Samedi soir, 19h00, fin janvier. La nuit est tombée depuis un assez long moment déjà sur la cité des Sacres. Ce soir, c'est un empereur d'une toute autre famille que celle des Mérovingiens qui s'apprête à se faire couronner à Reims. En effet, Kohndo's in town. 6 lettres qui pèsent peut-être moins lourd dans les ventes de disques que celles, pourtant moins nombreuses, de Booba, Diam's ou Sinik. 6 lettres qui servent néanmoins de lest à la passion du Real Hip Hop à la française dans le cœur de nombreux nostalgiques qui avaient fini par oublier que rap français pouvait rimer avec rap stylé. Auteur de l'une des pages les plus passionnantes du rap français au sein de la Cliqua, artiste solo assumé et épanoui, le Doc Odnok passe en revue les différentes étapes de sa carrière, ses influences et son processus créatif. Quelques jours avant de remonter sur scène (festival l'Original, à Lyon, le vendredi 11 Avril 2008) aux côtés de ses collègues du club des Rap Champions, Kohndo se penche sur un micro...
Hip-Hop Core: Bon, Kohndo, la dernière fois qu'on s'est vus, c'était à la MJC Georges Brassens, quartier Wilson à Reims. T'étais sur scène et j'étais à peu près au 5ème rang. On était en 98 et c'était "l'Entre deux mondes Tour". Quoi de neuf depuis?
Kohndo: (interloqué) Sérieux? C'est un truc de dingue, je croyais que je n'étais jamais venu à Reims. Quoi de neuf? Ben beaucoup de choses, depuis... J'ai quitté la Cliqua pour commencer une carrière en solo, j'ai sorti des maxis, 'Jungle Boogie', 'J'entends les Sirènes', 'Prélude à l'Odyssée', et puis mon 1er album en 2003, "Tout Est Ecrit", un 15 titres sorti chez Nocturne. J'avais sorti "Blind Test", qui reprenait des morceaux inédits. Et puis pour finir, "Deux Pieds Sur Terre / Stick To Ground", en 2006. Depuis, je tourne avec le Velvet Club, ma formation live, et là je commence à préparer mon troisième album.
HHC: Comment ça s'annonce jusqu'à présent?
K: C'est un album qui va se situer dans la continuité des deux autres, qui tournera autour de mes humeurs du moment, des sujets qui me touchent et que j'ai envie de développer. Mais j'ai envie de laisser la surprise entière donc je ne peux pas en dire beaucoup plus, si ce n'est qu'au niveau du son, ce sera très Soul Clap, très Hip Hop.
HHC: Soul Clap, c'est le terme que tu utilises pour définir ta musique?
K: Oui, c'est ça, c'est mon style de Hip Hop, un esprit Boom Bap avec une touche Soul Funk. C'est un peu l'esprit dégagé par Common, Pete Rock... mais à la sauce Kohndo.
HHC: Ca tombe bien que tu parles de Common. Je trouve que vos démarches artistiques se ressemblent dans le sens où vous avez débuté avec des flows et des textes pas mal basés sur le freestyle, l'egotrip pour évoluer vers des thèmes et des couleurs musicales plus matures, plus "grown man rap". Est-ce que tu as envie de continuer cette évolution et de passer à autre chose avec ton prochain album ou est-ce qu'au contraire tu as trouvé une formule qui te plaît avec "Deux Pieds Sur Terre" et que tu as envie de continuer de la développer?
K: C'est vrai que j'ai trouvé une formule qui me plaît avec "Deux Pieds Sur Terre". Ca ne veut pas dire pour autant que j'ai fini d'évoluer. Dans ce sens, j'ai eu la chance de pouvoir travailler avec le Velvet Club. Je suis toujours curieux au niveau musical, j'ai toujours envie de toucher un peu à tout, pour continuer de proposer des choses musicalement parlant. J'aime bien cette comparaison avec Common, parce que comme lui, j'ai grandi. J'étais un MC de 19 ans, donc forcément très egotrip, très axé sur les prouesses techniques... Je pense qu'aujourd'hui, j'ai un peu fait le tour, ce qui ne veut pas dire que j'ai laissé la forme de côté. Je suis toujours aussi technique, mais ce qui m'intéresse le plus, c'est me servir de la musique pour parler de Kohndo l'homme, du monde qui m'entoure et partager des points de vue. C'est comme si j'ouvrais une porte et que je laissais entrer les gens intéressés par la conversation que je propose. Pour moi, un titre, c'est ça: un sujet de conversation.
HHC: Est-ce que tu as rencontré des artistes qui ont développé une démarche proche de la tienne?
K: Oui, j'ai eu la chance de croiser beaucoup d'artistes ayant une vision propre, qui ne sont pas d'autres Kohndo. Des gens comme 20Syl, qui développe son propre monde, avec ses influences, qui ne sont pas forcément les miennes. C'est intéressant parce qu'on va se rencontrer avec nos sensibilités propres, même si le fait que nos fibres musicales se ressemblent facilite les choses.
HHC: Etant donnée l'évolution musicale que tu as connu, dans quelle direction tu penses que cette évolution pourrait te mener dans l'avenir?
K: Avant, je faisais des prods mais j'aimais beaucoup m'entourer de gens différents de moi musicalement pour créer, alors que ces temps-ci, je compose beaucoup moi-même. Je suis souvent derrière mon clavier à créer des mélodies. Je prends plus en charge la partie musicale.
C'est intéressant parce que je me retrouve parfois mélodiste, à tendre une partition que j'ai composée à quelqu'un en lui disant : "Tiens, est-ce que tu peux me chanter ça?".
Pour certains, je suis peut-être un ancien rapper mais je suis un jeune artiste: je découvre mon art, le potentiel des musiciens avec qui je travaille. On ne vient pas tous du même univers, et c'est intéressant de parler mélodies, accords avec mon pianiste qui vient de l'Acid Jazz, avec mon batteur qui vient du Funk, avec mon guitariste qui vient du Jazz Rock et du Hip Hop aussi. Ces échanges font que je sens un potentiel énorme et qu'il faut le laisser vivre. Donc la direction musicale se prendra d'elle-même. J'ai encore plein de nouveaux flows dans la tête, j'ai plein de thèmes à développer parce que j'ai pas le même regard sur le monde, que je prends de l'âge... Et puis avec DJ Kozi, j'ai ma garantie Hip Hop, qui me ramène les disques qu'il faut, qui me rappelle que je suis issu de Gangstarr, Nas, EPMD.
HHC: Qu'est-ce qui t'as tellement attiré dans le son de Detroit de l'école Jay Dee/Black Milk/Slum Village/Frank N'Dank?
K: Peut-être que je l'avais pressenti avant qu'il arrive. Je te citais mes influences (Nas, Pete Rock & CL Smooth, Gangstarr, EPMD) mais il y a un DJ qui m'a vraiment beaucoup marqué, c'est DJ Spinna. Beaucoup de gens parlent de Jay Dee, mais avant lui, il y avait Spinna avec Jigmastas, avec Polyrythm Addicts, et j'ai baigné là-dedans. Pour moi, c'est la continuité du son de New York avec un côté épuré dans l'approche musicale qui garde quand même assez de mélodie pour pouvoir dire: "Je fais de la musique, je me sens bien sur la musique qui me sert à rapper". Soul Clap, quoi...
HHC: Tu écoutais déjà Spinna à l'époque de la Cliqua?
K: Oui.
HHC: C'était pas trop la vibe musicale de la Cliqua. Est-ce que tu étais frustré musicalement de ne pas pouvoir explorer certains styles, certaines couleurs musicales au sein du groupe? Est-ce que ça a pu jouer dans ton envie de faire une carrière solo et de ne collaborer que ponctuellement sur ta musique?
K: Je n'ai jamais été frustré musicalement dans la Cliqua. Le groupe correspondait vraiment à mes envies. J'ai toujours aussi été à fond dans le délire Boot Camp Click, Wu-Tang... Mobb Deep à l'époque étaient particulièrement pertinents par rapport au regard porté sur le monde de la rue. Simplement, je suis parti de la Cliqua à un moment où le rap était en train de changer en passant de "Keep it real" à "Keep it gangsta". Quand ça a dérivé gangsta, je ne m'y suis plus retrouvé. C'est à ce moment que j'ai découvert d'autres musiques, d'autres personnes, Talib Kweli, Mos Def, le label Rawkus... Je me suis dit: "OK, ça me correspond", je sentais qu'on partageait un même background.
HHC: Des artistes qui donnent une image – parce que comme tout artiste tu donnes au public une image de toi – mais sans forcer le trait au point qu'elle tourne à la caricature?
K: En fait quand tu es artiste, il y a effectivement l'image que tu projettes, mais un artiste c'est aussi quelqu'un qui sait au mieux mettre en valeur ce qu'il est. Tu pousses, ta vision, tes traits... Moi, en tant que Noir vivant en France, en ayant une mère célibataire, Africaine, qui s'est battue contre son mari parce qu'il la frappait, je ne peux pas aller à l'encontre de mon histoire, ne serait-ce que par respect pour les gens qui m'ont éduqué. J'ai toute une histoire qu'un Américain n'aura pas, celle d'un Africain né et élevé en France. Je connais mes racines, je connais ma langue, c'est quelque chose d'important, qui fait que dans mon art je ne vais pas dire la même chose que quelqu'un qui a une autre histoire. Je trouve important de pouvoir transmettre cette histoire quand j'écris.
HHC: Comment tu vois les artistes qui poussent un peu au niveau de l'image, justement? Tu ne les calcules pas? Ca t'amuse quand c'est bien fait?
K: Ben oui ça m'amuse... C'est comme si tu me demandais si quand je vais au ciné si je ne vais voir que des films d'Art et Essai ou est-ce que je vais voir des blockbusters? Je suis comme tout le monde, j'aime aussi les blockbusters. C'est vrai que j'ai une préférence pour les trucs un peu plus intimes, recherchés, un peu plus fins, mais j'aime bien les trucs un peu bourrins aussi. A chaque moment son plaisir. Donc écouter un truc Dirty, quand c'est bien fait ça me plaît.
HHC: On a l'impression en écoutant tes textes et tes instrus que tu es vachement précautionneux et que tu n'as pas envie de sortir un morceau parce qu'il se situe bien dans la vibe du moment. On dirait que tu as envie de ne sortir que des morceaux dont tu pourrais être fier encore des années après leur sortie. Est-ce qu'il y a beaucoup de "déchets" dans ce que tu produis?
K: J'ai envie de sortir des trucs dont je serai fier en 2040. Je suis fan, attention, entre guillemets, je suis un peu le fils spirituel de Curtis Mayfield, d'Isaac Hayes. Ces artistes ont fait des morceaux il y a 30 ans qui sont encore valables. 'Darker Than Blue', qui parle de la difficulté d'être Noir aux Etats-Unis est toujours valable, 'Pusherman' est toujours valable, donc quand tu fais les trucs avec justesse, 30 ans après, ça tient toujours. En tant que rapper, j'aimerais vraiment m'inscrire dans cette lignée-là. C'est pour ça que je laisse beaucoup mûrir ce que j'ai fait, j'ai toujours besoin d'un recul de 3 semaines/1 mois pour savoir si ce que j'ai écrit m'apparaît de la même façon.
HHC: Je dis ça parce que je sais que t'es "fan" de Nas, or, quand on va voir Nas en concert et qu'on regarde ce qu'il interprète, on a l'impression qu'il joue quasiment tout "Illmatic", plus 'Made You Look', 'Get Down', comme s'il cherchait à protéger son image de rapper sur scène et qu'il avait presque honte de certains singles qui ont pourtant très bien marché commercialement...
K: Je pense que l'industrie du disque peut tellement te laminer artistiquement que parfois ça peut être un réel moteur. Après, tu as des artistes comme Jay-Z qui, malgré le temps, réussissent à créer une œuvre qui traverse les époques.
HHC: Est-ce que tu penses que l'évolution prise par Oxmo peut être rapprochée de la tienne?
K: Dans le sens où on a tous les deux choisi de faire vivre notre musique sur scène avec un groupe live, oui. Par contre, Oxmo et moi on ne fait pas la même musique, on n'a pas la même façon d'aborder le flow, le texte, Oxmo a une écriture très punchline. Il est très gimmicks, il a une écriture qui est très "slogans", il a le sens de la formule. Je vais avoir une écriture un peu plus poétique, un peu plus imagée, avec 1, 2, 3 degrés de lecture, donc on peut être complémentaires mais totalement différents et dans le fond, on a les mêmes envies, c'est-à-dire montrer qu'on est des artistes accomplis dans notre art.
HHC: En termes d'écriture, en dehors de tes expériences, qu'est-ce qui peut t'influencer?
K: Tout. Les livres que je lis. Quand je finis un bouquin, je m'interroge sur ce que je viens de lire, parfois ça me donne envie d'écrire un texte. un film... Par exemple, je suis allé voir "My Blueberry Nights", je peux pas te dire en quoi ça m'a influencé, mais je suis sûr que dans les 4-5 prochains textes il y aura quelque chose de lié à ce film parce qu'il m'a marqué et parce que je suis un fan de Wong Kar Wai, de son univers, ce côté calme, ses petites histoires où 2-3 personnes se rencontrent...
HHC: Tu as aimé "Chungking Express"?
K: Je l'ai pas vu, il faut que je l'achète. Par contre, "My Blueberry Nights", "In The Mood For Love", j'adore, je suis fan de son esthétique. J'adore aussi Spike Lee, j'ai tous ses films, parce que dans la forme, c'est vraiment magique. Il y a quoi d'autre encore? "Bagdad Café". Ma DVDthèque est impressionnante, ce qui fait que je sais pas par où commencer, mais je vais avoir des blockbusters, des films d'auteur. Tiens récemment, j'ai adoré un film sur les frères Falls, tu vois ce que c'est?
HHC: Non.
K: C'est l'histoire de 2 frères siamois qui décident de se séparer mais qui au moment de la séparation rencontrent une nana extraordinaire. Ca a été réalisé par les gens qui ont créé le Caméléon, mais ça n'a rien à voir, c'est super lent, super beau. J'aime bien Scorsese, et M. Night Shyamalan...
Pour en revenir à l'écriture, une conversation peut aussi me donner envie d'écrire. T'es là, tu discutes du racisme, du divorce, tu dis à l'autre que tu n'es pas d'accord avec son point de vue et comme tu ne vas pas avoir l'occasion de finir ta conversation tu vas l'écrire. Finalement ça va donner lieu à un thème. Ma vie m'affecte, mes déboires, l'ANPE, les Assedic... le quotidien va m'influencer. La télé, ce que je vois par rapport au Sarko-monde dans lequel on vit, ça va forcément me donner envie d'écrire.
Je me nourris du monde qui m'entoure parce que mon but en tant que musicien, c'est de créer un dialogue avec d'autres personnes. Je suis ce qu'on appelle un medium: ce que j'ai vu passe à travers moi et je l'offre à quelqu'un d'autre.
HHC: Tu disais dans une interview passée que tu te sentais parfois frustré par rapport aux moyens de création dont tu disposais dans le sens où si tu avais plus de temps en studio ça te permettrait de créer différemment. Ca me faisait un peu penser au 1er album du Wu-Tang ou à "Check Your Head" des Beastie Boys. Dans le 1er cas, personne ne les attendait, ils n'avaient aucune pression, aucune attente vis-à-vis de leur son, et pour ce qui est des Beastie, ils avaient eu tellement de succès avec les 2 premiers qu'ils se sont payés leur propre studio et ont pu expérimenter et se réinventer avant de sortir un album qui leur correspondait à 100%. C'est quelque chose dont tu rêves?
K: Tout à fait. Ce qui est bien avec l'indépendance c'est que ça m'a vraiment forcé à maîtriser de plus en plus de moyens techniques, ce qui fait qu'aujourd'hui je sais bien produire un disque. Maintenant, comme je suis dans un développement de carrière, pour l'instant je dois aller droit au but, je peux pas me permettre de prendre 3-4 ans avant de sortir un nouvel album, mais c'est sûr que si j'en avais la possibilité, ça donnerait lieu à des choses assez extraordinaires. Je pense qu'il ne faut pas attendre. Il faut se placer dans l'optique que tu peux mourir demain et qu'il faut donner le meilleur de toi-même. C'est un peu comme ça que je produis. Je me dis "moyens ou pas moyens, je fais avec ce que j'ai et je fais au mieux". Le jour où j'aurai cette chance de pouvoir exercer pleinement mon métier d'artiste, chose que je fais quand même...
HHC: (l'interrompant) Tu vis complètement de ta musique?
K: Ouais, mais pas bien... Je vivote. J'en suis à avoir la chance d'exercer mon art mais pas encore à pouvoir m'assumer pleinement. Savoir que tu peux rentrer 6 mois en studio parce que t'as déjà vendu 1 million d'albums, c'est un luxe que je n'ai pas. C'est vrai que dès que tu commences à expérimenter des choses, tu vas plus loin, tu te surprends toi-même. Là j'ai besoin de savoir rapidement où ça va aller, j'ai pas le temps d'expérimenter pour le moment.
HHC: Etant donné qu'en ce moment tu es partagé entre la scène et le studio, est-ce que tu peux nous dire à quoi ressemble une de tes journées?
K: Je me réveille à 9h, jusqu'à 12h je vais passer des coups de téléphone pour vérifier que mes disques sont bien mis en place et m'occuper de toute la partie administrative. De 12h à 15h, je vais filer en répétition avec mon groupe, le Velvet Club, et puis je vais aller faire un tour dans les bacs pour voir si tout est bien exposé. A 17h je vais faire une prise de voix pour une session studio et ensuite enchaîner un mix. Vers 22h-23h, je vais m'octroyer un peu de temps, je vais me mater un film et m'endormir avant la nouvelle journée qui m'attend.
Pour le reste de la semaine, ça se partagera entre écriture, production, ateliers d'écriture avec des gamins parce que j'aime toujours ce contact. J'ai fait ça pour les villes de Pessac, Bagneux, bientôt Bagnolet ; je travaille un peu aussi avec la Maison du Hip Hop... J'essaye d'être actif.
HHC: Pour terminer, combien de MC's gisent sur des pare-brise et se tétanisent quand ta vocalise blah?
K: (rires) Aujourd'hui? Encore pas mal je pense...
K: Ouah! Super simple! Jeru avec 'One Day'. "The Sun Rises In The East" reste un de mes albums préférés, en particulier le morceau 'Dirty Rotten Scoundrel'. Je reviens aussi tout le temps sur 'Me Or Tha Papes' et 'Da Bitchez', deux morceaux très forts. Pour moi, Jeru est le meilleur lyriciste. Au niveau du phrasé, il est indétrônable.
HHC: On sent que tu aimes Jeru dans le sens où dans ton propre flow, tu es attentif à la métrique, tu kiffes retomber dans le temps.
K: Oui, Jeru est ce que j'appelle un rapper symétrique, il y a de la symétrie dans son flow, et je trouve que ce genre de flow est très adapté lorsqu'il s'agit de développer des grands thèmes: à la fois simple et très efficace.
HHC: Qu'est-ce que tu penses de l'évolution de DJ Premier? Tu suis toujours son travail?
K: Oui, je continue de suivre ce qu'il sort, je le trouve toujours efficace mais pas assez original. Je regrette le Primo de Jeru, de Gangstarr. Primo ne se révèle que lorsqu'il est avec un artiste qu'il aime vraiment. Ca fait longtemps qu'on n'a pas eu un Primo comme celui de l'époque de Group Home, de "Moment Of Truth", mon album préféré.
K: (Au bout de 2 secondes) A Tribe Called Quest, 'The Booty'!
HHC: Non.
K: (perplexe) Non? Pourtant, c'est produit par Jay Dee, ça s'entend tout se suite... Mais j'ai oublié le titre...
HHC: C'est le morceau 'Keepin' It Moving'.
K: OK, sur l'avant-dernier album alors.
HHC: Tu es plus fan de Q-Tip ou de Phife?
K: Aucun des deux, pour moi, Tribe ne fonctionne que si les deux sont réunis. Alors autant j'aime bien Tribe Called Quest avec Jay Dee aux platines, période Soulquarians, autant pour moi la grande période, c'est Ali Shaheed. Là ça devient magique.
HHC: Perso, je me suis senti trahi quand Jay Dee est arrivé sur une partie des prods de "Beats Rhymes & Life".
K: Mouais, non, moi j'aime bien, ce qui m'a saoûlé, c'est surtout le mix de cet album. Je le trouvais trop violent au niveau des caisses claires, elles n'explosaient la tête (rires). J'ai du mal à l'écouter parce qu'il me fait mal aux oreilles. Sinon, dans l'esprit, j'ai bien aimé.
HHC: On entend parfois parler d'une reformation de Tribe. En tant que fan ça te ferait plaisir ou bien tu penses pour avoir vécu ça avec la Cliqua, qu'une fois séparés, la reformation est une mauvaise idée?
K: Pour ce qui est de la Cliqua, la question d'une reformation ne se pose pas. Par contre peut-être faire une scène. On n'a jamais fait de concert d'adieu, donc ce serait marrant d'en faire un pour le public.
HHC: Marrant? Ce serait mortel! Il y a quelque chose qui se fait dans ce sens-là?
K: Chut... (rires)
K: Ah oui, Gil Scott Heron. Je ne sais plus le nom du morceau mais c'est sur l'album… Ah j'ai oublié aussi, je suis fatigué là… C'est celui sur lequel il y a 'The Revolution Will Not Be Televised'.
HHC: C'est ça. "Pieces Of A Man'. Et le titre c'est 'Lady Day & John Coltrane'.
K: OK. Il y a un autre morceau que j'adore sur cet album, où il parle d'enfants qui jouent dans une cour. Un morceau très calme. C'est aussi un album sur lequel je reviens souvent, une valeur sûre. Il y a d'ailleurs une reprise de ce morceau sur l'avant-dernier album de Kanye West, sur laquelle Common rappe.
K: Ah ça j'ai pas...
HHC: Cannibal Ox. Produit par El-P.
K: Ah OK. Je connais pas très bien. Alors je connais El-P, j'ai les premiers Company Flow, mais... (écoutant attentivement) c'est marrant, j'aime bien en fait. J'imaginais ça plus spé...
K: Non, je connais pas non plus.
HHC: T'es sûr?
K: Non, ça ne me dit rien.
HHC: C'est "Donuts", le dernier album de Jay Dee sorti avant sa mort.
K: Ben je l'ai pourtant "Donuts"! Non, mais attends, il y a au moins 70 morceaux sur ce disque. Je suis fan mais pas à ce point là. Je l'ai acheté, mais j'ai trouvé que ça ressemblait à un album de travail. C'est comme si on avait passé tout son travail en revue. Si tu viens chez moi et que tu vas sur mon disque dur, tu vas avoir tout le boulot de mon mois de Janvier. Il y a des trucs que je vais mettre en place mais qui ne sont pas terminés. Et "Donuts" m'a donné ce sentiment. Donc je trouve l'idée super intéressante mais pour moi ce ne sont pas des morceaux, c'est inachevé, c'est du "work in progress". Mais maintenant que je la ré-entends, je m'aperçois que je m'étais arrêté sur cette prod.
K: Ah oui, c'est Hubert Laws, ça, non?
HHC: Non.
K: Ah mais alors c'est euh... attends, ça a été samplé par Wu-Tang, mais je le connais ce flûtiste aveugle.
HHC: Non, c'est pas Roland Kirk. C'est Yusef Lateef, samplé notamment par MF Doom.
K: Mais oui putain, je suis con! The creator has a master plan. Même chose que pour Gil Scott Heron, ça fait partie de ma collection mais je l'avais oublié.
HHC: Ca fait partie du genre de Jazz que tu affectionnes?
K: Tout à fait. Tu vois, je t'ai cité Rahsaan Roland Kirk, Hubert Laws.
HHC: Tu samples dans ce genre de disques?
K: Non, je sample très peu. En ce moment, je compose beaucoup. Je me mets derrière un clavier et je cherche mes accords, mes mélodies... Je continue ma formation musicale en autodidacte, avec mes musiciens... Je reviendrai aux samples mais j'aime la phase de composition dans laquelle je me trouve en ce moment.
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