Meaty Ogre

A force de productions remarquables et de 7" instrumentaux rondement menés, Meaty Ogre s'est imposé au fil du temps comme le producteur résident le plus talentueux de Galapagos4. Après avoir fourni de solides compositions à Qwel, Offwhyte ou encore Robust, c'est donc logiquement que Meaty Ogre a pris le temps de peaufiner son propre album "Leo vs. Pisces". Au moment où "Leo vs. Pisces" débarque dans les bacs français, il était temps pour Hip-Hop Core de rencontrer ce DJ aux talents multiples qui fait de plus en plus parler de lui. English version



Hip-Hop Core: Même si on parle de plus en plus de toi, tout le monde ne sait pas encore forcément qui tu es. Pourrais-tu te présenter?



Meaty Ogre: Je suis Meaty Ogre. DJ, producteur, hustler, collectionneur de disques et aussi batteur.



HHC : Tu as percé avec Galapagos4. Comment t'es-tu retrouvé affilié à ce label?



MO: J'ai rencontré Jeff, le propriétaire et manager du Galapagos4, après avoir travaillé sur la cassette "Thanks for Not Rhymin" de Pugslee Atomz (ndlr: membre du collectif Nacrobats). J'avais acheté la K7 de "The Blackbook Sessions" (ndlr: première sortie de G4) à Jeff pas mal de temps auparavant et, comme je l'avais beaucoup aimé, je lui ai dit que j'aimerais bien bosser avec eux. Du coup, en 2000, j'ai produit le titre 'The Manhattan Project' pour l'album des Typical Cats. Partant de là, j'ai commencé à travailler de plus en plus souvent pour G4 et maintenant c'est même moi qui fais la majorité de leurs productions.



HHC: Tu as fait des split singles avec Dreas, un mix-CD avec "Maker Meat Your Maker Volume1: Coldest Place to Be" l'an passé…On dirait que tu aimes bien collaborer avec d'autres producteurs. Qu'est-ce qui te branche dans ce type de projet?



MO: Maker et Dreas sont mes potes et j'adore leurs beats. Ces gars sont vraiment de grosses influences pour moi et j'aime beaucoup rencontrer et travailler avec des individus qui ont le même état d'esprit que moi. On compte d'ailleurs faire un méga-album de producteurs tous ensemble très bientôt.



HHC: Si Dreas et Maker font partie de tes influences, peux-tu nous dire comment tu en es venu à t'investir dans le hip-hop?



MO: J'ai grandi à Orlando en Floride au son du rap. J'écoutais beaucoup Salt-N-Pepa, les Beastie Boys, JJ Fad, Kurtis Blow ou encore Rob Base. En 1997, j'ai commencé à faire des beats en m'amusant à bidouiller des samples et des boucles. Quand j'ai déménagé à Chicago en 1998, j'ai rencontré beaucoup de rappers et de DJ's du coin et je me suis mis à produire du rap hardcore.



HHC: Du coup, qu'est-ce qui t'a donné envie de sortir ton album solo "Leo vs. Pisces"?



MO: L'an passé, lorsque nous sommes revenus de la tournée européenne de Galapagos4, j'ai vraiment eu l'inspiration de sortir mon propre projet. Je voulais montrer toute l'étendue de mes styles de production et donner la possibilité d'enregistrer à certains de nos nouveaux MC's. Cet album m'a vraiment libéré d'un poids qui pesait sur mes épaules. C'est un truc que j'imaginais et construisait dans ma tête depuis 4 ans.



HHC: Avant cet album, tu avais sorti quelques CD-R's très éclectiques comme "Packed Meats" ou comme un "Meaty's Adventures" qui te voyait mixer sur un même support quelques beats, du rap, du rock, de la country et d'autres disques plus décalés les uns que les autres. Quelle était ton envie avec ces disques?



MO: "Meaty's Adventures" date de 1999. J'avais juste fait ce CD pour le donner à des amis et à ma famille. C'était une sorte de blague. La plupart des titres qui sont dessus sont des plaisanteries, des chansons qu'on avait fait pour rigoler et faire les cons. "Packed Meats "est un CD que j'ai fait en 2 nuits tout seul juste histoire de passer des disques dans ma piaule. Aucun de ces 2 disques n'est professionnel. Ce sont d'authentiques sorties dans le "style chicagoan", des sortes de bootlegs avec des pochettes sorties du Copy Center de Kinkos.



HHC: Est-ce que tu envisageais dès le départ de faire un album qui se partage équitablement entre titres instrumentaux et morceaux rappés?



MO: Oui, j'avais prévu d'atteindre cet équilibre et de faire une moitié purement instrumentale et l'autre avec du rap. J'ai arrangé le CD après que toutes les chansons ont été faites. Je jouais les titres dans des ordres différents pour voir quel ordre serait le plus efficace et au bout d'un moment je suis tombé sur une configuration où tout semblait couler de source.



HHC: Tu chantes sur certains titres de "Leo vs. Pisces". Est-ce quelque chose que tu comptes développer dans le futur? Doit-on s'attendre à voir un jour un album vocal de Meaty Ogre?!



MO: J'ai toujours aimé chanter et j'ai eu envie de m'amuser un peu avec ça sur l'album. Je chante aussi un peu sur le prochain album de Qwel et je suis sûr que je vais chanter un peu plus souvent dans le futur. Cependant, je ne suis pas bien sûr d'aller jusqu'à faire un album chanté!



HHC: Sur l'album, tu as visiblement décidé de mettre en avant des nouveaux talents du roster de Galapagos4 au lieu de te contenter de recruter les poids lourds du label. C'est ainsi qu'on voit Robust, Mestizo ou encore Actual Fact… Pourquoi as-tu fait ce choix?



MO: Robust et Mestizo ne sont certes pas encore des poids lourds mais, quand leurs albums vont sortir, ils seront connus. Je veux que les gens sachent à quel point tous les emcees de Galapagos4 déchirent. Alors, les faire apparaître sur mon album, c'était ma première chance de le faire savoir. Attendez encore quelques mois et vous verrez ce que je veux dire!



HHC: A propos des emcees, leur as-tu donné certaines consignes quand au contenu de leurs textes, etc?



MO: Non, pas vraiment. Seulement pour certains titres. Je leur ai expliqué tout le concept de l'album mais certains titres, comme 'Flibbertigibbit', avaient été faits avant même que j'ai complètement formulé le concept du LP dans ma tête.



HHC: Pourquoi ne pas avoir invité de rappers vraiment étrangers à Galapagos4 pour cet album?



MO: Galapagos4 est ma famille et, à vrai dire, personne d'autre ne m'attire vraiment actuellement. J'ai le sentiment que nos MC's sont meilleurs que tous les autres et il se trouve justement que ce sont aussi mes amis. Alors, pourquoi ne pas rester en famille?



HHC: Qu'est-ce qui te plait tant dans la scène rap de Chicago?



MO: Les gens de Chicago travaillent très durs. C'est une ville de classe moyenne et il y a beaucoup de gens terre-à-terre ici. Ici, tu dois avoir beaucoup de talent pour obtenir le respect de tes pairs, parce qu'il y a tant de gens qui font de la musique que tu passes facilement inaperçu si tu n'arrives pas avec quelque chose de vraiment carré. J'ai grandi ici et les gens du coin me mettent à l'aise. De plus, Chicago est blindé d'endroits intéressants pour faire du digging. Comme on est au centre du midwest, c'est aussi très facile de prendre la voiture pour aller fouiller les bacs des autres grandes villes de la région.



HHC: En parlant de voyages, tu es souvent en tournée avec Galapagos4. Je crois savoir que c'est quelque chose que tu adores?



MO: Je vis pour les tournées. Quand on est sur la route, c'est le plus grand sentiment de liberté que tu peux ressentir dans la vie. Pas de loyer à payer, pas d'obligations, pas de gouvernement, pas de soucis. D'autre part, j'adore rencontrer de nouvelles personnes, établir des connexions avec des gens et tester leur herbe!



HHC: Revenons-en à ta production. Ton son est très organique et structuré. Peux-tu nous expliquer comment tu travailles sur un titre?



MO: En gros, je programme d'abord une rythmique puis je commence à bidouiller un peu les disques qui traînent partout dans ma chambre pour m'amuser avec les sons jusqu'à ce que je trouve quelque chose qui attire mon oreille. En fonction de mon appréciation du titre, je peux travailler dessus quelques semaines ou bien quelques mois jusqu'à ce que le morceau ait un son que j'aime.





HHC: Le malin 'Pornounciation' est un des titres qu'on retient longtemps après avoir écouté "Leo vs. Pisces". Qu'est-ce qui t'a donné l'idée de ce collage sonore délirant?



MO: Ha Ha… Et bien, j'ai écouté ce disque qui apprenait à prononcer les mots et j'ai entendu les sons MMMMM et EEEEE. Du coup, j'ai juste bidouillé le titre jusqu'à ce que les voix disent MEEETEEE OGRE.



HHC: Je sais que tu étais batteur avant de devenir producteur de rap. De quelle manière penses-tu que ça influence ta façon de produire un morceau? Les rythmiques sont indéniablement un élément important de "Leo vs. Pisces"?



MO: Je commence toujours par séquencer les percussions. Pour moi, le rythme est toujours la partie la plus importante d'un titre. Ensuite vient la mélodie. Les percussions sont la base sur laquelle repose tout et elles sont une des raisons pour lesquelles j'ai commencé à produire du hip-hop. J'ai toujours des rythmiques qui me trottent dans la tête et la production me permet de leur donner corps.



HHC: Tu es connu pour être un crate-digger et un collectionneur de disques passionné. Qu'est ce que le crate-digging représente pour toi?



MO: En tant que producteur, je pense que pour amener de la variété à sa musique il faut avoir une énorme librairie de sons à utiliser. J'ai exploré quasiment tous les genres de musique à la recherche de samples et, en faisant ça, j'ai appris à aimer plein de types de musique. Par exemple, j'ai une assez grosse collection de disques de pop japonaise, d'albums espagnols et mexicains mais aussi de disques polonais ou russes, de pressages privés, etc. A côté de ça, je vends aussi régulièrement des disques pour payer mon loyer et manger donc je reste submergé dans le vinyle tous les jours. Comme je fais mes beats pendant la soirée, j'ai toute la journée pour faire du diggin'.



HHC: Cette passion pour le vinyle est-elle la raison pour laquelle tu sors souvent des singles 45 tours?



MO: Ouep, je collectionne les 7" autant que les albums. J'adore les toucher et j'aime beaucoup les passer dans mes sets. Les petits 45 tours me paraissent plus précieux que les 12".



HHC: Pourquoi est-ce que tu préfères les 7"?



MO: Ils sont le format ultime pour le single à mes yeux. Produire un 45 tours, c'est amusant parce que tu n'as que 2 chansons et tu peux concentrer toute ton attention sur ces 2 chansons et travailler dessus jusqu'à ce que tu sois vraiment content.



HHC: Justement, peux-tu nous dire quelques mots à propos de la série de 7" que tu as sorti sur Heardrums?



MO: Ce sont des singles 45 tours instrumentaux limités à 500 exemplaires chacun. On a commencé à les faire dans l'idée de sortir un peu plus de musique et pour que les DJ's qui ne s'intéressent qu'aux disques instrumentaux découvrent notre musique. On a déjà sorti 5 disques séparés maintenant et on devrait en sortir 4 autres cette année. Je vais aussi sortir un 7" sur Memphix Records cette année sous le pseudonyme de Micky Ritter… Surveillez ça ; ça devrait arriver dans une semaine à peu près.



HHC: Tu dis avoir exploré quasiment tous les genres de musique. Du coup, quel est le genre musical où tu trouves les disques les plus excitants?



MO: Ce qui m'intrigue le plus ce sont les disques issus de pressages privés. Il y avait des milliers de groupes dans les années 60 et 70 qui sortaient leur propre musique, un peu comme on le fait maintenant, en pressant leurs disques en petites quantités et sans distribution. Quand tu trouves des disques comme ça, il s'en dégage quelque chose de très personnel et spécial. Sinon, je suis très attiré par les disques asiatiques: coréen, japonais, chinois, etc. Je sample des disques asiatiques pour la majorité de mes beats en fait. Quasiment tous les beats de l'album de Robust sont issus de disques asiatiques.



HHC: A propos, tu as produit la majorité du nouvel album de Robust "Potholes In Our Molecules". Quel genre de production doit-on attendre de ce projet? As-tu eu une approche particulière?



MO: Robust aime les sons boom-bap jazzy et sexy. C'est donc comme ça que son album sonne. C'est un album très honnête et mélancolique. Il y a des beats de Prolyphic, qui est un producteur inconnu aux yeux de beaucoup mais qui débarque avec des sons très bruts sur le LP de Robust. Robust me prend régulièrement des beats depuis 3 ans maintenant et beaucoup des productions de l'album font partie de celles qu'il a sélectionné au fil des ans. Je suis un grand fan de Robust et je sais que les gens vont beaucoup plus s'intéresser dès que son album sera sorti.



HHC: Beaucoup d'observateurs pensent que ton meilleur travail de production se trouve sur "The Fifth Sun" d'Offwhyte. Ton style semble coller parfaitement au flow flexible d'Offwhyte. As-tu une idée de la raison pour laquelle il y a une sorte d'alchimie entre vous deux? Travailles-tu différemment avec lui?



MO: On est tous les deux de grands perfectionnistes vis-à-vis de notre travail. On contrôle tout. On hésite vraiment à sortir des trucs avant qu'ils soient complètement terminés. Je pense que c'est pourquoi on travaille bien ensemble. J'essaie toujours de faire des sons variés et Offwhyte a tendance à choisir ceux qui sont un peu plus uptempo et barrés. Il prend souvent des beats que d'autres MC's laissent de côté et il leur fait toujours honneur! En plus, c'est un Lion, comme moi.



HHC: Ca fait déjà quelques mois maintenant que "Leo vs. Pisces" est sorti aux USA (même s'il n'arrive dans nos contrées que ces jours-ci). Que penses-tu de l'album avec un peu de recul?



MO: Je suis content de l'album mais je sais que je peux faire beaucoup mieux. Mon prochain album sera beaucoup plus orienté vers le rap hardcore. J'ai des millions d'idées pour des beats dans ma tête!



HHC: Qu'est-ce qui se cache derrière le nom de l'album?



MO: Je suis un Lion (étant né le 31 Juillet) et mon ancienne petite amie est Poisson. Cet album a été fait en hommage à notre relation et à l'amour que j'ai laissé avec elle.



HHC: Dans un rayon plus anecdotique, comment s'est faite la connexion avec Sage Francis pour son "Makeshift Patriot EP"?



MO: J'ai rencontré Sage en 1999 et je lui avais alors filé un CD de beats. Le beat qu'il a utilisé sur son EP est celui qu'il a pioché dans ce disque. En gros, nous n'avons que des contacts "en ligne" vu qu'il vit à Rhode Island.



HHC: Parlons futur. Quels sont tes projets?



MO: Je viens juste d'enregistrer le nouvel album de Qwel "The Harvest" (toute la production est assurée par Maker). Je viens aussi de terminer l'enregistrement du nouveau LP de Denizen Kane "Tree City Legends Vol. 2" et de l'album de Mestizo "LifeLikeMovie". J'ai d'ailleurs fait des sons pour pas mal de ces albums. Mon prochain gros projet sera un album avec Qwel qui s'appellera "Freezer Burn". Sinon, je compte aussi sortir un LP avec Golda Supernova et quelques autres qui sonnera un peu comme Sneaker Pimps ou Portishead. A part ça, je compte bien sortir autant de 7" que possible cette année!



Interview de Cobalt
Février 2004

P.S. : Merci à Meaty Ogre et Mathieu de Mektoub Communication.

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