Dans la famille Touche-à-tout, je voudrais le fils. Mais attention, le fils prodigue ; il nous revient, tel un prodige. Ce sont les blagues les plus courtes qui sont les meilleures? Faisons alors ici le pari qu'il en est de même, parfois, pour les disques. Nous ne vous ferons pas l'affront de présenter Alfred Weisberg-Roberts, celui qui va par le pseudonyme joycien de Daedelus. Depuis deux ans, en deux formats longs et deux formats courts, vous aurez eu le loisir de remarquer sa casaque ocre de jockey favori de notre écurie. Il choisit ses courses et finit toujours classé, le bougre. Et il commet actuellement "Fair Weather Friends", un événement musical qui, s'il ne porte pas tout à fait la griffe du chef d'œuvre (notamment de concision), n'en passe pas loin et mérite haut la main nos colonnes.

Il semble difficile d'imaginer plus hétéroclite que les cinq morceaux rassemblés par ce nouveau disque du Californien fou (de ses consoles et de ses casques). Pourtant, quelle logique! Quel maintien dans la forme! Quel culot. Ainsi, dans le désordre, nos oreilles ravies sont mises en présence d'un titre néo-RnB à peine trituré, d'une ballade ultramoderne terminant l'album sur des "bonjour" répétés, d'un morceau de bravoure sans nul doute écarté des discothèques car il ridiculiserait trop l'histoire de la musique électronique (la résumant si facilement), d'un tube immédiat néanmoins insolent de complexité et, pour le même prix, d'une plage toute en rythmes étouffés d'où jaillissent des cordes belles à pleurer. A vous de trouver quoi est quoi ; vous aimez jouez, nous le savons.

"We've got the same things on our minds that you boys do."

Plus que jamais, le monde de Daedelus est un monde à part, un lieu où l'on se love à l'envi. Il se peut que des salons, des chaînes hi-fi, des personnes physiques y soient absolument rétives. Il se peut aussi que ce soit dommage pour eux. Car les plages qu'il confectionne sont tout confort, dès lors que l'on veuille un minimum se laisser dépayser par l'écoute, oublier (si on en a) ses ornières rythmiques et stylistiques. Ce sont souvent beaucoup plus que de vulgaires démonstrations instrumentales, étalages d'adresse aux manettes ou quoi que ce soit de cet ordre. Cette musique est bien plus habitée. La personnalité en premier. L'émotion qui, si elle est palpable dès la première écoute, dans le chaloupement général, n'est pas en reste après dix, vingt ou trente nouvelles occurrences sur platine. On ne saurait que trop vous recommander d'acquérir cette galette, entre autres si l'individu vous est inconnu. Soyez-en sûrs : il ne le restera pas très longtemps.

Billyjack
Novembre 2007