Brad Hamers

Les graines plantées par Anticon il y a quelques années commencent à montrer leurs premières pousses prometteuses. Celles d'un rap "blanc" introspectif et pessimiste, plus inspiré par la pop, le post rock ou la scène électronique que par le folklore du hip hop mainstream. Brad Hamers est un de ces dignes héritiers et nous a livré cette année avec "The Cut-Ups of a Paper Woman" un compagnon de déprime idéal au "Tenth Street and Clarence" de Soso. Entrevue à la hauteur du personnage. English version



Hip-Hop Core: Présente-toi aux lecteurs et raconte-nous où et comment tu as grandis...



Brad Hamers: Salutations... Je suis fauché... Mon nom est Brad Hamers... J'écris et je compose de la musique. Je suis né dans le New Jersey, j'ai grandi à New York, à une heure environ au nord de la ville... J'ai déménagé, je suis revenu... Et j'habite actuellement à New York, à une heure environ au nord de la ville.



HHC: Qui sont les membres de Three Sides Of a Circle? Comment les as-tu rencontrés?



BH: Three Sides Of a Circle s'est formé autour de trois personnes, des amis et des amoureux de la même musique. C'était Slomoshun, Big Moses et moi-même. A l'époque je faisais pas mal de poésie live. On a lancé 3SC en 2000 comme boîte de production, pour organiser ce genre de shows. Peu de temps après on a commencé à faire de la musique sans Moses... Nobs à commencé à se lancer dans la musique à nos côtés... Slomoshun a produit son premier album. On a rencontré Nobs lors de notre premier concert. Mais en ce moment... C'est surtout moi. Je n'ai pas vraiment d'argent pour sortir des albums d'autres artistes ou quoi que ce soit pour l'instant.



HHC: On te connaissait en tant que moitié de Phlegm aux côtés de Slomoshun. Tu sors maintenant ton premier album solo... Y'a-t-il une différence en terme de musique ou de sujets entre les deux? Y'aura-t-il un autre album de Phlegm?



BH: Eh bien... Phlegm était en fait le nom d'un duo, Slomoshun le beatmaker et moi-même. Phlegm était le nom que nous partagions. Il faisait tous les sons sur nos albums. Ma dernière sortie est quasi-entièrement auto-produite, c'est pour cela que je n'ai utilisé que mon nom... Et... Je ne suis pas du tout sûr qu'il y ait un autre album de Phlegm... Probablement pas en fait. Bien qu'il existe quelques morceaux inédits et non mixés qui traînent quelque part.



HHC: Tes textes sont assez difficiles à décrypter mais pour ce que j'en ai compris, la solitude semble en être le thème principal, ou du moins le point commun entre la plupart des morceaux de "The Cut-Ups of a Paper Woman". Utilises-tu ces morceaux comme un exutoire, une façon de te sentir mieux? Ne crains-tu pas de sombrer dans l'auto-complaisance?



BH: Oui... Mes chansons ont clairement un effet thérapeutique sur moi... Et elles sont totalement auto-complaisaintes. Tout est masturbatoire de nature, l'art en particulier. Mais ça n'est pas un problème pour moi, le mot 'égoïste' n'a pas une connotation négative à mon goût. La solitude me convient à tous les niveaux... Et c'est un des thèmes principaux de "The Cut-Ups of a Paper Woman".

La musique dans ce registre émotionnel a toujours eu plus d'impact sur moi. J'aimerai que la mienne soit une sorte d'ébauche... Un courant d'air qui passe par la fenêtre, quelque chose qui pousse les gens à s'habiller plus chaudement... Et qui fait changer le son de la pièce doucement... Ou soudainement.



HHC: Comment écris-tu tes lyrics généralement? As-tu un rituel, un endroit favori, un moment favori?



BH: J'écris souvent... Pas de façon constante à vrai dire, plutôt quand l'envie me prend. La plupart du temps dans mon appartement, sur mon ordi, une machine à écrire ou avec un stylo et un calepin... Et le plus souvent de nuit ou en soirée. Mais c'est à cause de mon job. Je peins et j'assemble des cercles sur une chaîne de montage quasiment tous les jours... Je rends des mecs blancs et riches encore plus riches.. . Une boîte en carton... Un couteau... Et j'échange de fausses poignées de mains. Et pas question de vomir… Mais je crois que je préfère écrire tôt le matin en fait. Et je le fais les jours où je suis malade. Il n'y a pas vraiment de rituel, juste le rituel de l'écriture en soi... Je laisse juste les mots s'échapper de moi.



HHC: Il semble que la politique soit une source intarissable d'inspiration pour les rappeurs... Que penses-tu de ce genre? Serais-tu attiré par l'écriture de textes "conscients"?



BH: Je pense que c'est important, provocateur... Et potentiellement subversif, ce qui est absolument fabuleux. Je ne pense pas que toutes les musiques "conscientes" soient bonnes cela dit, mais certains le font très bien. J'aime beaucoup ce que fait Sole. Et en ce qui me concerne, j'ai quelques textes dans ce style... Chaque album a quelque chose... Et pas mal de trucs apparaissent au beau milieu d'un morceau qui peut parler de tout à fait autre chose... Ca ressort toujours... On baigne dedans... C'est toujours là... C'est beaucoup plus insidieux dans les projets sur lesquels je travaille en ce moment, ou sous une forme différente. Mon écriture semble s'orienter plus dans ce sens en ce moment. Ecoutez 'Pickpocketed Memory Clip' sur "The Cut-Ups", et les morceaux de Phlegm...



HHC: Tu sembles avoir des goûts assez pointus et éclectiques en matière de musique... Quels sont les albums qui ont eu un impact sur toi?



BH: Voilà une liste d'artistes et d'albums qui m'ont inspirés, sans ordre spécial. Ce n'est pas exhaustif, c'est juste ce qui me vient à l'esprit:

Neutral Milk Hotel - In The Aeroplane Over The Sea
Dose One - tout ce dans quoi il est impliqué
Subtle - A New White
Radiohead - Kid A... En fait Radiohead en général
Fog
Xiu Xiu
Frog Eyes - The Folded Palm
Bob Dylan
Why? - Oaklandazulasylum
Joanna Newsom – The Milk-eyed Mender
Set Fire To Flames - Sings Reign Rebuilder
Godspeed You Black Emperor
Animal Collective
Fiona Apple
Leonard Cohen
Björk
Sole
Aphex Twin - Come To Daddy
The Books





HHC: As-tu déjà entendu parlé d'artistes comme Soso, Alias, Cavemen Speak? Si c'est le cas aimes-tu ce qu'ils font?



BH: En fait j'ai déjà bossé avec les Cavemen Speak plusieurs fois... J'ai fait trois-quatre morceaux avec eux et j'apprécie leur musique. J'aime aussi beaucoup ce que fait Alias, j'écoute beaucoup Anticon... Par contre j'ai entendu parler de Soso mais je ne crois pas avoir eu l'occasion d'écouter ce qu'il fait jusqu'ici.



HHC: Qui sont Just Like Us et comment les as-tu rencontré?



BH: C'est un groupe australien qui fait de la superbe musique... Je ne les ai jamais rencontré en personne, on ne communique que par internet. Ils m'ont envoyé un mail un jour en me demandant si je voulais faire une collaboration avec leur groupe, c'est comme ça que je les ai connu... Ils m'ont envoyé des sons, je les ai bien aimé et j'ai dit oui... Ma participation à leurs projets n'a pas encore pris forme jusqu'ici mais au lieu de ça ils ont produit le morceau 'Cliff Notes' sur "The Cut-Ups", que je trouve excellent. Et en ce moment on prépare un EP ensemble. On n'en est qu'aux prémisses, il est à peine commencé, mais je suis très enthousiaste.



HHC: Parlons un peu du débat interminable pro/anti téléchargement gratuit... Il semble que ce soit un outil très utile pour des artistes confidentiels comme toi pour avoir une exposition à plus grande échelle... Je dois avouer que j'ai d'abord downloadé "The Cut-Ups" avant de l'acheter sur ton site... Qu'en penses-tu?



BH: Je pense que le téléchargement est une super chose... C'est un moyen efficace de promouvoir d'une autre façon l'art local qui mérite d'être entendu et je donnerais toutes mes chansons gratuitement sans problème si je n'étais pas obligé de gagner de l'argent pour maintenir mon train de vie... Il faut reconnaître que le téléchargement fait aussi du tort aux artistes indépendants comme moi dans ce sens... Pas mal de tort... Je suppose que si tous les gens qui ont downloadé mes albums les avaient acheté à la place, je serais capable de payer mon loyer... Ou peut-être que je n'aurais plus besoin de gaspiller mon énergie dans des petits boulots et que je pourrais me consacrer entièrement à mon art.



HHC: Un vaste sujet maintenant : les choses que tu aimes et celles que tu détestes dans le hip hop.



BH: Pour être honnête je n'écoute quasiment plus de hip hop... Ca ne me touche plus vraiment. Enfin, pour la majorité des trucs que j'entends. Bien que ce soit le style qui m'ait fait tomber amoureux de la musique à la base. Ca restera donc toujours en moi, et ça fera partie de ma musique. La plupart des choses que j'écoute possèdent quand même des aspects du hip hop, mais par rapport à ce qui se passe au niveau mainstream, et même la plupart des trucs underground en fait... Tout ça ne me parle plus... Cela dit c'est pas bien grave parce qu'il sort plein d'excellentes choses par ailleurs.



HHC: Quelles sont tes ambitions par rapport à ta carrière musicale? As-tu un job à côté? Que fais-tu de tes journées?



BH: J'adorerais ne vivre que de ma musique. J'espère y arriver un jour, le plus tôt possible... Pour l'instant, ça met un peu de beurre dans les épinards mais ça ne paie pas les factures. J'ai donc un travail, malheureusement, que je fréquente plus que de loisir. Je n'ai pas envie d'accumuler une immense fortune, juste de quoi être à l'aise... J'essaie de me préserver du consumérisme autant que possible. Je n'ai ni besoin ni envie d'avoir des tas de trucs à moi... Le système économique boursouflé dans lequel on vit finira par craquer... Un peu partout... Le capitalisme simulera sa propre mort et changera de nom... Je suis impatient de voir le chaos et la confusion que cela provoquera.



HHC: Où te vois-tu à cinquante ans?



BH: Je ne me vois pas à cinquante ans.



HHC: Quels sont tes projets à venir? Des sorties vinyles? Une tournée en Europe?



BH: Je bosse actuellement sur quelques projets :

1. Le plus avancé d'entre eux est le EP avec le musicien/producteur Panzah Zandahz qui sortira sur son label Token Recluse. Le projet comportera aussi un accompagnement visuel pour chaque morceau (photos, film, etc.)... du moins, c'est ce qu'on pense faire. Ca ne ressemblera à rien de ce que j'ai fait jusqu'à présent... Je suis assez excité par ce que ça donne jusqu'ici, j'ai vraiment hâte de voir le résultat final. Il est possible que l'on fasse quelques concerts ensemble dans un futur proche...

2. Ensuite il y a un livre, une collaboration avec Jen Griffo, l'artiste qui réalise toutes mes pochettes... Ca s'annonce très bien... On n'a pas encore de date de sortie, mais on va essayer de le faire publier, d'avoir une bourse ou de se faire aider pour le sortir... Ce projet va coûter pas mal d'argent à réaliser, du moins si l'on veut que ce soit bien fait. C'est quelque chose qu'il nous faut prévoir...

3. Une autre collaboration, le EP avec le groupe australien Just Like Us. Ce projet en est à sa phase embryonnaire... Et je pense qu'on va faire de très belles choses ensemble...

4. Et enfin mon prochain album solo, qui commence à prendre forme.

5. En fait... Il y a un autre projet en préparation... Ce sera plus une sorte de spectacle ou quelque chose de la sorte. Un intervalle occupé avec de la matière spatiale multifonction et... un peu de propagande pour le capitalisme... Un carn-a-val-mais-pas-du-tout (ndlr: jeu de mot intraduisible)

Espérons que tout ça verra le jour... Et probablement du vinyle bientôt... Et j'adorerais tourner en Europe... C'était supposé se faire à plusieurs reprises mais sans succès... On verra.



HHC: Ok, merci pour tes réponses... Un dernier mot?



BH: RECHERCHE!! : Homme/Femme Blanc Riche Excentrique… Pour me donner de l'argent... Pour subventionner mes éjaculations artistiques... Je n'arrive pas à payer mon loyer.

Love, Brad Hamers.



Propos recueillis et traduits par Pseudzero
Janvier 2006

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