Soso

Qui l'eût cru, un des meilleurs albums de rap de l'année nous vient de la province désolée du Saskatchewan, en plein coeur du Canada. Dans la grande tradition nationale qui est de produire le hip hop le plus sincère et atypique depuis ses contrés les plus improbables (Halifax, Winnipeg), soso, fondateur du label Clothes Horse et du shop online www.phonographique.com a enfin livré avec "tenth street and clarence" un fier successeur aux "disenfranchised" et autres "Vertex" qui fait officiellement rentrer Saskatoon dans le cercle très fermé des villes champignons du hip hop de qualité. (Ré-)introduction du monsieur et de la scène locale. English version



Hip-Hop Core: A quoi ressemble le Saskatchewan?



soso: C'est un endroit magnifique avec des petites collines, de la verdure, des fleurs sauvages, et des bosquets. C'est aussi une vaste étendue ravagée, cultivée jusqu'à plus soif. Se balader à travers la province peut-être déprimant. Le ciel est très beau cela dit... L'autre soir je suis rentré bourré et je me suis posé dans le jardin de ma soeur pour regarder les étoiles.



HHC: Comment as-tu été sensibilisé au hip-hop en vivant dans un endroit aussi reculé? Existait-il une scène ici avant Clothes Horse?



S: Tous ceux qui possédaient une télé à l'époque connaissaient le hip-hop. C'est devenu si important qu'en 1984 ils ont inclus un numéro de breakdance durant la cérémonie d'ouverture des J.O. à Los Angeles. Il y avait des b-boys avec des permanentes et des survets en polyester qui rappaient pour vanter les mérites de pizzerias dans les pubs. C'était partout... Même ma petite école de campagne a consacré une page entière au breakdance dans son 'Livre de l'Année 1984'.Je me rendais donc compte du phénomène, mais je ne m'y suis impliqué qu'à partir de 89-90. A l'époque où j'ai commencé à participer - via le graff, la prod et le djing, vers 1995 - il existait déjà une petite scène en développement à Saskatoon. Epic, Chaps, Knowski et moi, plus quelques locaux avons vraiment bâti cette scène à partir de rien. Elle fait des petits désormais... Il y a des jeunes qui commencent à s'investir, à enregistrer du son, faire des concerts, graffer, breaker, etc.



HHC: Raconte-nous comment tu as décidé de monter ton label, de sortir ton premier vinyle et de te lancer dans le rap game?



S: C'est juste le truc que je voulais faire, il n'y avait aucune raison que je ne le fasse pas. Il y avait plein de bons modèles à suivre autour de moi, d'artistes qui sortaient leurs propres disques à Winnipeg (les débuts de Peanuts & Corn et Frek Sho) et ça m'a semblé un chemin naturel à suivre. Le EP "Sour Suite" a été le premier vinyle de hip hop pressé au Saskatchewan et je l'ai sorti sans vraiment connaître quoi que ce soit à l'aspect commercial de la chose. J'ai bénéficié d'un bon timing cela dit. J'ai eu la chance de débarquer en plein phénomène indie-rap-internet, les trucs du gouffre étaient sexy et j'étais un rappeur/producteur inconnu du fin fond du Saskatchewan.



HHC: Comment ton premier disque a-t-il été reçu? Tes raps sont assez loin du délire egotrip typique... Quelles ont été les réactions des gens à Saskatoon et à plus grande échelle?



S: La plupart des rappeurs devraient ouvrir les yeux. Rapper sur la taille de sa bite est vraiment débile... Il y a trop de testostérone et de poseurs. Je voulais faire une musique sincère. Quelque chose de beau et de vulnérable pour contre-balancer tous les trucs pop superficiels, nihilistes et éculés. Ma musique a été bien reçue parce que je pense que les gens apprécient le fait que j'essaie de faire les choses à ma façon.



HHC: Quels ont été tes influences en terme de musique et de littérature?



S: J'aimerai pouvoir sortir une longue liste d'auteurs et de bouquins, mais pour être parfaitement honnête je ne lis pas trop. Mes influences musicales évoluent constamment mais quand j'ai commencé à faire de la musique, LMNO et Buck 65 m'ont inspiré. J'aime beaucoup Leonard Cohen et le gazouillis de fausset de Neil Young. Je me retrouve dans l'intégrité, les règles et le storytelling de la folk. J'aime la musique triste qui donne envie de boire... Les vieilles chansons de cowboys. J'ai aussi quelques vieux disques de soul et de jazz... Et du rock des années 60.



HHC: Quelle est ton opinion sur le hip hop ces temps-ci?



S: Hahahaha, c'est une question énorme! Le hip hop est merveilleux, excitant, dépassé et stupide, mais marrant.



HHC: Parlons de ta discographie... Je vais nommer trois de tes disques et tu vas me dire dans quel contexte tu les a réalisés et ce qu'ils représentent pour toi... "Sour Suite"?



S: Je l'ai écrit en 1999... C'était mon premier disque. Je l'ai fini à Montreal et je trouvais qu'il était très poétique... Ca m'est difficile de l'écouter aujourd'hui. Ca sonne très naïf, presque mignon. J'aime encore la production cela dit et John Smith est énorme sur 'Drink'.



HHC: "birthday songs"?



S: "birthday songs" a vraiment été un pas dans la bonne direction. J'ai fait un effort pour explorer des sujets sensibles comme la propension au racisme dans ma famille, la mort, la rancoeur et les challenges moraux. J'essayais d'exprimer des choses qui sont difficiles à dire et de le faire d'une façon honnête. Je pense que les gens peuvent se sentir concernés par ces histoires. Excepté pour 'Dyke Look' ('style de gouine')... Cette chanson est tellement débile. Pourquoi j'ai sorti ce truc?



HHC: "tenth street and clarence"?



S: Mon albatros... J'ai mis un temps fou à le finir. Bien foutu par endroit. Je considère vraiment chacun de mes projets comme un travail d'art (et pas de façon prétentieuse), donc chaque chanson doit contribuer à l'ensemble d'une façon significative. Je pense que mon écriture et ma production continuent de progresser et je suis plutôt content du résultat final. J'ai reçu de très bons retours, une sortie au Japon et en Allemagne et l'album est arrivé en tête des sorties hip hop sur les radios des facs canadiennes.



HHC: Es-tu un cratedigger? Sur quel matériel travailles-tu?



S: Je ne suis pas un de ces types bizarres qui garde toujours une encyclopédie de vinyles à porté de main et se la raconte au bar à propos d'un disque rare qu'il a échangé sur internet avec un pote du Michigan. J'aime trop la musique pour ces conneries. J'achète beaucoup de vieux vinyles, de tous les genres, et je les sample le plus possible.



HHC: J'ai vu ce clip bizarre pour 'Hand To The Plow' sur ton site... Peux-tu nous en dire plus à son propos?



S: Eh bien j'étudiais les beaux-arts à l'université durant la période Sour Suite/Birthday Songs... Ma pratique des arts visuels et ma musique ont toujours été liées. J'ai fait beaucoup de photographie et cela m'a mené à la vidéo. J'ai produit quelques clips, certains collaient bien avec ma musique donc je les ai associé. J'en ai aussi réalisé un pour 'We Always Thought She'd Be The First To Go' et je viens d'en terminer un pour 'Hungover For Three Days Straight (Don't Matter)'.



HHC: Parlons de Clothes Horse maintenant... Comment as-tu rencontré tous les gars du roster, Epic, Recyclone, etc?



S: Je suis sorti avec une fille pendant un mois environ. Tout le monde me disait de ne pas le faire mais je l'ai quand même fait... Elle était un peu folle et un peu trop jeune pour moi, mais elle m'a présenté Epic et elle était passionnée de hip hop. Je venais de juste d'avoir des platines mais je n'avais pas encore de disques et Epic avait tout ces disques dope mais pas de platines. On s'est donc mis à se fréquenter et à s'entraîner. On est devenu amis et au bout d'un moment on a commencé à faire de la musique ensemble.

L'histoire de Recyclone est un peu bizarre. Il vit de l'autre côté du pays et je ne l'ai jamais rencontré en personne! Durant ces années j'ai eu l'opportunité de travailler avec Pip Skid (son album "Funny Farm" est incroyable d'ailleurs) et on a fait quelques plans assez informels pour bosser ensemble sur un petit side project. Il vivait à Halifax à l'époque et a ramené Recyclone dans le projet. Alors que le disque commençait à se matérialiser, Pipi a laissé tomber et j'ai dû le finir avec Recyclone. Je suis vraiment content du résultat et j'espère le sortir dans les prochains mois.



HHC: Quels sont les autres projets à venir? Veux-tu promouvoir d'autres artistes, pas forcément sur la scène locale?



S: Ca a pris du temps pour se construire. J'aimerais bien un jour avoir les moyens de sortir plus de bonne musique et agrandir notre roster d'artistes. On a quelques projets en cours mais pour l'instant on se concentre sur le nouvel album d'Epic. Il a collaboré avec Homesick Nomad - qui est un de mes rappeurs préférés - et Maki - un de mes producteurs préférés! C'est un chouette projet et on espère le sortir début Novembre. Je sortirais celui que j'ai fait avec Recyclone assez prochainement... Je dois finir un album instrumental avec Kutdown et faire quelques collaborations. Je vais bosser avec Yy, Ira Lee et d'autres pour une sorte d'album instru. J'aimerais aussi me mettre à mon nouveau projet solo.



HHC: Ok, dernière chose, ton top 5 définitif dans ta collection de disques?



S: Oh mec... Je n'ai jamais fait ce genre de liste. Je peux juste te dire ce que j'écoute en ce moment: I Self Divine – "Self Destruction", Blood Of Abraham – "Eyedollartree", LNMO – "P's And Q's", les disques de Melanie et Fatt Matt – "Life Is"...



HHC: Merci pour tes réponses... Un dernier mot?



S: Venez me rendre visite à Saskatoon. On sortira boire des bières à un dollar avec Chaps et Factor après notre émission de radio. Merci à Cee!!!!!!! pour poser sur le disque en tant que rappeur qui "hais les rappeurs à petites bites". Allez jetez un coup d'oeil chez nos partenaires de Subversiv-rec.de et Inpartmaint.com/plop... Et ACHETEZ QUELQUE CHOSE CHEZ PHONOGRAPHIQUE! Ca me fait vivre!



Interview de Pseudzero
Octobre 2005

Si vous avez aimé...

Dernières interviews

News

Chroniques

Articles

Audios

Recherche

Vous recherchez quelque chose en particulier ?

Copyright © 2000-2008 Hiphopcore.net