Lieu: Twenty-One Bar, Paris.
Date: Dimanche 17 février 2008.
AWOL One après Radioinactive, Thavius Beck et Giovanni Marks : en à peine six mois, c'est presque toute la crême de la west coast underground qui est passée au Twenty-One, petit rade niché loin derrière la Bastille. Presque toute la west coast underground, c'est aussi ce autour de quoi notre Tony Martin apparaît dans un titre repris pour sa dernière compilation vendue sur place, "Afterbirth", étant donné que pas moins de onze emcees sont réunis sur 'Crew Cut For Sale' (tiré du "Young Dangerous Hearts" de Subtitle).
Sans avoir pour cela besoin des dizaines de minutes de retard qui font certaines stars, Tony Martin a.k.a. AWOL One alias le déserteur public N°1 fera ce soir une heure de set flemmard et maginifique, au terme duquel il quittera son énorme parka pour un dernier titre et une petite danse extatique sur le 'We Are The Champions' de Queen. Il y a du Robert Mitchum en lui – même s'il le nie. Il y a également de ce camarade de classe portant un nom christique, que vous avez perdu de vue. Avant que Tony ne se déchaîne à sa manière détachée, se seront produits les habitués Chester & Sax, les Arizoniens Brad B & Foundation (a.k.a. The Insects), ainsi que le performing artiste Sean Griffin qui nous gratifie d'un demi-insecte en gros plan, sans cesse amélioré par sa technique tandis que les rappeurs se succèdent derrière lui.
En écoutant Tony dérailler de la voix (superbement) sur le mythique 'Rhythm' produit par Daddy Kev, on se surprend à voir défiler le parcours des Shapeshifters, usine de transformation made in Los Angeles, en activité depuis plus de dix ans : un chaos permanent entouré de pépites musicales comme autant de satellites, ou comment être sa propre légende et son propre effondrement. Quand le Wolrus rappe
"I need a beer right here", on ne sait jamais vraiment s'il est sérieux ou imagé. Il est les deux. Quand il ajoute
"Everyone is a baby" à la fin d'un de ses refrains emblématiques, on sait qu'il le pense, lui qui n'a de cesse de répéter qu'il voudrait être un bébé pour remettre à zéro les compteurs, tout effacer, tout revivre, changer les règles du jeu. On savoure les titres de son subtil dernier opus en date, "Only Death Can Kill You", produit par Factor avec qui la sauce avait aussi bien pris qu'avec Mascaria pour "The Chemikillz" (et, dans un autre style, avec Josh Martinez pour "Splitsville").
"No radio is louder than mine". Avec son ton rauque et le frétillement désespéré de ses invectives, AWOL One est un des artistes les plus singuliers, toutes catégories confondues, un apôtre des sons modernes et de ce qu'ils disent : un poids lourd de la musique actuellement fabriquée. Même si certains de ses détracteurs ont raison de douter qu'il commette jamais un album parfait, les rares spectateurs du Twenty-One Sound Bar ont pu voir dans la silhouette du rappeur débonnaire quelque chose comme une épiphanie embrumée.
"People don't know that I'm not human".
Article de
Billyjack, le 22/02/08
Photo de
Kreme.
Février 2008