Kimani

Kimani Rogers est un père de famille, un tiers de Masterminds, une moitié de Roosevelt Franklin et le fondateur et boss de Third Earth ; il y a plusieurs mois déjà nous prenions contact avec cet homme aux multiples casquettes pour s'entretenir un peu de ses différentes activités. Après quelques péripéties voici enfin les réponses à nos questions, cette interview ne colle pas à l'actualité la plus fraîche mais elle permettra au moins de vous introduire un peu ce personnage very busy… English version

Hip-Hop Core: Peux-tu nous raconter un peu les débuts des Masterminds?



Kimani: Tarik et moi étions à la fac ensemble. On vivait dans la même résidence, on aimait les mêmes disques. A l'époque, j'avais un show radio et il passait pour faire des freestyles. Au bout d'un moment, on a simplement décidé de faire un album ensemble.



HHC: Avec un peu de recul, quel est ton album des Masterminds favori?



K: Stone Underground Railroad Soup! En fait, je les aime chacun pour des raisons différentes et je ne peux pas en choisir un seul. A vrai dire, je ne les écoute pas vraiment donc je ne saurais même pas te dire. "Underground Railroad" était plus du boom-bap direct et "Stone Soup" était plus expérimental mais je pense qu'ils reflètent tous les 2 fidèlement la période à laquelle ils ont été fait.



HHC: J'ai lu que l'idée de base de "Stone Soup" provenait d'un conte de fée européen. Est-ce que tu peux nous donner un peu plus de précisions?



K: Ouais, il y a ce conte de fées appelé "Stone Soup" où un pauvre mendiant arrive à faire en sorte qu'une ville entière l'aide à faire une soupe délicieuse remplie de carottes et de patates avec juste une pierre. C'est de l'alchimie, faire quelque chose en partant de rien… et après nos ennuis avec Nu Gruv, on se retrouvait littéralement avec rien du tout. C'était un titre qui collait bien à la situation et à ce qu'on essayait de faire.



HHC: "Stone Soup" contenait pas mal d'éléments de politique et abordait quelques sujets sensibles alors que "Underground Railroad" était quasi-entièrement centré autour du emceeing pur. Qu'est-ce qui vous a donné envie d'être plus engagés?



K: On avait quelques chansons à thèmes sur "Underground Railroad" comme 'Day One', '2025' et 'Memories' mais c'est vrai que pour le reste on rappait sur des sujets rap pour ainsi dire. Personnellement, je veux bien "rapper sur le rap" mais j'ai mes limites. Je me retrouve plus dans des chansons sur les problèmes, la vie, qui parle des émotions et de la passion. Donc il y a eu une progression sur "Stone Soup", qui est aussi très évidente sur "Something's Gotta Give". La plupart des nouveaux titres parlent de quelque chose. Des choses auxquelles les gens peuvent se rattacher. Quasiment tous les membres de ma famille ont eu un engagement politique pendant toute leur vie, ont aidé la communauté et ont éduqué les autres… et c'est comme ça que j'ai été élevé. C'est clair que ça fait partie de moi. J'aime aussi boire du Jack Daniels et avant je baisais des filles blanches, ça fait aussi partie de moi. J'essaie de faire en sorte de trouver un équilibre entre tous ces éléments dans ma musique. J'avais le sentiment que les Masterminds commençaient à être mis dans la catégorie "rap politique" et je voulais être sûr qu'on en sorte un peu pour un moment. C'est pour ça que sur l'album de Roosevelt Franklin, en dehors de 'Troublearth', il n'y avait pas trop de coups de gueule politiques.



HHC: "Stone Soup" se distinguait aussi par son éclectisme musical, avec des influences qui allaient du reggae au rock seventies en passant par la musique électronique. Après le classicisme du premier album, pourquoi avoir changé si radicalement de son?



K: Je pense qu'on a simplement continué à ajouter des éléments à notre son. Quand on a fait "Stone Soup", je crois que dès le départ on a consciemment décidé de ne pas faire un "Underground Railroad 2". Que ce soit un bien ou un mal, je pense qu'on a réussi. Beaucoup d'artistes font toujours le même disque. Tu t'attends à ce qu'ils fassent quelque chose et ils le font… et ça ne dérange pas les gens. Mais je ne suis pas comme ça. Si je veux entendre "Underground Railroad", j'écouterai l'original et pas un remake ou une version alternative. Il se peut qu'on se soit un peu trop éloigné de ce que les auditeurs attendaient mais je m'en fous un peu. C'est de la musique. Je préfère prendre des risques et me planter que d'être ennuyeux. Et je pense que certaines personnes nous ont apprécié pour ce que nous avons fait. Cependant, ce n'est pas comme si on était parti en se disant: "Viens, on va faire un disque chelou". J'écoute des tas de trucs et au lieu de se dire: "Non, on ne peut pas essayer ça, les gosses vont se dire que c'est dingue", on a préféré se dire: "On aime ça, on s'en fout, on le fait".



HHC: Je dois avouer que j'avais vraiment beaucoup aimé "Stone Soup"… mais l'album est vraiment passé totalement inaperçu. Quel est ton sentiment à ce sujet?



K: Je pense que la plupart des trucs qu'on fait ici sont oubliés… On n'a pas les moyens de faire une grosse promotion et on n'est pas encore une vraie machine donc c'est lentement et souvent avec un peu de retard que les gens découvrent ce qu'on fait. On est encore un nouveau label. C'est le début de notre troisième année. J'apprécie de pouvoir faire des interviews comme celle-ci afin que plus de gens aient la possibilité de découvrir le travail de Third Earth.



HHC: Y aura-t-il un troisième album des Masterminds?



K: Peut-être.



HHC: Parlons un peu de Roosevelt Franklin et de ta relation avec Mr. Len…



K: J'ai rencontré Len sur un chat. Il faisait des battles de keystyles sous le pseudonyme de Freestyle Phanatic et il avait vraiment un pur style, mec. Il utilise l'astérisque comme personne. Il a donné naissance à ce truc, mec. Quoiqu'il en soit, un jour, on a décidé de faire un disque ensemble et c'est toute une histoire. C'était il y a 7 ans. Ca a pris tout ce temps depuis la fin de RapGuysWhoLikeButts.Com. C'était pas facile de mettre la main sur Len. Mais pendant que j'allais à mes réunions des alcooliques anonymes, Len était juste à côté en train d'essayer de traiter son addiction aux Skittles.



HHC: Tu peux nous rappeler l'origine de ce nom: Roosevelt Franklin?



K: Roosevelt Franklin était un Muppet de Sesame Street dans les années 70. C'est aussi le premier disque sur lequel Len a scratché quand il était jeune. Ma fille adore ce disque d'ailleurs. C'est un putain d'album.



HHC: Pourquoi les Muppets?



K: J'ai un fétiche. Les filles adoraient quand j'enfilais mon costume d'animal et que je sautais partout dans la chambre avons qu'on fasse l'amour… alors je me suis dit: "Pourquoi ne pas traduire ça dans notre musique?" (rires)



HHC: Que comptiez-vous accomplir avec ce side-project comparativement à ce que vous faites dans vos carrières respectives, Len et toi?



K: Personnellement, je voulais faire un disque qui sonnerait totalement différemment d'un album des Masterminds. Je veux dire, c'est la première fois que j'ai l'opportunité d'écrire un album entier tout seul, de ma propre perspective. Pour le pire et le meilleur, voilà ce qui est arrivé. Avec cet album, j'espérais être disque de caoutchouc, si tu vois ce que je veux dire…



HHC: Pourquoi avoir opté pour une production très minimaliste et funky?



K: Je pense que c'est ce type de production qui nous a choisi. Ou alors c'est pour les filles.



HHC: Comment as-tu commencé à t'impliquer dans le rap?



K: Est-ce que je suis impliqué dans le rap? Et bien, si je le suis, c'est à cause de Run DMC.



HHC: Quels sont les disques indispensables à tes yeux?



K: Michael Jackson "Thriller" et Prince "Purple Rain". Si tu as ces 2 albums, tu es verni.



HHC: Est-ce que tu as de nouvelles collaborations en vue actuellement?



K: Avec Len, on vient de commencer à travailler sur le prochain album de Roosevelt Franklin. Ca sortira d'ici cet automne. C'est le seul truc sur lequel je travaille en ce moment mais je pense que Len travaille sur 15 milliards d'autres projets de son côté.



HHC: Tu as fait une tournée américaine en Janvier. Qu'en est-il de l'Europe? Ca te dirait pas de venir faire quelques concerts par chez nous?



K: Je n'ai jamais fait de tournée européenne et j'aimerai bien avoir l'occasion de le faire avant d'avoir arrêté de rapper… Donc j'espère pouvoir faire ça cette année…



HHC: Quels sont les projets de Third Earth sinon?



K: Et bien, depuis le début de 2004, on a sorti l'album de The Sound Defects qui est un trio d'Indianapolis qui a fait un album instrumental sacrément funky à base d'instruments live et de samples. Sinon, Dujeous, un groupe composé de 7 membres: 3 MC's, un batteur, un guitariste, un bassiste… On a sorti leur premier album "City Limits". Je connais ces gars depuis toujours et leur album est fabuleux. J'espère qu'il sera multi-platine. Sinon, on va sortir Ela, notre premier projet de rock indé et ensuite l'album de The Others "Past Futuristic" (ndlr: depuis la réalisation de cette interview, ces projets ont atteint les bacs). On a des projets en stock pour la fin de l'été et cet automne… Le prochain Roosevelt Franklin devrait bientôt être terminé et on va faire une tournée avec les artistes Third Earth: Roosevelt Franklin, Dujeous, Oddjobs et d'autres, dans le courant de l'automne.



Propos recueillis par Dext
et traduits par Cobalt
Questions de Dext & Cobalt
Mai 2004

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