Après de nombreux rendez-vous manqués entre Hip-Hop Core et DJ Troubl, nous avons enfin réussi à mettre la main sur ce DJ double champion du monde, sans doute le plus complet de sa géneration (je me mouille sûrement mais j'assume mes propos). A l'heure où son nouveau volume de "Brik A Breaks" arrive chez tous vos disquaires, voici une interview à l'image du personnage : pleine de modestie et d'humour. DJ Troubl is in the house et ça ca fait plaisir!
Hip-Hop Core: Présentation pour nos lecteurs (palmarès...)
Troubl: Salut c'est Troubl', voici donc mon palmarès de championnat:
Vice-Champion du monde Battle Dmc 2006
Champion de France Battle Dmc 2006
Champion du monde Allstar Beatdown 2002
Champion du monde ITF Beat Juggling 2002
Champion Europe ITF Beat Juggling 2002
Champion de France Battle Dmc 2002
Champion de France Vestax 2001
Champion de France ITF 2000
HHC: Comment es-tu arrivé au deejaying?
T: J'avais un ami chez qui on allait faire la fête, c'était en 96/97 je ne me rappelle plus trop, et donc cet ami avait des platines chez lui, ce qui m'avait plutôt intrigué à l époque... J'ai donc commencé à y toucher timidement jusqu'à ce que le propriétaire me dise d'investir dans une paire de platines et ce fut là une très bonne idée! Merci encore à cette personne qui aujourd'hui est malheureusement décédée... STORM repose en paix et encore merci pour tout!
HHC: 2007 est une année assez riche pour toi, notamment au niveau des breakbeats, vu que tu nous a sorti deux volumes de "Brik A Breaks", peux tu nous parler plus en détails de cette série?
T: La série des "Brik A Breaks" est mon vrai premier projet "solo". J'ai déjà sorti des breakbeats par le passé mais ce n'était pas pareil du tout, mon identité ne ressortait pas vraiment de ces projets ; j'ai donc décidé de me lancer. J'ai essayé de faire le disque le plus pratique et le plus complet possible, 6 beats pour le practice, battle ou autres, des plages de scratches/beat juggling complètes et diverses, etc... Tout le disque est également en skip proof. Ca ne veut pas dire que tout est à 133.333bpm, mais que tous les tracks démarrent au même endroit, ce qui permet d'avoir un seul repère sur le disque. La série comprendra uniquement 2 volumes. Le premier est dans les bacs depuis 4 mois, ça marche bien et j'ai beaucoup de bon retour. Le 2 est prêt et bien mieux à mon goût ; il sera très bientôt disponible (quelques semaines...). Un myspace est en place avec des vidéos et des extraits: ici et ici.
HHC: Comment procèdes-tu à l'élaboration de ces breaks?
T: Le premier a mis du temps à arriver, je l'avais déjà terminé il y a 1 ou 2 ans, et puis j'ai tout recommencé 2 fois, j'avais des choses déjà faites que je voulais réutiliser. Le premier était une vraie galère, mais le résultat est très satisfaisant pour moi. Je voulais mettre pas mal de beats car c'est ce qui manque je trouve sur les breaks, également des plages mélangeant des sons scratches et beat juggling, des sons électroniques mélangés à des sons plus classiques. Je trouve que c'est le projet qui représente le mieux mon univers musical, un peu plus électronique et complexe qu'avant. Le volume 2 a été élaboré entre la date de sortie du 1 et aujourd'hui, donc il sera vraiment tout frais.
HHC: Entre Netik, Le Jad, Scratch Science et toi, on peut dire que la France est gâtée au niveau des breakbeats. Tu penses qu'il y a une spécificité française au niveau des sons utilisés?
T: C'est vrai, mais en même temps chacune des personnes que tu cites a sa spécificité et son son, on a tous un son particulier et c'est ça qui est bien. Mais c'est vrai que par rapport aux américains par exemple, on va un peu plus vers un son électronique que super hip-hop, je crois que c'est clair... Mais en même temps on a voulu faire les américains pendant tellement longtemps que, maintenant, on veut juste développer notre propre truc.
HHC: En parlant de Netik, c'est un DJ avec lequel on t'associe beaucoup. Qu'est-ce que tu apprécies le plus chez lui, et quels sont vos futurs projets?
T: Netik, ça fait maintenant 5 ou 6 ans qu'on se connaît, on s'est rencontré à l'occasion d'une compèt'. On s'est retrouvé dans la même chambre avec une paire de platines, on n'avait jamais vu ce que faisait l'autre et donc jamais scratché ensemble. On a tout de suite accroché. Depuis, on se montre des scratches, on fait la fête quand on a l'occasion. J'aime bien bosser avec lui, on a fait un freestyle scratch sur sa dernière compilation par msn à 4h du mat', c'était marrant.
HHC: Peux-tu nous parler en détails du projet avorté de break que vous aviez ensemble?
T: On a voulu sortir un break ensemble. Il était prêt, la pochette, je crois même me souvenir qu'on a fait le master, on s'est retrouvé avec la matrice du disque et puis, bah, ça s'est arrêté là! Après on a perdu beaucoup de temps, les morceaux ont vieilli et puis on a mis tout ça de coté et on a fait notre chemin.
HHC: Revenons sur l'épisode DMC de l'année dernière, qu'est-ce qui t'a poussé à reprendre le chemin des compétitions, et comment as-tu vécu cet échec?
T: Qu'est-ce qui m'a poussé? Bon, il y avait bien les 10 000 dollars, mais c'était l'envie de revenir, de revenir sur la scène des battles, tout simplement. Je regardais les DMC et je me disais "c'est une blague", alors au bout d'un moment, au lieu de rester chez moi et de dire "j'aurai dû y aller", et bah, j'y suis allé. J'avais pas vraiment prévu mais je sais pas, je le sentais bien, ça faisait quand même 4 ans que j'avais pas fait de compétitions. Le fait que Netik y allait aussi m'avait vraiment motivé, et puis hop! 2 semaines avant je m'y suis mis comme un ouf, j'avais déjà un ou deux bouts de routines, Le Jad m'a donné un beat, une plage son et a arrangé un ou deux trucs, et voilà: vice-champion du monde. Après, je sais pas si on peut parler d'échec. Oui, j'ai fait 2ème, mais tout le monde sait ce qu'il en était là-bas.
HHC: Tu estimes qu'il y a eu une erreur de la part du jury?
T: Non non, erreur ou pas, c'est du passé.
HHC: Tu penses que le money price est une bonne chose, et qu'il peut faire revenir des grands noms dans le circuit compétitions?
T: Honnêtement je ne sais pas si les grands noms vont revenir, parce que faire gagner 10 000 dollars a un gars qui en prend 5000 pour faire une soirée 2 fois par semaine - ce qui n'est pas mon cas (rires) - je ne suis pas sûr que ça va vraiment le motiver. Non mais l'argent c'est bien, l'argent rentre dans le jeu, le jeu devient plus intéressant, mais faut pas que ce soit la motivation première.
HHC: Justement avec un peu de recul, quels sont les apports de deux titres mondiaux?
T: C'est surtout une très bonne carte de visite, les gens savent ce que j'ai fait et c'est bien, ça apporte une reconnaissance, un respect des autres par rapport à mon travail.
HHC: Est-ce qu'on vit facilement de sa passion?
T: Évidemment que non. Si l'argent rentrait tout seul, ce serait magique. En ce moment, j'essaie de créer mon label. Je veux qu'à l'avenir mes disques sortent sur mon propre label. Tout ça, c'est une question de motivation et de travail, c'est comme le reste.
HHC: On te voit souvent collaborer avec Tony Truand et on se souvient du montage de "Boogie Night" sur ton cd "Beatbreaker Theorapy". On voit bien que la vidéo est importante pour toi mais peux-tu nous dire pourquoi et comment tu collabores avec eux?
T: La rencontre avec Tony, c'était dans un cinéma à Poitiers, il y avait la projection du film "Scratch" et à la fin je faisais une démo. Il a bien accroché sur le scratch et les routines, il m'a montré ce qu'il faisait et on a donc commencé à faire des petites vidéos, la première étant celle sur "Beatbreaker Theorapy Vol.2". J'avais fait un morceau scratch avec une phrase de "Boogie Night" en intro. J'ai filmé le tout avec une webcam et je voulais mettre ça sur mon cd. Quand j'ai montré la petite vidéo à Tony, on a décidé de la refaire en mieux... Le mélange des scratches (pleins de sons emmêlés scratchés édités) avec ses vidéos (pleines d'images emmêlées vidj éditées) était efficace et cohérent. La meilleure scène qu'on a fait comme ça est la première partie de Q-Bert et DJ Krush à Rennes, on était sur une scène énorme avec des écrans géants de chaque coté, c'était complètement fou.
HHC: A ce sujet je suis un grand fan de celle qui filme ta routine "Prefuse73". Comment s'est déroulé le tournage?
T: Le tournage de la "Prefuse"! (rires) Bah, Tony arrive chez moi et me dit : "débranche tes platines, on va devant chez toi!" Il me fait installer mes platines sur un bloc EDF, mettre une rallonge de chez moi au bloc, et me dit :"fais la Prefuse". Il devait faire 3 degrés dehors, j'ai une clope dans la bouche, mais la fumée, c'est pas la clope, c'est le froid!! Donc voilà, tournage très drôle et très rapide et a 20 mètres en face de chez moi.
HHC: Malgré les années, cette routine reste toujours aussi efficace. As-tu eu des retours de Prefuse lui même?
T: Aucun retour!!
HHC: Tu continues de travailler des routines?
T: Bien sûr, les routines c'est mon truc à la base. Même si un jour, j'arrête vraiment les battles, je n'arrêterai jamais de faire des routines pour les showcases etc...
HHC: D'ailleurs tu sembles aussi complet en scratch qu'en beat juggling, ce qui est assez rare pour le souligner. Mais as-tu une préférence?
T: Ma préférence va quand même au scratch. Le beat juggling c'est vraiment un super truc, mais je vais plus le bosser à l'occasion d'une routine ou vraiment en cherchant un truc spécial à faire. Le scratch, c'est un peu différent. Je cherche toujours des nouvelles phases, mais je peux m'amuser pendant des heures sans m'en rendre compte. Le scratch, c'est vraiment un truc spécial. Ca non plus, j'arrêterais jamais!
HHC: On t'a vu aussi dispenser des cours de scratch par vidéos interposées, tu peux nous en parler?
T: C'est pas des cours par vidéos interposées, c'est juste un DVD de DJ Poska avec DJ Dose que j'ai fait il y a quelques années et qui ressurgit du placard. En même temps, je ne l'avais jamais vu donc ça m'a donné l'occasion d'y jeter un oeil...
HHC: Tu es en deal avec Mixvibes, je vais donc te poser la question qui revient à chaque fois : quels sont les avantages d'un tel logiciel?
T: Les avantages d'un tel logiciel, c'est avant tout et surtout le côté pratique : pas de bacs de disques, mes morceaux édités comme je veux, très peu de latence, pas de rumble, donc vraiment, c'est un coté pratique. Et puis j'ai des disques de funk qui coûtent assez chers et j'ai pas envie de les tuer avec 2 pass pass...
HHC: As-tu essayé les concurrents tels que Serato?
T: Bah oui… mais non.
HHC: Est-ce que malgré ça tu continues d'acheter des disques, et si c'est le cas, quels sont tes derniers achats?
T: Des disques, bien sûr que j'en achète, quand j'en trouve... Dis-toi que dans mon bled, tous les rayons disques ont disparu au profit des rayons de livres et jeux vidéos! Le dernier achat en date ça devait être Mr Oizo ou un truc comme ça.
HHC: Peux-tu nous décrire ta collection? (combien de disques, quels styles...)
T: Je vais pas te dire un nombre parce que je suis pas le genre de personnes à les compter, mais j'ai un mur entier chez moi, rangé en 5 catégories: le rap, l'éléctro, la funk, les breakbeats et les disques à sampler, c'est bien rangé, ça va... Tu veux la liste?
HHC: Je me souviens d'une période où tu disais que tu trouvais le rap ennuyeux, c'est toujours le cas?
T: Disons que c'était ennuyeux pendant un bout de temps et que c'est de mieux en mieux. Des groupes comme TheCoolKids me branchent bien en ce moment. En plus, un rappeur en ultra slim c'est assez impressionnant.
HHC: Cette question me permet de rebondir sur tes collaborations avec le groupe Antihero et Grems. Comment les connexions se sont elles faites?
T: Ahhh, là tu vas me plaire!! Alors on va commencer avec Grems parce qu'on a déjà sorti des morceaux. On s'est rencontré par l'intermédiaire d'une amie commune qui a tout simplement fait la connexion. Je connaissais déjà certains de ses morceaux sur des vieilles compiles que j'aimais bien. Comme j'étais dans la prod à ce moment là, je lui envoyais régulièrement des beats, jusqu'à ce que je lui envoie le beat de 'Airmax'. Du coup, il y a eu 2 prods à moi sur son album. Le clip de 'Airmax' est passé pas mal de fois sur MTV, bref, très bonne rencontre. En ce moment je prépare une mixtape avec une dizaine de morceaux inédits à lui, que je vais produire intégralement, je vais également mettre des morceaux à moi, etc... C'est une mixtape rap scratch expérimentation, j'ai carte blanche, on voit ça dans pas longtemps.
Ensuite Antihero, j'avoue que c'est un de mes projets préférés. Avant tout, Antihero, c'est mes potes de chez moi. Ils faisaient du rap un peu dark madlib catch crunk, et puis un jour on s'est dit : "Tiens, allez, on essaie de faire un morceau ensemble à la maison, j'vous file un instru". On fait le morceau en question, tout le monde rentre chez soi et puis j'ai pris l'acapella et j'ai tout changé, et là tout est devenu cohérent. Du coup, maintenant, on a vraiment une manière de travailler et de rechercher le petit truc en plus ; c'est du spontané, du minimaliste, du rap, du catch, de l'alcool, de la drogue, de l'humour, de la fraîcheur, du scratch (un peu) et beaucoup de conneries. Je n'en parle pas plus je vous laisse juste les découvrir sur leur myspace, et s'ils vous plaisent, laissez vos feedbacks: www.myspace.com/antiheroavlib.
HHC: Au niveau de tes productions, comment tu les qualifierais et qu'est-ce qui les différencie de celles que tu fais pour tes breakbeats?
T: Les productions, c'est du synthé dégueulasse et des beats lourds. Un coup, ça va être rap ghetto, un coup ça va être Baltimore. On a un morceau qui commence tout doucement et qui finit presque en Baltimore teck. Des fois, tu te dis :"Tiens, je ferais bien un son qui sonne un peu comme ci, ou comme ça". Là, pour Antihero, je me dis juste : "Je veux faire un truc frais", pour que quand le mec vient au concert, il se dise : "bah merde, qu'est ce que c'est que ça?". Les breakbeats, c'est vraiment un taf différent. Faut que ça tourne bien pour scratcher, ne pas faire de contre temps trop fou. Le disque doit être le plus utile à un maximum de gens possibles, c'est un autre travail.
HHC: Tu bosses sur quel matos?
T: Un ordinateur, une carte son, un clavier midi, et c'est tout. J'ai pas besoin de plus. Si, peut-être un clavier avec plus de 2 octaves.
HHC: En parlant de production, que devient "Smoked Out Dreams", ton projet d'album solo?
T: J'ai tellement de nouvelles choses à faire que celui là est toujours en stand-by, le pire, c'est que cet album est prêt depuis des mois. Les gens qui le connaissent me disent que c'est vraiment un bon album. Sur ce disque, il n'y a aucun freestyle scratch, aucune "performance technique du cross fader", juste de la jolie musique a écouter. J'ai déjà mis quelques morceaux sur le myspace mais les meilleurs n'ont jamais été en écoute nulle part.
HHC: Ce projet a plus de deux ans, comment fais-tu pour qu'il conserve une certaine fraîcheur?
T: Je pense que ce disque est intemporel, un peu comme un disque de funk, c'est pas que c'est frais ou pas, mais que tu l'aies écouté il y a 2 ans ou que tu l'écoutes dans 2 ans, ça doit faire le même effet. Ça n'a encore rien à voir avec mes breaks, ou ce que je fais avec Grems ou Antihero.
HHC: Au niveau des mixes, quels sont les disques que tu joues le plus en ce moment?
T: Il n'y a pas vraiment de disques que je joue plus que d'autres. J'ai un mix d'1h30 que je fais en ce moment où je vais te mettre AC/DC, Jay-Z et Maceo Parker ou Sebastian Uptown et Busy P. Avant je n'aimais pas trop bosser mes mixes à l'avance, j'avais pris l'habitude de prendre beaucoup trop de disques en soirée et de freestyler pendant 2h. Là, je me suis dit : "Pourquoi pas bosser sur un mix show?" Et voilà! Je l'ai testé sur mes dernières dates (Astropolis) et ça a bien marché.
HHC: Aura-t-on un cd mixé prochainement disponible?
T: Je ne peux pas te dire, mais j'y ai pensé très fort il n'y a pas longtemps.
HHC: Quels sont tes projets à venir?
T: "Brik A Breaks Volume 2" qui est sur le point d'arriver. La mixtape de Grems, le EP vinyle de Antihero (3 titres + 4 instrus) suivi de l'album de Antihero, des maxis et d'autres choses...
HHC: Ton meilleur souvenir (compétition, soirée...)?
T: La victoire au Beatdown à New-York en 2002. Je me suis retrouvé avec Kodh et Netik et tout le monde, c'était la fête, on n'a pas dormi de la nuit. Je me suis retrouvé dans ma chambre d'hôtel avec des cartons de cadeaux qui allaient jusqu'au plafond.
HHC: Le pire souvenir?
T: Le lendemain de la victoire du coup! Vu que j'étais arrivé un jour après tout le monde, et bien je suis resté un jour de plus, sauf que tout le monde était parti la veille. Donc premier mauvais point. Mais vu que j'avais fait nuit blanche et bah, ça faisait un peu l'effet d'un zombie français à New York, sans aucun contact là bas, la nuit en plus à l'hôtel qui n'est pas payé, etc.
HHC: Y a t'il une question que je ne t'ai pas posée et à laquelle tu rêverais de répondre?
T: Bah non ça ira là!
HHC: Un message pour nos lecteurs?
T: Si vous êtes arrivés jusque là, ça veut dire que vous avez tout lu et je dis juste bravo, yo! Allez voir mon myspace il y a des nouveaux sons, des nouvelles vidéos, etc.
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