Pijall, Matti et Rrimoykk viennent du froid. Distillant un hip hop novateur et opportuniste - qu'un mauvais promoteur vendrait comme le chaînon manquant entre la Westcoast underground et la musique électronique allemande - depuis 1990, les Ceebrolistics représentent à eux seuls l'évolution d'un hip hop underground européen résolument différent. A quelques jours de leur premier passage en France (le 31 juillet pour la soirée fondatrice du label français Institubes et le 2 août au festival les 3 Elephants à Lassay les châteaux) et quelques semaines après que leur side-project Serkkupojat ait atteint nos oreilles, Hip-Hop Core a rencontré les messieurs pour parler de leurs activités, de leurs influences et de leur vision de la musique.
HHC : Avant toute chose et pour mieux vous cerner, pourriez-vous nous présenter le groupe et ses satellites (Ceebrodukshon, Murmurecordings,…) ?
Ceebrolistics : Ceebrolistics, c'est nous [Rrimöykk, Pijall et Mattipee]. Murmurecordings est un collectif un peu plus large dont nous faisons partie avec DJ Use Only, Iwere, Plankton et Indievidual. Ceebrodukshons est un ancien nom pour toute la production que Rrimöykk fait pour nos projets.
HHC : Le 31 juillet, vous serez en France ('Guinguette pirate' - Paris) pour un show avec les français de TTC et les artistes du label Institubes. Par ailleurs, Pijall était présent sur la mix-tape l'"Antre de la folie", orchestrée par Tekilatex (TTC) et James Delleck. En quoi consiste votre collaboration avec cette frange du hip hop français ? Est-il prévu que cette connexion se matérialise par un véritable projet commun ?
C : On connaît Teki et les gars depuis des années. En ce qui concerne les collaborations, on ne calcule pas trop. Si quelque chose doit arriver, ça arrivera.
HHC : Très récemment, 2 d'entres vous (Pijall et Roope) ont sorti "Tulitus, Tilitys, Tiputus" sous le nom de "Serkkupojat". Pouvez-vous nous en dire plus sur ce side-project ? Comment s'est déroulé la confection de cet album, avez-vous travaillé de la même manière que pour un disque estampillé Ceebro ?
Pijall : C'est plus du rap orienté "rue", un truc beaucoup plus direct. Des histoires simples sur la vie quotidienne de ces cousins [Serkkupojat veut dire "cousins" en finlandais]. On a plutôt conçu "Tulitus, Tilitys, Tiputus" comme une collection de chansons spontanées et faites sur l'instant alors que les albums de Ceebro sont plus orientés vers la recherche d'un son.
HHC : Matti, ton dernier 10" ("Mattipee King") contient 2 poèmes. La poésie est-elle une activité à laquelle tu accordes beaucoup d'importance ?
Matti : En fait, je suis en train de travailler sur un recueil de poèmes intitulé "Aavaavaa" qui devrait sortir dans le courant de l'automne prochain. Textuellement, c'est assez éloigné des deux poèmes qui sont sur le vinyl "Mattippee King". Ces 2 poèmes sont plus dans le "king-style", légers, pas très sérieux, des trucs faits en 5 minutes.
HHC : Beaucoup d'observateurs ont tendance à comparer vos travaux à ceux des artistes californiens underground échappées du Good life café. A l'écoute de l'album solo de Pijall notamment ("The Cave"), ce rapprochement m'apparaît justifié, aussi bien dans la construction sonore que dans la façon de rapper. Avez-vous réellement été influencés par cette prolifique et talentueuse scène Californienne ?
C : On a clairement été inspirés par le hip-hop de la west coast underground. La liberté et l'ouverture d'esprit de ce style de hip-hop sont très similaires à la façon dont nous envisageons la conception musicale. Au début des années 90, lorsque nous avons découverts ce son, ça semblait entrer en résonance avec notre musique. Les styles se sont télescopés. C'était super de trouver des rythmes plus complexes.
HHC : Par ailleurs, vous avez récemment enregistré un morceau avec Luckyiam Psc des Mystik Journeymen (LL) et j'ai lu que vous aviez même pris part aux fameuses mic sessions du Project Blowed, peut-on en savoir plus ?
C : On a arpenté la Californie en 1998 dans une Oldsmobile pourrie de 78 appelée Bob. A LA, on a fait un concert lors des soirées Project Blowed, c'était assez cool. On a eu l'opportunité de traîner avec des gars vraiment sympas. On a passé pas mal de temps dans la Bay Area pendant cette période et on a enregistré des chansons dans le studio d'Eclipse 427. 2 d'entre elles (l'autre étant le track avec PSC) se sont retrouvées sur le premier album de Murmurecordings "Poor Local Poetry".
HHC : On sent une franche différence d'ambiance entre vos premiers disques et vos derniers ouvrages. D'un hip hop lo-fi et ambiant ("A Day Of People…" par exemple) vous êtes passé à quelque chose de plus électronique, inspiré Dub. On a l'impression que vous avez justement voulu vous démarquer de ce hip hop underground Westcoast pour forger un son Ceebrolistics avec des influences propres… Doit-on y voir un réel changement de direction ? Qu'est ce qui a motivé ce choix ?
C : Nous ne le voyons pas comme un changement rapide ou radical, mais plus comme un processus qui nous a vu lentement nous diriger vers notre propre son. Tous les éléments sont là depuis le début. C'est juste que le son a évolué de plus en plus vers cette touche électro inspiré de Dub qui nous caractérise maintenant. Ce côté aérien nous a toujours attiré.
HHC : En Finlande, vous êtes signé sur EMI. Cela nous amène à nous interroger sur la situation et la reconnaissance du hip-hop underground dans votre pays. Avez-vous l'impression que ça bouge plus que dans le reste de l'Europe ?
C : La Finlande n'est pas si différente que ça. On s'est retrouvés sur EMI par accident, par le biais d'un ami. Il faut dire aussi que la Finlande est petite et que les gros labels n'ont pas beaucoup de choix lorsqu'elles veulent prendre des artistes.
HHC : On peut imaginer que le fait d'être signés sur une major ouvre des portes et facilite la sortie de projets, pourtant vous sortez régulièrement des albums via vos propres structures. Pourquoi ce choix ? Besoin d'indépendance ?
C : La musique, c'est des relations, des connections. De bonnes choses nous sont arrivées, à la fois sur EMI et en dehors. Les sorties indépendantes et évidemment les sorties sur notre propre label représenteront toujours une part significative de notre musique. Tout est cool du moment qu'on a le contrôle et qu'on est libres de nos choix.
HHC : Qu'écoutez-vous en ce moment ? Y'a t'il un disque récent qui vous est vraiment marqué ?
C : Rhythm And Sound. Pole. Deep Chord. Vladislav Delay. Echochord. Sigur Ros. Coldplay. Tortoise. Björk. Massive Attack. A Lot Of Stuff From Mille Plateaux. Burnt Friedmann, Kemmuru. Vähäiset äänet. Radiohead. Dubbing Mixers. Bola. Richie Hawtin. Maurizio. Hei. Godspeed You Black Emperor. Giant Robot. Quántico. Tono Slono. Andreas Tilliander. Monolake. Autechre. Plaid. Didier's Sound System. Lackluster. T.raums. Boards Of Canada. Venom Of Blackness. 808 Boys. Anticon. Antipop [not that good, but still]. TTC. MCoSlaar. Telefon Tel Aviv. Rothko. Labradford. Portishead. Marilyn Manson. Pansonic. Mum. Samuli Kosminen. Matala. Brothomstates. Murs. Kapteeni ä-ni. Iwere. Op:l bastards. Uusi Fantasia. Dixxxa. Muthafukkin Rhymelords. Koksukoo. Eevil Stöö. Frontpage. Middlefinger Gangstas. Slum Village. Lootpack. Madlib. Tikiman - Paul St.Hillaire. Mesak. Pelto. Murcof. Jan Hammer. Jan Jelinek. Boogiemonsters. Jack Dejohnette. Global Phlowtations.
HHC : Qu'est ce qu'on peut attendre de Ceebrolistics dans les mois à venir ?
C : De la nouvelle musique. Profonde. Du bruit, des échos, des basses, des pulsations, des murmures assourdissants. Moins de mots. Plus de chansons.
HHC : Un message à transmettre, quelque chose à dire aux gens qui vous lisent et vous écoutent ?
C : Let's go with the echo! www.murmurecordings.com
HHC : Merci d'avoir pris le temps de répondre à ces quelques questions, appréciez votre passage en France et bonne continuation.
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