La carrière de Mr Live est faite de difficultés, de vaines espérances, d'efforts tronqués. Une carrière en dents-de-scie qui commence à l'aune des années 90 avec son groupe Blacrain. Très vite le groupe signe chez Profile, une signature inconséquente qui bloque le groupe et finit par avoir raison de sa cohésion. Pour autant, le groupe avant de rendre l'âme, aura eu le temps de se tailler une solide réputation à New-York en ouvrant pour Pete Rock & CL Smooth, Gangstarr, Rakim, Leaders Of The New School, Naughty By Nature et bien d'autres… Mr Live alors appelé Jay Live se lance en solo. Il écume les open mic et collabore étroitement avec Tony Bones d'une part, et Vibe Kameleonz d'autre part. Ce sont les seconds qui l'amèneront à tourner pour la première fois en Europe. A son retour, il découvre qu'il n'est plus le seul J-Live en ville. On est en 95/96 et Mr Live n'a encore gravé aucun morceau. C'est Bobbito Garcia qui lui en donnera l'occasion en signant sur son label Fondle'Em, le maxi 'Supa Dupa'. La carrière de Mr Live incarne un paradoxe qui l'a poursuivi pendant dix ans et l'a sûrement handicapé tout ce temps : celui de ne vouloir souscrire à l'idée de faire des compromis en même temps qu'il revendique une certaine orthodoxie rap qui le tient à l'écart de la scène indépendante émergente et dans laquelle il ne se reconnaîtra que partiellement. En l'espace d'une décennie, Mr Live n'aura gravé que six maxis et affiché de trop rares apparitions notamment sur l'album de Mr Len de Company Flow "Pity The Fool". En 2004, il signe sur le label français Ascetic Music et annonce son premier album intitulé initialement "Drama". Il faudra attendre 2007 pour que celui-ci ne voie le jour avec pour titre "The Bang Theory". "The Bang Theory" semble ponctuer cette décennie et offrir une vision plutôt honnête du MC. C'est un album au carrefour du passé et du présent, du rap orthodoxe et de son versant plus expérimental, des sonorités boom bap et plus mainstream. Si ses apparitions sont trop rares, Mr Live semble afficher une productivité déconcertante puisqu'il compte près d'une centaine de morceaux dans ses tiroirs dont plusieurs projets avec Anti-Pop Consortium, Mr Len et Tony Bones jamais sortis à ce jour. Et puisque Mr Live n'en est pas à un paradoxe prêt, il annonce la sortie d'un deuxième opus dans les mois à venir, histoire de rattraper le temps perdu. English version
Hip-Hop Core: Pourquoi as-tu mis si longtemps pour sortir "The Bang Theory"? Il devait s'appeler "Drama", pourquoi as-tu décidé de changer pour choisir "The Bang Theory"?
Mr Live: Hé bien, tu sais, entre le moment où nous avons fait l'album et le moment où il a réellement vu le jour, il s'était passé beaucoup de choses, beaucoup de changements dans ma vie privée. J'ai donc changé le titre par rapport à ce qui était prévu au début. L'album devait représenter des situations du passé, du présent et du futur où l'on touche de près toutes les choses que nous voulions faire par le passé, celles qu'on fait actuellement ainsi que la façon dont nous imaginions ce que le hip-hop pourrait être aujourd'hui. Au fond, le titre évoque ce qui fait qu'un morceau défonce, qu'il tape, que c'est de la bonne musique... On a essayé de mettre de quoi satisfaire tout le monde, tout en présentant notre vision de la musique. L'intégrité des paroles n'est jamais compromise. Tu as de l'underground, ce que certains pourraient appeler du mainstream aussi. Nous pensons vraiment que c'est un hip-hop vraiment évolué. Et nous avons aussi des moments plus futuristes, des trucs plus expérimentaux. Pour résumer, "The Bang Theory" c'est juste ce dont on parle, ton idée du "bang", ce qui tourne dans ton lecteur CD ou quoi que ce soit d'autre.
HHC: A la base, je pensais que ça avait quelque chose à voir avec la création du Monde? Comme la théorie du "Big Bang"?
L: C'est pour ça que nous n'avons pas mis The "Big" Bang Theory. Ca n'était pas vraiment une création. C'est comme quand tu parles d'une théorie, c'est surtout l'idée de quelqu'un sur la réalité des choses. Certains disent que l'underground est le seul truc qui vaille le coup ou à l'opposé que le mainstream est la seule issue possible. Les artistes ne font plus de musique, ils n'ont plus la capacité d'être authentiques. Les labels disent "Nous avons besoins de ceci" et le public "Nous voulons écouter cela". Ca n'est pas les principes avec lesquels j'ai grandi. Et toute la musique que j'ai écoutée a beaucoup de choses à offrir. La musique devrait être universelle, avoir différents messages. Si tu vis dans un quartier hip-hop, dans un endroit pauvre, peut-être que c'est la galère mais même au Brésil ou au Soudan, ils ont des moments de joie. Ils ne peuvent pas parler uniquement de meurtres et de crimes, de faire de l'argent et d'aller dans les clubs... La vie est faite de choses très différentes.
HHC: As-tu modifié les beats du projet initial ou as-tu simplement rajouté quelques morceaux au fil du temps?
L: Pendant la création de l'album, nous avons perdu contact avec pas mal de producteurs avec lesquels nous travaillions par le passé, donc beaucoup de morceaux ont été modifiés pour ne pas avoir à les utiliser sans leur permission. Quand nous avons commencé à assembler l'album, un message s'est peu à peu dessiné, une sorte d'ordre du jour commun. A l'origine, ce disque ne devait être qu'un prélude, une sorte de buffet offert aux anciens fans de Mr Live, un repas que les fans plus récents de Mr. Live pourraient peut-être aussi apprécier. C'était une sorte de combinaison.
HHC: Qu'en est-il des lyrics? As-tu aussi changé certains couplets en cours de route, pendant cette longue période de gestation?
L: Aux Etats-Unis, beaucoup de rappeurs ne parlent pas de leur environnement social à moins que celui-ci se trouve dans un club, ils ne parlent pas d'économie si ce n'est pour dire qu'ils sont riches! Quand nous avons commencé à monter l'album, j'avais voulu faire passer quelques messages et parler des choses qui sont importantes pour moi. Je suis un adulte, j'élève un fils de 12 ans et je vais travailler tous les jours. Je vois donc ce qu'il se passe dans les rues, je sais ce qui est et ce qui n'est pas. Le hip-hop aujourd'hui,...je n'ai même plus envie de l'appeler hip-hop. Le rap aujourd'hui, c'est devenu un endroit où tout le monde est riche, tout le monde va dans les clubs et où on passe sa journée à boire et à baiser, à traîner avec des top modèles... mais ça n'est pas ça du tout. Il y a la politique et les problèmes sociaux qui détruisent notre manière de vivre. Pour les Afro-américains, c'est n'importe quoi parce que maintenant nous vivons comme n'importe quel Blanc américain. Certains s'achètent des voitures à 80.000$ alors qu'ils ne gagnent que 30.000$ par an, c'est dingue. Le système de valeur est totalement brouillé. Je voulais avant tout démontrer qu'être un MC, c'est écrire des chansons, et c'est ce que tu trouveras en majorité sur "The Bang Theory". '20 And 1' est une histoire marquante. Sur '4 More Years', j'apporte quelques informations à l'auditeur sur le régime Bush. On retrouve ça de moins en moins sur album parce que les compagnies de disques veulent t'entendre freestyler toute la journée à propos de rien, à propos de trucs que je ne possède même pas, à propos de voitures et de bijoux qu'ils ont loué pour une vidéo et que je ne verrai jamais dans ma vie... C'est juste la réalité des choses que je voulais un petit peu exposer à travers ces morceaux.
HHC: A propos de politique, je crois qu'il y a des élections l'année prochaine aux Etats-Unis. Comment vois-tu le futur?
L: Rien ne changera. Je crois que nous aurons cette fois-ci une femme ou un homme afro-américain candidat mais... Nous tous, en tant que société, en tant qu'américains, nous ne sommes pas suffisamment impliqués dans les questions politiques pour pouvoir y changer quoi que ce soit. Donc les gens qui détiennent le pouvoir comme Bush ont décidé eux-mêmes: "Ouais, je veux re-signer pour 4 années de plus, je peux le faire" ; "Je veux gagner les élections, je peux le faire" ; "Je veux continuer la guerre en Irak, et ce même si les gens ne sont pas d'accord"... Ils dépensent tout cet argent dans des armes alors que nous avons dans notre propre pays des tas de maladies et de problèmes sociaux que nous devons combattre. Ils sont assis dans leurs bureaux et ils tuent notre jeunesse à l'autre bout du monde. On est là-bas pour mettre la main sur ces pétrodollars. Saddam Hussein est mort, Ben Laden se la coule douce probablement quelque part en France, à boire du vin tranquillement. Tout ce qui se passe actuellement va engendrer une autre génération de gens qui n'aiment pas le capitalisme, qui n'aiment pas la politique étrangère des USA… J'étais vraiment d'accord quand la France a dit : "Nous ne sommes pas avec vous, nous faisons ce que nous avons besoin de faire". J'étais d'accord avec ça.
HHC: As-tu un peu suivi l'élection présidentielle française?
L: Pas beaucoup. Quand j'étais dans le coin, j'avais suivi celle avec Chirac et Le Pen. Et j'ai été vraiment surpris de voir à quel point Le Pen était un sale type, j'ai été choqué et j'ai vu une espèce de ressemblance entre lui et Bush. Mais je n'ai pas suivi la politique française depuis 2003.
HHC: Comment as-tu travaillé les beats de ton disque, comment les as-tu choisi? Demandes-tu à un producteur de travailler sur un type de son en particulier?
L: Hé bien, nous travaillons dessus, simplement. On travaille sur des beats toutes les semaines. J'ai un groupe de quatre ou cinq producteurs avec lesquels je travaille et ce sont mes potes. Il y a Steelo qui a beaucoup bossé pour C-Rayz Walz ainsi que quelques trucs avec El-P, Can Ox, ce genre de choses. Ves, avec qui je travaille depuis un bail, Big Trap qui a fait 'Crossroads' et 'Step It Up'. Chacun de ces gars est dans un trip différent. Les sons d'Earl (ndlr: Earl Blaize) c'est la crème, dans le genre futuriste. Quand j'ai besoin d'un beat plus "underground", je vais voir du côté de Steelo ou Trap. Quand je veux un feeling plus "nineties", je demande à Ves. Je suis un MC underground qui aime les beats durs donc j'aime les sons underground sales type 1995. Mais encore une fois, j'aime la diversité et quand j'écoute trop de trucs qui se ressemblent, j'aime changer de style.
HHC: 'Make It Rowdy' est un titre qui a déplu à pas mal d'auditeurs de la scène underground. Dans le même temps, les personnes en question peuvent écouter du Neptunes et de nouveaux styles de production sans que ça leur pose problème. Quel est ton sentiment sur ces gens qui rejettent certains types de sons lorsqu'ils proviennent de l'underground alors qu'ils s'y font et les adoptent rapidement quand ils sont estampillés mainstream?
L: Mon truc c'est de ne jamais rejeter les opinions d'autres personnes et je ne pense pas pouvoir réaliser un jour un album sur lequel tout le monde appréciera tous les morceaux. Si je fais un album qui sonne "underground" tout du long, peut-être que certaines filles ou certains mecs qui aiment les sons plus coulants n'accrocheront pas. Si j'aime un morceau, je le fais. C'est aussi simple que ça. Je ne vais pas dire: "Oh ce son est trop mainstream ou trop underground ou trop putassier, comme ces trucs de gangs"... Je ne veux vraiment pas être piégé dans l'underground et, dans le même temps, je ne veux pas être considéré comme un artiste mainstream mais je me rends bien compte que ça peut-être une sorte de contradiction. C'est comme Cee-Lo, il n'a pas forcément pensé à ses fans de Goodie Mob, il a juste eu envie faire de la bonne musique. Je m'efforce seulement de créer de bons morceaux, du moins c'est ce que j'essaie de faire.
HHC: Tu as parlé d'Earl Blaize tout à l'heure. As-tu déjà eu envie de collaborer avec les gars d'APC?
L: Je connais Earl depuis un bon moment. On s'est rencontrés dans les années 90. Nous avions fait des concerts ensemble. Priest était en solo à cette époque. Shä-Key venait de sortir un album et c'est là que j'ai rencontré Beans. Sayyid est arrivé bien plus tard. Mais quand je faisais mon truc, on ne se complimentait pas, ils faisaient autre chose. Mais ça reste des potes, je les aime. Mais ce qu'ils font et la façon dont ils le font ne colle pas trop avec ma personnalité, nous ne sommes pas dans les mêmes délires. Si tu écoutes 'Lemon Face', tu trouveras un peu du style d'APC. Pas au niveau des textes, parce qu'on a des styles très différents, je ne pourrai jamais écrire des trucs qui partent dans tous les sens, mais en terme de but ou de sujet. Je ne pourrai pas en être plus proche de toute façon. Ce morceau, c'est un peu un hommage à APC et à leur style de musique. Earl et moi avons fait cinq ou six morceaux dédiés au son d'APC parce qu'il a pas mal de fans. Mais comme je disais, Priest est mon pote, j'aime Beans, et Sayyid est un gars cool.
HHC: On a entendu parler d'une réunion d'APC... (qui est désormais officielle)
L: Ouais, ils parlaient de se remettre ensemble pour enregistrer quelques trucs. Priest a sorti un truc il y a peu (cf. l'album "Born Identity"), Sayyid il y a un peu plus longtemps (cf. sa mixtape "Twilight Zone"). Ils voulaient que l'on enregistre ensemble, je leur ai dit que ça pourrait se faire, j'essaierai.
HHC: Comment as-tu rencontré Bobbito Garcia? Etes-vous toujours en contact?
L: Ouais, c'est mon pote. A la base, c'était dingue parce que tout est parti de Breezly Brewin' des Juggaknots. On évoluait dans les mêmes cercles. Un jour, Breez devait aller chez Bobbito et il m'a invité à venir avec lui. Et c'est comme ça que Bobbito et moi nous nous sommes rencontrés. Il y avait aussi ce club où nous avions l'habitude d'aller vers 95/96/97, le Nuyorican Poets Cafe. Bobbito animait souvent les soirées là-bas et je le voyais donc 2 ou 3 fois par mois. Je lui refilais souvent des morceaux à faire tourner durant son show mais il ne l'a jamais fait! Avec Bobbito, c'était soit tout blanc soit tout noir: si Bob aime un truc, il le joue, sinon non. C'est d'ailleurs à la même époque que je suis venu en Europe pour la première fois, vers 94/95. Je voulais tout arrêter, arrêter de rapper. Tout le monde était sur des trucs "gangsta" et moi j'essayais de sortir un peu de ça. J'avais fait du business dans la rue moi aussi, mais je n'en étais pas fier. J'ai donc donné à Bobbito ma dernière démo et il l'a aimé. Il m'a même dit: "Hey, je veux sortir ça!". Et moi: "Quoi?! Bordel!". Je n'étais pas vraiment intéressé par le hip-hop indépendant à cette époque parce que tout ceux qui se trouvaient dans ces labels indépendants, je ne les aimais pas du tout. Mais le truc a bien marché et ça m'a fait plaisir.
HHC: Il y eu une sorte de hype autour de Fondle'Em Records à une époque et ça a subitement disparu. Que s'est-il passé?
L: C'était la façon de faire de Bobbito. Il n'était pas un gars de major, il ne voulait pas faire des clips. Bobbito essayait de monter son label à l'ancienne, comme à l'origine. Il ne s'est pas forcé pour faire la nique à l'industrie du disque. Nous étions tous fatigués par l'industrie mais Bobbito l'était encore plus. Il a fait connaître quelques personnes, sorti quelques trucs et il a simplement laissé tomber au bout d'un moment. J'étais revenu le voir un peu plus tard avec de nouveaux morceaux en lui demandant s'il était partant pour les sortir et lui m'avait répondu : "Non, je ne veux pas." Et moi: "Mais c'est meilleur que 'Supa Dupa'!". Tout le monde disait que ça défonçait et lui m'avait répondu: "Sors le toi même!"... "Ouais! T'as raison!". Quand il m'a dit non, je me suis dis "Merde, c'est fini, je ne pourrai plus jamais rien sortir." Mais j'admire vraiment Bobbito, il m'a montré la voie et m'a mis le pied à l'étrier.
HHC: Qu'est ce que tu penses du hip-hop de New-York, aujourd'hui? Il y a eu une époque où c'était l'avant-garde et où tout démarrait de NYC.
L: C'est de la merde! Laisse moi clarifier les choses. Ce qu'on représente comme le hip-hop de New-York, ça n'en est pas. Et je ne dis pas qu'il n'existe pas d'artistes new-yorkais qui font du bon hip-hop. Je dirais même qu'il y'en a tout autant que par le passé. Mais c'est juste très difficile de sortir la tête de l'eau là-bas, de se faire entendre. Les maisons de disques et les stations radio ne jouent pas la vraie musique. A vrai dire, tout au départ, ils n'en jouaient déjà pas vraiment. C'est juste que certains artistes ont réussi à sortir des disques. Nous avions la chance d'avoir les émissions radio de mecs comme Bobbito et de bonnes mixtapes, c'est grâce à ça que certains artistes sont sortis. Désormais, comme le hip-hop est censé engendrer beaucoup d'argent, on entend beaucoup de merde. Parce que les gens n'ont pas les couilles de créer leur propre musique et qu'ils parlent de trucs matérialistes, de nanas qui bougent leurs culs, de conneries qu'ils n'ont même pas. Il y aurait besoin d'un équilibre plus juste. D'accord pour qu'ils passent ces trucs, mais qu'ils jouent aussi ma musique, celle des Juggaknots, celle de Mr. Len… Il y a beaucoup de bonne musique qui n'est pas entendue. Je ne prétends pas vouloir me retrouver dans ce genre de situation, c'est mauvais. C'est pourquoi je concentre mes efforts sur les marchés étrangers. Même si c'est un peu la même chose là-bas, il y a au moins un public qui écoute de la bonne musique et qui suit ce qui se passe.
HHC: As-tu rencontré J-Live récemment? S'il t'avait proposé une collaboration, aurais-tu accepté?
L: C'est une histoire intéressante. Un jour où je revenais de France, je me suis rendu compte que quelqu'un avait le même nom que moi. Bordel, personne d'autre ne peut avoir le pseudo de J-Live! Je me suis mis à écouter ce qu'il faisait et il déchirait, il commençait à être connu. Et je me disais "Dégage de là, il n'y a personne d'autre à New-York qui fait de la musique et qui s'appelle J-Live!" Je n'avais pas sorti d'album mais j'étais sur la scène underground. Je faisais partie d'un groupe qui s'appelait Blacrain, tout le monde me connaissait mais uniquement à travers ce groupe. J'avais donc donné à ce mec le bénéfice du doute et j'étais allé le voir de manière tout à fait calme. "T'as mon nom, fiston. Il va donc falloir qu'on se fasse un battle parce que c'est mon nom que tu as." J'étais dans le show de Bobbito, dans le show de Stretch, dans le show d'Eclipse et tout le monde dans l'underground savait qui j'étais. Le mec me disait "Tu n'es pas le vrai Live." Je le considérais comme un bon MC mais j'allais l'avoir... Et il a continué à me faire face! Il y avait eu un petit article sur lui où il disait à propos de moi "J'ai entendu parler de ce mec et je suis prêt." Voilà d'où est parti ce beef. J'ai donc parlé à ce mec après ça: "Ecoute mec, si tu ne veux pas faire ce battle, pas de soucis, ne le fais pas! Mais ne dis pas dans la presse que tu es prêt à m'affronter. Donc je ne veux plus voir mon nom dans un article te concernant et si quelqu'un te demande, réponds simplement que tu ne veux pas faire ce battle." On se rencontra devant un club un jour et je lui dis: "Ecoute mec, il n'y a pas de violence. Je suis venu à trois de tes shows et j'aurais pu en finir à ce moment là. Mais il ne s'agit pas de violence, il s'agit de hip-hop. Je veux juste faire ce battle. Si tu veux le faire, nous pouvons faire un morceau. Je n'écoute pas ton passage, tu n'écoutes pas le mien. On fait cette battle sur un même morceau et on laisse le public décider." Il ne s'est jamais montré, jamais. Les gens me disaient donc que j'avais du l'effrayer. Je ne suis pas un gars violent mais tout le monde connaissait ma réputation dans la rue. Le hip-hop a été une issue de secours pour moi, ça m'a permis de m'éloigner de la rue.
HHC: Au final tu n'as jamais enregistré ce morceau avec lui?
L: J'en ferais un avec lui aujourd'hui s'il voulait, pas de soucis. Je n'ai aucune animosité envers ce mec.
HHC: Tony Bones et Shä-Key sont sur ton album. Est-ce que vous avez prévu de faire de nouveaux trucs avec Vibe Kamelonz et 88that'smyname?
L: Bones et moi avons tous ces trucs dans une pile... C'est vraiment un artiste très très talentueux. Il doit sortir deux lignes de vêtements, Local Strangler et Corner Store Hero. Et nous allons aussi sortir un petit EP en même temps. On va faire les choses bien. Nous avons déjà réalisé trois morceaux.
Shä-Key, elle fait son truc dans son coin. Elle est dans un style bohémien en ce moment. C'est ma pote quand même mais elle tourne des films, elle joue pas mal de trucs, des films lesbiens du style documentaires dramatiques. Elle a pas mal de succès à ce niveau. Elle a aussi un petit groupe. Elle fait pas mal de trucs en France aussi.
HHC: Et en ce qui concerne Mr. Len, vous avez de nouveaux morceaux enregistrés tous les deux?
L: J'enregistre tout le temps. Je dois avoir six morceaux enregistrés avec lui. J'ai prévu de mettre au moins deux morceaux de Mr Len sur mon prochain album. Lui et moi rappons ensemble sur un de ces morceaux en fait.
HHC: Ca fait longtemps que nous n'avons pas entendu du neuf de la part de Mr Len, quoi de neuf pour lui?
L: Il fait son truc. Il sort des gars, il y a deux groupes qu'il vient récemment de sortir sur son propre label, Dummies Smack. Il fait ça actuellement, un peu à la manière dont Bobbito le faisait avec Fondle'Em. Il fait ses trucs. J'essaie en ce moment de le convaincre de venir faire le DJ pour moi mais il est occupé à tout ça.
HHC: Kanye West ou 50 Cent?
L: Je préfère les productions de Kanye. Mais ce qui me gêne un peu, c'est qu'il peut parler de problèmes sociaux et de vrais trucs puis se contredire dans le même temps en étant très matérialiste. Mais je préfère écouter Kanye que 50 Cent. Je n'aime pas 50 Cent, je n'aime rien de ce qu'il est. Mais son premier album était quand même considéré comme un classique. Et la vraie tragédie dans tout ça, c'est que tout le monde parle du nombre de disques qu'ils ont vendu, mais personne ne parle de la qualité de ces albums. C'est une honte. Et tu sais quoi, j'ai des tas de trucs qui sont bien meilleurs que ceux de Kanye. Et j'explose l'album de 50 Cent. Que sommes-nous devenus quand nous ne parlons plus de musique en termes artistiques mais en termes de putain de nombres de disques vendus? Qu'en est-il de l'album? Etait-il bon? Toute cette hype pour quoi? Pour deux albums médiocres?
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