Mangeurs de pizzas 4 fromages supplément merguez/oignons. Fans de Terrence Hill et Bud Spencer (ce n'est pas pour rien qu'ils ont pris pour pseudonymes Terrence Style et Mag Spencer) mais aussi de Benny Hill. Les deux zigotos de l'Exécuteur de Hong-Kong en connaissent vraiment un rayon dans le domaine de l'auto-dérision. Pourtant, leur premier "EP" et l'album "Temps Précieux" qui vient d'atteindre les bacs (cop it!) nous ont déjà prouvé que le duo avait dans sa sacoche en cuir quelques armes blanches et deux ou trois constats sociaux bien sentis, en sus d'un lot de coussins pêteurs. Rencontre détendue avec le fils caché (autoproclamé) de Chuck Norris et de Jackie "Sardou" Chan et son armurier en chef.
Hip-Hop Core: Comment avez-vous abordé la réalisation de ce premier album? Y'avait-il une direction ou un objectif particulier que vous vouliez suivre?
Terence Style: Nous avons abordé la "réa" de cet album avec décontraction, comme d'hab vu notre grande notoriété… L'objectif principal était de faire du bon boulot, d'avoir un max d'homogénéïté ente paroles et musiques, un fil conducteur, une atmosphère, une marque de fabrique… tout en partant dans tous les sens. L'objectif est aussi, bien sûr, d'être disque d'or (dure).
Mag Spencer: Ouais, on a réalisé l'album petit à petit sans vraiment de ligne directrice au départ. Mise à part qu'on voulait quand même un album assez varié dans les sons et dans les textes. Je suis assez satisfait du résultat, chaque morceau a son univers, on voyage du premier jusqu'au dernier.
HHC: Terence, d'où te vient cet univers à part, qu'on pourrait définir comme un subtil mélange entre argot parisien, écriture travaillée (bourrée d'allitérations), références d'un autre âge, culture de rue et humour potache?
TS: Je pense que cet univers vient simplement des différentes périodes qui ont jalonné mon existence, des diverses personnes et choses qui m'ont influencé et m'ont insufflé l'envie d'écrire avec humour, sensibilité et imagination… Alors, si tu dis que c'est un "subtil mélange", et bien, j'en suis heureux, flatté et honoré. Merci.
HHC: On constate un important travail d'écriture dans tes textes aussi bien dans le vocabulaire employé que dans la façon dont tu joues avec les sonorités par le biais d'allitérations. Tu prends longtemps pour écrire un titre?
TS: C'est variable. J'écris souvent d'un seul jet. Puis, je retravaille le texte le lendemain et le sur lendemain afin d'obtenir la formulation la plus simple possible et la plus directe.
HHC: Il y a pas mal de références dans tes textes à la culture populaire et même aux pubs des années 70 et 80. On croise des drops sur des films de Kung-Fu, sur Belmondo, sur Hollywood Chewing-Gum... Tu restes un traumatisé de cette époque?
TS: "Traumatisé", le mot me semble un peu fort… Mais effectivement, les années dont tu parles restent pour moi incomparables, de par les séries B, les films d'action, la musique des eighties aussi avec le rock FM, Rod Stewart, etc… Ce sont aussi les années qui ont bercé ma jeunesse, donc bien sûr, j'en suis fortement imprégné. Alors, comme un vieux con qui ressasse le passé, je suis un peu nostalgique de l'époque. Mais je suis aussi prêt à me lancer dans le Crunk à fond la caisse, YOU KNOW WHAT I MEAN!!!
HHC: Qu'est-ce qui t'a donné envie de plonger dans le rap au départ?
TS: Ben, tu vois, on en revient aux années 80 avec des artistes tels que Kool Moe Dee, Grandmaster Flash et Melle Mel, Rakim, EPMD, Big Daddy Kane, Biz Markie, N.W.A., Third Bass, etc… Et puis, sur l'Hexagone, évidemment, NTM et IAM. Les années 90 ont aussi été une période super faste avec le Wu-Tang, Artifacts, les Beatnuts, Black Moon, Nas, Mobb Deep, Group Home et tant d'autres. Une fois de plus, oui, je suis un peu nostalgique… Mais quelle période de création quand même! Inégalable!
MS: Moi, c'est un pote de colo qui m'a fait découvrir 3rd Bass "The Cactus Album" en 89. Une bonne entrée en matière dans le rap…
HHC: Dans les textes, les récits de lendemains de cuite ou de soirées pleines d'excès sont un élément récurrent... Terence, tu lâches aussi au détour d'un texte : "Si les dingues volent, je suis le chef d'escadrille". Ta vie est si dissolue que ça ou est-ce que c'est juste un refus de se prendre au sérieux?
TS: J'ai une vie très simple en fait. J'aime bien manger un bon plat et boire quelques bières… Parfois trop, alors direction le sport. Mais il y a des vies bien plus dissolues que la mienne. Ce n'est pas non plus un refus de se prendre au sérieux. C'est juste que ma nature n'a jamais été de l'être!
HHC: Dans le même temps, tu portes une vision assez sombre sur le monde et sur son état... et même sur le fait que tu n'es qu'une "petite poussière dans ce bas monde". Comment est-ce que tu parviens à concilier ces deux facettes : une prompte à déconner et l'autre beaucoup plus dure?
TS: Je suis obligé de les concilier. D'une part, pour ne pas me lasser, mais aussi pour ne pas lasser les gens. N'avoir qu'une seule facette, sombre et triste, c'est usant. Le besoin de partir en vrille avec des choses comiques est un exutoire nécessaire à l'équilibre de cet abruti de Mag. Ne garder que l'aspect sombre, c'est un coup à se flinguer. Alors effectivement, le rire et la déconnade sont des thérapies des plus efficaces. Oui, je pense que le monde va mal, mais suis-je vraiment le seul? Bref, que des révélations d'une banalité sans pareille!
HHC: "J'aime autant le blues-rock que le rap sorti des ghettos" : Comment est-ce que ça se traduit dans la musique que tu fais à ton avis?
TS: A travers des morceaux tels que 'Soul Boulevard' ou 'Pancho Winchester Morales' qui ont une connotation plus soul, blues, rock et d'autres comme 'La Nuit de l'Exécuteur' qui a un petit côté rock FM. En fait, je pense que beaucoup de rappers ont une culture musicale très variée et ouverte. Je pense que Mag a aussi son mot à dire là-dedans.
HHC: Justement Mag, en termes de production plus particulièrement, quelle couleur ou ambiance voulais-tu donner au disque?
MS: Je voulais que les sons collent parfaitement au texte. Terence Style a son univers bien à lui et j'y rajoute ma touche pour que la magie opère. On est très complémentaire tous les 2 et on se connait bien maintenant. Chacun sait ce qu'il attend de l'autre. On est nostalgique des 80's et 70's, surtout pour les bandes-sons de films de ces époques-là, et je pense que ça se ressent dans les prods, c'est une couleur que l'on voulait donner aussi.
HHC: Peux-tu nous parler un peu du matériel que tu utilises et de la façon dont tu assembles tes beats? As-tu une méthode particulière ou bien travailles-tu à l'instinct? Eclaire-nous un peu.
MS: Je marche à l'instinct. Je ne me dis pas: "Tiens, faudrait faire un morceau dans ce style là". Je trouve une boucle intéressante ou un son et je l'exploite. Généralement, je pars d'un sample qui m'inspire, et après, c'est un travail d'arrangement pour m'en détacher le plus possible, tout en m'imprégnant du texte de Terence. Après, il y a des sons que je fais qui sont dans un autre registre, ne collant pas avec L'Executeur, et que je garde pour d'autres projets à venir.
HHC : Tu es aussi DJ. Penses-tu que cela t'aide pour la production? Et si oui, de quelle manière?
MS: Je crois que le fait d'être DJ m'a surtout permis à la longue de capter plein d'ambiances de plusieurs époques, des années 70, 80, et de m'en imprégner pour mes productions.
HHC: Comment est-ce que vous travaillez sur chaque titre?
MS: On bosse au départ chacun de notre coté, et on se capte une fois le son et le texte terminés. On donne notre avis, on voit les choses à changer. Généralement, on se fait confiance dans nos critiques, et on en tient compte la plupart du temps.
TS: Ouais, Mag fait les prods et je vois si je peux coller quelques rimes dessus. Après, cet enfoiré critique mes lyrics et je lui dis que ses sons, c'est de la daube. Chacun sort son flingue, et puis, on se dit que ce serait trop con de finir sans avoir connu un succès planétaire. Alors naissent des merveilles de morceaux!
HHC: Quelques anecdotes à nous raconter sur la réalisation de cet album...
MS: Les changements de studio au dernier moment pour la réalisation de cet album qui nous ont fait perdre pas mal de temps. On a squatté avec le studio chez moi, puis chez des potes… On a bougé le studio au moins 4 fois dans l'année, d'un bout à l'autre de Paris. La vraie galère. Sinon, les ambiances euphoriques dans un aquarium de foncedé tard la nuit, surtout pour moi qui ne fume pas.
TS: Bon, à part ça, je suis pas une balance, mais cet enfoiré de Mag n'arrête pas de larguer des caisses en studio. J'ai souvent dû poser les voix avec un masque à gaz pour ne pas y laisser ma peau.
Sinon, on a aussi eu la visite de Steven Seagal et Jean-Claude Van Damme qui sont venus nous assurer de leur soutien. Ils kiffent à fond nos prods. Si bien que j'ai décidé de me laisser pousser les cheveux pour faire un brushing "à la Steven". Quant à Mag, il réussit presque le grand écart avec ses bras.
HHC: Comment vous est venue l'idée de la pochette du nouvel album?
MS: Pour être honnête, l'idée de la pochette a été pensé en 2 jours, à l'arrache, qu'on était pris par le temps entre la fabrication et la sortie du skeud. On a perdu du temps avec 2 autres pochettes qui ne nous convenait pas finalement. Pour celle du prochain album qui est en préparation, on prendra plus de temps.
HHC: Comment avez-vous accueilli les réactions à votre premier EP?
MS: Plutot bien, vu que les réactions ont été positives dans l'ensemble, aussi bien au niveau des vendeurs que des acheteurs. Après, c'est clair que c'est un univers particulier auquel on adhère ou on adhère pas.
TS: Coup de cœur de la Fnac, ça veut tout dire. Les réactions, on pouvait pas faire autrement que les accueillir. Et c'est souvent à grand coups de nunchaku au détour d'une rue sombre que l'on a savaté les auteurs de mauvaises critiques… Alors, tiens-toi à carreaux le journaleux, si tu veux passer Noël en famille! Non, plus sérieusement, il n'y en a pas eu des masses de réactions… Il faut dire qu'on n'est pas du tout connu par les gens ou la presse.
HHC: Quel regard portez-vous sur ce EP avec un peu de recul?
MS: Un peu sceptique, dans le sens où ce EP avait été fait avec plus de moyens que l'album et finalement avec moins de « senti » dans l'interpretation, les prises de voix ayant été enregistré en une seule journée en studio, sans forcément la conviction et la fraicheur des répètes. L'album, lui, a été conçu à la maison en autoprod et sans pression et du coup, il a gardé toute cette fraicheur des premières prises.
HHC: Terence, comment est-ce que tu t'es retrouvé à enregistrer un titre et à faire un clip dans le cadre de la bande originale du film "Zim & Co" de Pierre Jolivet?
TS: C'est grâce à une ordure dont on taira le nom, vu qu'elle visite actuellement les fonds de la Seine avec un socle de béton coulé au niveau des rotules. Tu vois ce que je veux dire, fouille merde!
HHC: Sinon, comment vous êtes vous rencontrés exactement?
TS: Sur une plage en automne. Mag portait un petit string rose bonbon. Intrigué, je l'ai abordé et il m'a fait un numéro stupéfiant : une série de scratches avec ses couilles, tout en se grattant le cul. Je me suis dit : "Ce mec là, s'il fait des sons, il va tout déchirer".
MS: Non, non, ça s'est pas passé comme ça. On s'est rencontrés il y'a 5-6 ans par l'intermédiaire d'un pote en commun. J'ai senti tout de suite que j'avais un bon produit à exploiter entre les mains. C't'histoire, ça sentait l'oseille à plein nez. Quelques mois plus tard, j'ai déchanté. La gloire n'était pas au rendez vous, du fait d'un certain manque de travail… J'ai lâché l'affaire. Et il y'a 4 ans, qui je revois frapper à ma porte? L'exécuteur, qui me suppliait de retravailler avec lui. Il s'était enfin rendu compte après avoir écouté plusieurs concepteurs que j'étais bien au dessus du lot. Il a enfin reconnu quel génie j'étais et, là, bon prince, je lui ai donné sa deuxième chance. (rires)
Un grand merci à la participation de Lordfunk, Ebteix, Gabriella, Sinbad L'Elegant, Bilka 47 et Julius a.k.a. Koulag sur cet album.
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