que notre alchimie est toute naturelle.



HHC: Avec un peu de recul, quel regard portes-tu sur tes 2 albums?



O: Et bien, ils sont très différents et ils sont sortis à 2 époques très différentes de ma vie. Je suis très fier de "The Fifth Sun" et je suis très content de ses résultats. Il a été en licence chez un label anglais qui s'appelle Peacefrog et ça a vraiment bien aidé à le rendre disponible un peu partout en Europe et au Japon. Et puis, Galapagos 4 a tellement évolué pendant la période qui sépare mes deux albums! Je pense qu'en terme de songwriting, de construction des chansons et de clarté des messages, "The Fifth Sun" est une très bonne représentation de ce que je suis capable de faire. Mais "Squints" restera toujours unique parce qu'il a un son vraiment brut et que j'avais encore mon "ancienne" voix, ma voix jeune. Si je n'avais pas enregistré ces chansons à cette époque là, il aurait été impossible de les recréer. En termes d'écriture, ce n'est pas aussi avancé que mon second album mais je pense que ce sont de bonnes chansons, dans leur style. A part ça, je travaille actuellement sur mon troisième album. Je vais l'appeler "Mainstay" et il devrait sortir l'an prochain. Je vais vraiment essayer d'arriver avec quelque chose d'inattendu et de plonger dans des styles plus profonds que ce que j'ai pu faire jusqu'ici. D'ailleurs, je compte en jouer quelques titres en avant-première ce soir. Je pense que ce sera cool. La production sera assurée par Meaty Ogre, Maker, Kip Kiligain (qui vient de l'Arizona) et moi.



HHC: A ce sujet, tu as toujours bossé avec plusieurs producteurs sur tes albums. Ca ne t'intéresserait pas de donner les clés d'un des tes albums à un seul producteur?



O: J'aimerai bien à vrai dire mais je suis vraiment très difficile au niveau des beats. Même si j'ai beaucoup d'estime pour tous mes potes qui sont producteurs, je ne peux pas accepter tout ce qu'ils me proposent. La plupart du temps, je reste avec eux, on écoute des dizaines de beats et, même s'il y en a que j'aime bien, je vais toujours leur demander de changer un petit détail ou alors d'enlever tous les samples pendant un petit moment pour ne laisser que la batterie et faire un petit break… Je m'implique vraiment dans la production. J'ai toujours bien aimé piocher des productions chez différentes personnes parce qu'il n'y a que certains beats qui captent mon oreille et sur lesquels j'ai envie de travailler. Mais la seule raison pour laquelle je n'ai pas encore fait tout un album en collaboration avec un seul producteur, c'est surtout que je n'en ai pas encore eu le temps. Je n'ai pas encore eu l'occasion de rencontrer un producteur et de pouvoir bosser sur un projet d'un bout à l'autre avec lui; ce qui peut prendre des mois. Je suis très sérieux vis-à-vis de ma musique et vis-à-vis des choses que je sors et que je mets en vente. Mais j'aimerai bien faire ça un jour. Je pense que c'est un super concept.



HHC: Open I et Anacron faisaient partie des producteurs les plus présents sur les premières sorties Galapagos 4. Pourtant, ça fait un moment qu'on ne les a pas vus sur le label. Comment ça se fait?



O: Open I continue à faire des beats vraiment forts et, d'ailleurs, il produira lui aussi 2 titres sur mon nouvel album. En ce qui concerne Anacron, il s'est en quelque sorte lui-même exclu de Galapagos 4 en vendant l'album des Netherworlds (ndlr: "Pals" sorti à l'origine sur G4) à ce gars de LA qui possède le magasin de disques The Basement. Il lui a vendu les droits pour qu'il sorte l'album de son côté. Je peux le comprendre. Parfois, tu dois faire ce que tu dois faire mais, en gros, c'est la raison pour laquelle il n'a plus vraiment bossé avec nous depuis (rires). Mais j'aime beaucoup Anacron, en tant qu'ami. Je pense que c'est un producteur et un breakdancer extrêmement doué. C'est vraiment un gars bien; quelqu'un d'expressif et qui a beaucoup de talent. Il a beaucoup de flair et il m'a aidé dans mon développement artistique. Toute la situation avec Galapagos 4 n'a donc rien de personnel… C'est juste que G4 ne sortira plus ses disques désormais. C'est malheureux, parce que tout le monde sur Galapagos est fan d'Anacron. J'aimerai vraiment retravailler avec Anacron d'ailleurs. Je suis toujours en contact avec lui et il habite encore à Chicago donc, qui sait… Je ne suis pas rancunier.



HHC: Pour en revenir à toi, est-ce qu'on ne pourrait pas dire que ton leitmotiv est un peu d'explorer de nouveaux horizons tout en restant relativement accessible au niveau sonore?



O: Je dirais que c'est un descriptif assez juste. Mais je ne vois pas les choses en ces termes. Tout ce qu'on fait à G4 est fait de la façon la plus naturelle possible. C'est juste comme ça qu'on fait de la musique; naturellement. Tous les emcees qui sont sur ce tour, tous les producteurs qui bossent sur Galapagos 4 et moi, on passe très régulièrement du temps ensemble. La majeure partie d'entre nous vit dans la même ville. Alors quand on se réunit et qu'on fait de la musique, ce n'est pas comme si on se forçait à le faire. C'est par envie. Mais c'est intéressant de voir ce que les gens pensent de notre musique et d'aller faire des tournées comme celle-ci pour voir comment différentes personnes peuvent réagir à nos concerts. Ca fait toujours plaisir d'apprendre que quelqu'un a acheté ton album et l'a écouté et qu'il aime telle ou telle chanson pour telle ou telle raison… Mais ça, c'est un peu l'aboutissement de notre travail, une fois que tout est fini. Au moment où on la crée, notre musique est très personnelle. Un peu comme l'album de Mestizo. Je pense que notre musique est la musique la plus honnête qui sorte dans l'underground actuellement. On n'essaie même pas vraiment d'aborder notre art sous un angle donné. Tout ce qu'on dit, c'est des choses qu'on pense honnêtement, des choses qu'on interpréte à partir de ce qui se passe autour de nous.



Interview de Cobalt
Juin 2004

PS: Merci à MellowP et Mathieu de Mektoub Communication.

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