"Tragic Epilogue", "Shopping Carts Crashing", "The Ends Against The Middle" : chacune des sorties d'Antipop est un nouveau challenge sonore. Fruit de leur récente signature avec le label anglais Warp, ce "Arrhythmia" ne déroge pas à la régle... Ou plutôt si : il déroge à toutes les régles pré-établis du rap actuel.
Musicalement, Beans, M. Saayid, High Priest et Earl Blaize ont décidé cette fois d'ouvrir la porte à une électro mentale. Construite uniquement à base de synthés, de percussions acoustiques, de bruitages (balle de Ping Pong) et, à l'occasion, de violons ('Mega', 'Conspiracy Of Myth'), cette optique est très risquée mais s'avère étonnament payante. Les sons s'enchaînent, ne se ressemblent pas et ne tombent jamais dans la caricature. Tour à tour sombres ou sautillantes, les productions sont sublimement étranges et épatantes et confirment qu'Antipop à le style pour relever les paris les plus ardus. Néanmoins, si ce funk digital roule à merveille sur une dizaine de titres, il devient un peu fatigant à force d'expérimentation et l'album perd en conséquence un petit peu de son mordant vers la fin.
Pour ce qui est de la manipulation microphonique, pas de featuring au programme mais il y en a quand même pour tout le monde. Que ce soit la diction lente de Priest (proche du spoken word), celle élastique de Beans ou celle agressive de Saayid, les personnalités sont diverses, les styles complexes, les jeux de mots recherchés et l'interaction naturelle. Les rimes rebondissent avec aisance sur des rythmes pourtant bien atomisés par l'inimitable E. Blaize. Les textes sont moins barrés que par le passé mais on sent définitivement le bagage poétique des trois MCs qui s'expriment sur les ultra-abstraits 'We Kill Soap Scum' et 'Ghostlawns'.
Antipop continue donc à évoluer et à avancer mais "Arrhythmia" est paradoxalement l'album le plus accessible d'Antipop pour le fan de rap moyen. L'expérimentation est définitivement une constante ici mais le quatuor a su l'infuser à chaque morceau d'un petit quelque chose définitivement hip-hop pour plaire à tous. Au final, "Arrhythmia" est une victoire de plus pour le consortium. Tous les fans de la première heure seront comblés et les nouveaux venus à la table y trouveront leur compte.
Cobalt Avril 2002