Introduction
Défini par les académiciens comme un "style musical accompagnant un rythme martelé de paroles improvisées ou écrites", le rap est, avant tout une sous-division de ce que l'on désigne comme le hip-hop, un mode de vie dont la musique est la partie immergée de l'iceberg. En plus des DJ, qui fournissent les musiques, et des MC, qui débitent des textes, le hip-hop regroupe des activités comme la danse (break, smurf...) et la peinture (graffiti, tag) mais est aussi régi par des codes vestimentaires et comportementaux influents.
Conçu par et pour le ghetto noir américain, le rap est avant tout une musique basée sur une constante innovation, sur un refus de toute institutionnalisation ; une musique où l'originalité est un facteur déterminant pour se faire connaître. Pour créer un "buzz" autour de son nom, il est primordial d'arriver dans les bacs avec un concept inédit, un nouveau flow, un nouveau type de musique... Les artistes ayant basé leur carrière sur une constante mise à jour de leur niveau face à l'évolution rapide de la concurrence et sur une intégrité à toute épreuve sont les seuls à avoir gardé une certaine longévité artistique.
Dans cet exposé, nous nous emploierons à faire tout d'abord une étude chronologique de l'apparition et du développement du rap aux Etats-Unis puis nous mettrons en évidence les rapports qu'il a entretenu avec le marché, l'image ou encore la censure...
1. Les racines du rap
Pour ce qui est des influences lyricales, comme nombre de musicologues ont pu le faire remarquer, les rappers perpétuent en un sens la tradition des griots africains, ces poètes et musiciens qui se décrivaient et indiquaient leurs conditions de vie et celles de leurs contemporains dans un monde en crise. Cependant, les racines les plus directes du rap remontent à la fin des années 1960 et à l'apparition des Last Poets, un collectif de jeunes Noirs militants ayant mis leur rage en rimes et en percussions afin de transmettre leurs messages révolutionnaires.
Les influences musicales principales sont, quant à elles, bien évidemment la soul et le funk qui rythmaient les parties de chaque quartier mais aussi le jazz pour son sens de l'improvisation et sa remise en cause des schémas mélodiques classiques. Le rap est en effet un coup de poing, un moyen pour le rappeur au micro de prêcher sa parole en face d'inconnus et de tenter de les convaincre, quel que soit le message. Les idées sont dès lors courtes, ce sont des flashs sonores et des significations qui fusent, des chocs répétés de mots courts ou longs à la phonétique proche destinés à frapper l'auditeur... comme pouvaient l'être les solos des musiciens du free jazz .
Les origines du rap ce sont aussi les sounds systems jamaïcains où des disco mobiles aux haut-parleurs énormes colportent à travers l'île, depuis le milieu des années 60, chaque nouveau tube reggae et sont des lieux de micro ouvert pour tous les chanteurs qui désirent se faire connaître.
Mais le père fondateur de la culture hip-hop qui a vu naître le rap est un dénommé Clive Campbell, plus connu sous le nom de KOOL HERC. En 1973, ce jeune immigré jamaïcain fasciné par les sounds systems et par les disques de James Brown anime une soirée pour l'anniversaire de sa soeur dans la cave de son immeuble du Bronx (New York) et a la géniale idée d'utiliser deux platines afin de pouvoir enchaîner sans pause les morceaux et de faire durer les breaks, ces passages rythmiques où tout disparaît au bénéfice du beat, du tempo nu. Dès lors, les soirées se multiplient pour lui, les danseurs venant en masse pour donner libre cours à leurs improvisations. Afin de "chauffer" quelque peu la foule en début de soirée ou pour saluer quelques personnes, Herc décide de faire monter sur scène une "célébrité" de chaque quartier ayant rôle d'ambianceur dans ces blocks parties.
Peu à peu, ces ambianceurs vont mettre en rimes leurs messages de la manière la plus originale et la plus rythmée possible. Des rivalités vont apparaître au fil des soirées entre chaque ambianceur donnant lieu à des joutes verbales qui déchaînent les foules. C'est la naissance des premiers MC, les Maîtres de Cérémonie, des premiers rappers et, par là même, de toute la culture Hip-Hop... qui va se répandre peu à peu dans tout New-York.
2. Le Rap aux Etats-Unis
Les Prémices: De 75 à 85
Les premiers MC
Les premiers rappers des années 75-82 racontent des anecdotes, occupent l'espace avec des rimes matérialistes ("J'ai des chaînes en or, de l'argent et des filles à la pelle"), vantardes et festives. Il n'y a à l'époque quasiment aucune profondeur dans les textes... Le premier MC à rapper des textes dépassant la simple interpellation ou animation de soirée est COKE LA ROCK dans les soirées de Kool Herc. MELLE MEL lui emboîte le pas et les COLD CRUSH BROTHERS et les TREACHEROUS THREE sont les premiers à mettre en place des "routines" (textes où ils s'interpellent mutuellement) qui font le tour de tout New-York et des quelques soirées hip-hop. Un microcosme se développe au fil des ans réunissant de vrais passionnés.
Mise en place progressive de la base sonore du rap
Au début, comme nous l'avons vu, le seul support musical pour les rappers étaient les breaks des disques de funk rallongés par le biais de l'utilisation de deux platines. GRANDMASTER FLASH, DJ renommé, électricien et bidouilleur de talent va faciliter cette manipulation en réalisant la première table de mixage lui permettant d'enchaîner les disques sans coupure.
GRAND WIZARD THEODORE va quant à lui découvrir accidentellement le scratch vers 1978. En effet, alors qu'il écoutait de la musique un peu trop fort dans sa chambre et que ses doigts étaient encore à proximité de la platine, sa mère fit une entrée violente afin de lui demander de baisser le son. Cette irruption soudaine surprit Theodore et sa main glissa sur le vinyl. Intrigué par le son étrange qui s'était échappé des enceintes, il le reproduisit jusqu'à ce qu'il puisse s'en servir comme d'un "instrument rythmique" dans ses soirées. Après une période d'adaptation, le public en devint friand et le scratch allait permettre aux DJ de s'exprimer un peu plus personnellement et de se démarquer par leurs techniques de la concurrence.
La dernière innovation, sûrement la plus importante pour l'affirmation du rap en tant que genre musical à part entière, fut la création du premier sampler vers 1984. Cet appareil permettant d'emprunter des échantillons sonores à des disques et de les incorporer à de nouvelles compositions en les transformant quelque peu va marquer la naissance du rap en tant que genre musical à part entière. En effet, les rappers ne seront plus tributaires des breaks et les DJ en possession d'un sampler pourront créer leur propre musique sans même savoir jouer d'aucun instrument et sans connaître le solfège. Les premières sources de samples seront les disques de rock, de funk, de reggae et de soul mais, par dessus tout, les disques de James Brown, qui seront littéralement "pillés" pendant presque dix ans, jusqu'à un élargissement des sources de sampling.
Premières traces vinyliques
La première trace discographique du rap est le maxi de FATBACK: "King Tim 3 (Personnality Jock)" sorti en 1979 qui sera suivi de près par le fameux "The Breaks" de Kurtis Blow. Mais le premier tube du rap est bien le 'Rapper's Delight' de SUGARHILL GANG sorti la même année par un groupe monté de toute pièce et rappant les paroles des meilleurs rappers des block parties.
Sur ces premières sorties, le sampler n'existant pas encore, la musique est jouée par des groupes de funk reprenant des standards ("Good Times" de Chic pour Sugarhill Gang...) et les textes sont essentiellement festifs, voire comiques. On pourra citer encore parmi les premiers rappers à laisser une trace enregistrée T-SKI VALLEY, FEARLESS FOUR ou FUNKY 4+1... Quasiment toutes ces sorties se font sur le label Sugarhill Records qui s'impose comme le premier label rap, point d'ancrage des rappers.
Les sorties s'intensifieront par la suite avec l'avénement de nouveaux labels tels que Tommy Boy qui donnera sa première chance à l'électro-rap, savant mélange de musique électronique et de rap (AFRIKA BAMBAATAA, JONZUN CREW,...) ou Profile (RUN DMC) et plus tard de Def Jam qui régnera sans partage sur le marché à partir de 85 avec LL COOL J et les BEASTIE BOYS, deux légendes du hip-hop.
Bases philosophiques du mouvement
AFRIKA BAMBAATAA a donné une âme au mouvement émergent qu'était le hip-hop en 1982. Membre de Gang, il voit ses amis mourir sous les balles et décide de créer quelque chose de positif pour que les siens puissent se sortir du cycle infernal de la violence. Autour du hip-hop, il décide alors de fonder la ZULU NATION qui prône un retour aux sources africaines et érige en principe fondamental une doctrine simple: "Peace, Love and Having Fun". Cette maxime sied parfaitement aux premières heures festives du hip-hop, cependant, en 1982, tout est d'un seul coup remis en cause...
La sortie de 'The Message' par Grand Master Flash and the Furious Five est une réelle déflagration. Dans ces années de Reagannisme, des rappers vont pour la première fois s'engager socialement et faire une description sans fioritures de leur environnement délabré où les junkies jonchent les trottoirs et la folie guette tous les laissés pour compte de la société, dressant ainsi le tableau d'un ghetto en voie de tiers-mondialisation. Ce texte à lui seul va changer à jamais la face du rap, résumant quasiment tous les textes des années suivantes et faisant entrer cette musique dans une nouvelle ère.
L'âge d'or du hip-hop: De 85 à 92
En cette période "bénie" selon tous les amateurs de rap, même si les sorties se sont intensifiées depuis les premières années, il y'en a encore relativement peu et elles sont toutes longuement mûries donnant lieu à de nombreux classiques de l'histoire du rap. C'est une période d'intense créativité tant au plan musical qu'au plan textuel et c'est pour cela que les américains l'appellent le Golden Age.
La période des Battle
Comme nous l'avons vu, depuis sa naissance, le rap a donné lieu à des joutes verbales qui ont permis de révéler de grands talents de l'improvisation ou de la rime écrite. Cette tradition va donner lieu à quelques-uns des plus grands moments du rap. Ainsi à New-York, les quartiers s'opposent, chacun revendiquant la paternité du rap (réellement originaire du Bronx). En 1986, MC SHAN sort 'The Bridge' où il affirme que le Queens, son quartier a donné naissance au rap. KRS-ONE, originaire du Bronx, contre-attaque avec 'The Bridge Is Over' et, pendant un an, les deux rappers vont se livrer un véritable combat à coup de maxis interposés... De même LL COOL J et KOOL MOE DEE vont se battre virtuellement dans leurs titres et leurs clips, le dernier étant particulièrement jaloux du succès immédiat du premier... Mais jamais aucune opposition n'en viendra aux mains, le respect étant omniprésent de part et d'autre.
Le règne des lyricistes
La tendance textuelle dominante est dans ces années le drame, le récit urbain qu'à magnifié 'The Message'. Parmi la multitude de labels qui se créent émerge Cold Chillin', le label de Marley Marl, sûrement le plus grand DJ et producteur de la fin des années 80. Il a en effet dans son écurie des talents aussi bruts que divers sous la forme de rappers devenus aujourd'hui légendaires :
- KOOL G RAP, le premier rapper à incorporer des récits mafieux dans des textes à la violence et au réalisme inégalés.
- BIG DADDY KANE, une voix de baryton aux services de textes mettant en avant une parfaite connaissance de la rue et de ses rouages avec un tempérament "belliqueux".
- BIZ MARKIE, un déjanté au flow hallucinant et auteur des textes les plus imprévisibles tels que 'I Need A Haircut' ou 'Pickin' Boogers' ("A la chasse des crotte de nez"!!).
- ROXANNE SHANTE, la première femme à avoir une renommée dans tout le pays.
- ERIC B and RAKIM, la réunion d'un DJ ingénieux et de celui que les Américains appellent The God (Dieu) pour la portée universelle et métaphysique de ses paroles marquant à jamais toute une génération de fans.
Def Jam tient la dragée haute à Cold Chillin' en mettant à jour un jeune anglais du nom de SLICK RICK dont les paroles laissent une grande place à l'introspection mais aussi aux récits 'amoureux'. Mais c'est surtout grâce à PUBLIC ENEMY que ce label remporte la mise. En effet, nous avons peut-être là le plus grand groupe de l'histoire du rap. Armé d'une philosophie radicale et inventeur d'un mur du son rapologique, d'un réel chaos sonore, Public Enemy s'impose dès son premier album comme un groupe majeur. Le groupe, prônant l'autodéfense par les armes face à la suprématie oppressante des Blancs et cultivant l'imagerie paramilitaire Black Panther, va donner naissance à toute une vague de rap hautement politisé et engagé, ce qui n'avait pas été vu depuis les Last Poets.
Un autre grand lyriciste de l'époque est KRS-ONE (que nous avons déjà évoqué) au sein de son BOOGIE DOWN PRODUCTIONS. Celui qui se fait appeler le "métaphysicien du rap" ou le "Professeur", autodidacte de talent, prêche l'éducation et la connaissance de soi dans des textes humanistes et utopistes tels que 'You Must Learn'. Il est aussi l'un des premiers à introduire une composante reggae dans son flow et il initie le Stop The Violence Movement, un mouvement d'opinion relayé par les rappers et destiné à dénoncer le Black on Black crime (meurtre entre Noirs).
Confusion et émergence de la New School
Nous sommes ici dans une période très turbulente pour le rap qui connaît ses premiers procès pour obscénités et/ou violence et qui voit les stickers avertissant les parents sur le contenu des albums se multiplier sur les pochettes (les fameux Parental Advisory). Ainsi, le 2 LIVE CREW, adeptes du rap "porno", voit ses titres classées X et interdits de ventes dans certains états. ICE-T, premier rapper à émerger de Los Angeles, voit, lui, le retrait des bacs de son album pour la présence du titre 'Cop Killer' ("Tueur de Flic").
D'autre part, certains groupes, surfant sur la vague du militantisme enclenché par Public Enemy, se voient sous la haute surveillance du FBI. On peut citer parmi les plus influents les POOR RIGHTEOUS TEACHERS, le X-CLAN et PARIS, auteur d'un 'Bush Killa' explicite. Des micros seront posés chez certains qui seront sous filature constante et dont des profils psychologiques seront dressés.
De plus, le rap connaît alors les premiers problèmes juridiques liés au sampling. En effet, des artistes commencent à demander des droits sur les morceaux empruntant des portions de leur propres compositions. Ainsi, en 1992, Biz Markie se retrouve ruiné et voit son album retiré des bacs à la suite d'un procès retentissant, pour quelques mesures samplées sur un obscur hit de 1972. D'autres artistes se retrouveront dans la même situation jusqu'à une clarification des lois liés au sampling.
Mais le plus important danger planant sur la tête des rappers est bien la tentative de récupération du rap par les major companies à des fins commerciales. Après le succès mondial de Run DMC et LL Cool J et de certaines tournées, les maisons de disques comprenant le potentiel de vente du rap, on voit alors l'apparition d'un rap "dance" vidé de son contenu et basé sur un support musical "easy-listening" qui, même s'il connaîtra un fort succès au niveau des ventes, emmènera le rap à son plus bas niveau d'originalité, rendant ainsi moins évidente encore son acceptation en tant que musique à part entière et non comme mode "passagère" par la presse rock américaine. Le symbole de ce mouvement est VANILLA ICE, un rapper blanc inconsistant qui grâce au marketing vendra 3 millions d'exemplaires de son médiocre "To The Extreme"... MC HAMMER sera l'autre bête noire des puristes, accommodant en effet son rap d'un spectacle façon comédie musicale à Broadway et allant jusqu'à apparaître dans des spots publicitaires ridicules pour Pepsi ou la chaîne de restauration KFC.
Toute cette confusion donne cependant l'envie à une nouvelle génération de rappers de marquer un retour à un rap inventif et attaché à ses racines. Ces nouveaux rappers vont se revendiquer de la New School reléguant les anciens rappers à la Old School. La différence se marque par une attention plus grande portée au flow et par une perte de la linéarité des textes qui deviennent moins des histoires qu'on raconte ou des états d'âme qu'un martèlement de mots et d'idées. De plus, cette nouvelle génération va trouver une source infini de samples dans le Jazz et la soul des années 60 auxquels elle va s'attacher. On voit aussi parmi eux les premiers rappers blancs ou latinos crédibles (CYPRESS HILL, THIRD BASS, KID FROST). Les groupes les plus influents de cette période sont:
- GANGSTARR, symbole de l'alliance jazz-rap et de l'intégrité rapologique au service de l'éducation des masses;
- LEADERS OF THE NEW SCHOOL au style de rap saccadé, dont le génial Busta Rhymes est membre;
- PETE ROCK & CL SMOOTH, initiateurs d'un son jazzy maintes fois copié;
- MAIN SOURCE, mené par le talentueux Large Professor;
- BRAND NUBIAN, les messagers de la 5% Nation;
- LORD FINESSE, un rapper / producteur de talent;
- EPMD accompagné de son Hit Squad (REDMAN, K-SOLO) au Funk sale et ravageur et aux flows hautement innovants;
- ULTRAMAGNETIC MC'S auteurs de morceaux aux sonorités et aux paroles étonnantes et osées.
Mais le plus gros choc de cette période vient de la réunion de quelques groupes sous la bannière des Native Tongues. Ce collectif, réunissant A TRIBE CALLED QUEST, les JUNGLE BROTHERS, DE LA SOUL et bien d'autres groupes, se démarque par un afro-centrisme "bon enfant" et des récits à la poésie abstraite et au positivisme quasi psychédéliques qui firent penser à l'époque à un "revival" hippie.Cette renaissance du "vrai rap" n'empêche cependant pas les problèmes de subsister et elle marque la fin de l'âge d'or laissant place à une période plus prolifique mais moins innovante.
De 1992 à 2000: Explosion du "phénomène" rap
Les 'Gangsters' de la côte Pacifique au sommet des charts
Des précurseurs tels que Ice-T, Mellow Man Ace ou Kid Frost avait déja fait parler de l'émergence d'une scène rap sur la côte Ouest des Etats-Unis mais c'est en 1988 que tout va basculer. En effet, un jeune rapper qui a le sens des affaires monte un label, Ruthless Records, avec des fonds d'origine mystérieuses - vraisemblablement le deal de drogue - et sort l'album du groupe dont il est l'une des vedettes. L'homme se fait appeler EAZY E et son groupe est Niggers With Attitude, ou plus simplement NWA. Le monde va désormais entendre parler d'une nouvelle sous-division rapologique : le Gangsta Rap. Les récits de drive-by-shooting (assassinats de gangsters rivaux à l'arme automatique depuis une voiture) ou de deals dans les rues de L.A. vont devenir la nouvelle norme d'un rap musicalement plus mélodique et accessible que celui de New York, mais textuellement plus menaçant. DR DRE en est l'architecte sonore, empruntant à tout va des échantillons des disques de George Clinton. Le détonateur pour NWA est le titre 'Fuck The Police' où ils s'en prennent aux forces de l'ordre qui multiplient les bavures et les délits de faciès dans les quartiers noirs. Boycotté par les radios, NWA vendra quand même plusieurs millions de ses albums jusqu'à une séparation qui donnera lieu à des carrières solos couronnées de succès pour chaque membre (ICE CUBE, MC REN, Eazy E jusqu'à sa mort des suites du Sida...).
Dr Dre sera lui le membre le plus chanceux de NWA avec la découverte de SNOOP DOGGY DOGG, un rapper à la diction paresseuse et aux textes à la fois humoristiques et durs qui séduiront l'Amérique entière et amèneront le label monté par Dre, Death Row, à devenir la Motown rap du début des années 90; chaque nouvel album du label s'écoulant comme des petits pains et le label totalisant 18 millions d'albums vendus entre 1992 et 1996. The DOGG POUND, WARREN G et d'autres profiteront de leurs affiliations à ce label pour lancer leur carrière; toujours dans un registre faisant fortement référence aux gangs. D'autres artistes feront encore parler d'eux comme MC EIHT, DJ QUIK, ou encore dans un style moins mélodieux CYPRESS HILL, FUNKDOOBIEST, HOUSE OF PAIN et COOLIO qui connaîtront un succès international...
Cependant, issu de cette vague, un artiste sort du lot et s'impose comme un modèle et aussi un "sex symbol" pour de nombreux jeunes en manque d'idéal. Cultivant une image à double facette entre un côté "lover" - qui a engendré des perles tels que 'Dear Mama' et 'Keep Ya Head Up', véritables odes aux femmes fortes - et un côté "bad boy" - à l'origine de titres comme 'Fuck The World' ; 2PAC séduit aussi bien les filles que les garçons et atteint une popularité inégalée. Auteur de titres très introspectifs et obsédé par la mort ('If I Die Tonight', 'Death Around The Corner', 'I Wonder If Heaven Got A Ghetto'), il meurt assassiné dans des circonstances mystérieuses en 1996. Sa mort marque le déclin de la côte Ouest, qui va s'engluer dans des guerres fratricides liées aux gangs, et ouvre la porte à des dizaines d'albums posthumes et à une adoration quasi-religieuse de Tupac.
Diffusion du hip-hop dans les USA et Retour de New-York au premier plan
Durant la période de règne de Los Angeles, les rappers new-yorkais se sont fait discrets. Les seules nouvelles têtes d'affiche sont en effet REDMAN, DAS EFX, ONYX ou NAUGHTY BY NATURE qui permettent d'apporter une alternative, plus dure musicalement, au Gangsta Rap. Les autres rappers parvenant aux succès ne font que critiquer la "dérive" du rap pour plaire aux puristes, tel TIM DOG dans son 'Fuck Compton' (quartier d'origine de NWA)...
Depuis 1992, on voit aussi arriver au premier plan des rappers issus de tous les coins des Etats-Unis. Ainsi, COMMON et NO I.D. de Chicago, les GETO BOYS de Houston, THE ROOTS de Philadelphie (premier groupe à incorporer des instrumentistes dans sa formation et dans tous ses concerts), EMINEM et SLUM VILLAGE de Detroit ou encore OUTKAST et GOODIE MOB d'Atlanta s'imposent en quelques albums comme des artistes majeurs du rap actuel. Les jeunes KRIS KROSS d'Atlanta, même si leur succès ne fut que bref, marquent en vendant 5 millions de leur premier album en 1992 le coup d'envoi de cette vague qui atteint aujourd'hui des sommets avec les ventes phénoménales de MASTER P et des soldats de son écurie No Limit de la Nouvelle-Orléans.
Entre 1993 et 1994, New York qui était au creux de la vague depuis un bon moment connaît une période faste avec la sortie coup sur coup de quatre albums hardcore qui relancent toute sa scène et s'imposent comme des classiques du genre: "Ready To Die "de THE NOTORIOUS B.I.G, "Enta Da Stage" de BLACKMOON, "Illmatic" de NAS et "Enter The Wu-Tang" du WU-TANG CLAN. Derrière eux, apparaissent de nombreux autres MC de talent: MOBB DEEP, JAY-Z, FAT JOE, JERU THA DAMAJA ou O.C.
Lassée par la superficialité, le sexisme et les récits toujours similaires des gangsta rappers de la côte ouest, cette nouvelle vague se démarque et retranscrit avec brio les difficultés nouvelles des Noirs et la violence physique et psychologique de la vie dans les ghettos ainsi que les espoirs de réussite de tous les jeunes qui s'y retrouvent "parqués". Les producteurs découvrent aussi le trésor de samples que représente la musique classique et ce renouveau new-yorkais va de pair avec une avalanche de pianos et de violons mélancoliques. New York voit ses ventes grimper en flèche et Los Angeles retourne dans l'ombre de la "Big Rotten Apple". Une tension palpable s'installe alors pendant 2 ans entre les deux côtes mais, malheureusement, cette fois-ci les violences ne resteront pas uniquement verbales et, en 1997, un an après la mort de 2Pac, The Notorious B.I.G., qui s'apprêtait à sortir son second album, périt sous les balles... La nation rap se rendant compte de la dérive violente qui la touche et des pertes qu'elle a entraîné s'unit alors pour calmer les esprits, comme le symbolise le tube de PUFF DADDY, dédié à son ami Notorious, 'I'll Be Missing You'.
L'ère Wu-Tang et le retour à l'underground
En l'espace de quatre ans, de 1993 à 1997, le Wu-Tang Clan envahit progressivement les bacs et impose son emprise sur toute la musique. Ce posse de neuf rappers, aux personnalités très différentes, autour duquel gravite plus de 30 groupes, est même élu en 1998 par les lecteurs de The Source (la "Bible" hebdomadaire du hip-hop) "meilleur groupe rap de tous les temps". Sous la direction du producteur-interprète The RZA, ces artistes s'inspirent de l'imagerie kung-fu, retournent à un hip-hop dur et sans concessions au son old school minimaliste et aux paroles sans équivalent et prennent en main leurs affaires et leur contrat en affirmant leur indépendance artistique. Un par un, les rappers du Clan sortent leurs albums solos dominant peu à peu le marché et devenant de vraies superstars.
Prenant exemple sur le choix d'indépendance du Wu et nostalgique de l'époque où le rap n'était qu'un moyen d'expression et non pas une machine à sous, tout un élan underground se crée sur les deux côtes américaines, symbolisé par les labels Rawkus et Loud qui renouent avec la qualité des sorties de l'âge d'or en ne proposant que des produits au contenu artistique irréprochable. Les chefs de file de ce mouvement, remettant le maxi vynil au goût du jour, ont pour noms COMPANY FLOW, MOS DEF, REFLECTION ETERNAL, ALL NATURAL, JURASSIC 5, DILATED PEOPLES, RAS KASS ou MIKE ZOOT.
De même, en réponse au matérialisme affiché par certains rappers ne cherchant que le succès facile en recyclant sans aucune originalité des tubes des années 80 (Puff Daddy, Jermaine Dupri...), un nouveau type de poétes-rappers se développe, arpentant les bars et les concours d'improvisation comme a pu le montrer magnifiquement le film "Slam".
Par ailleurs, les femmes se font plus présentes sur le devant de la scène avec les succès des "vétérans" QUEEN LATIFAH et MC LYTE et avec l'émergence de nouvelles rappeuses plus que sexy et prêtes à tout pour le succès telles que FOXY BROWN, ou LIL'KIM.
La fin de cette décennie nous donne aussi la réponse à une question qui pouvait être légitimement posée. En effet, nombre de spécialistes se demandaient si la longévité était possible dans le rap où les adeptes sont toujours à la recherche d'une nouvelle sensation de "fraîcheur", d'un nouveau son, d'une nouvelle diction, d'un nouvel argot... Les récents albums et le succès artistique et parfois commercial de vétérans tels que LL Cool J, Gangstarr, Brand Nubian, EPMD et Rakim ont prouvé que les puristes savaient ne pas oublier les grands artistes de leur musique, tant que ceux-ci savaient garder leur intégrité et se remettre au goût du jour.
De plus, dans cette période, le rap a largement dépassé le cadre de quelques passionnés constamment à la recherche des dernières nouveautés et a envahi tous les foyers de la middle class blanche américaine jusqu'à devenir aujourd'hui le genre musical majeur des USA, comme l'attestent les ventes phénoménales de deux artistes qui, au premier abord, n'étaient pas destinés à plaire au plus grand nombre: Jay-Z et DMX. Le premier a en effet battu un record historique en classant 5 semaines de suite son dernier album "Hard Knock Life Vol.2" à la première place des charts. DMX est lui rentré dans l'histoire en classant, dans la même année, 2 albums au sommet du Billboard US. Enfin, on peut dire que ces 8 dernières années ont marqué un peu plus encore le fossé se créant entre un rap underground, défendu par les puristes, haut-parleur des opprimés et porteur des valeurs originelles du hip-hop, et un rap commercial, cherchant sans cesse une brèche vers un succès rapide souvent au détriment de la qualité artistique.
3. Le rap et ses rapports avec le business aux USA
Depuis le début des années 90, le rap est devenu pour de nombreux jeunes des ghettos un moyen de se sortir légalement de la pauvreté et d'atteindre peut-être l'univers de luxe et la vie facile décrite par de nombreux textes de rappers américains.
Le rêve d'un label Noir
Comme nous avons pu le voir au cours de cet exposé l'histoire du rap aux Etats-Unis est fortement liée à celle des labels phares qui ont dominé chaque période que celui-ci a traversé : SugarHill, Tommy Boy, Profile, Def Jam, Wild Pitch, Ruthless, Death Row, Bad Boy, Loud, Rawkus... Ces labels ont quasiment tous été fondés par des jeunes passionnés de rap qui ont fait tout leur possible pour diffuser à travers le monde leur musique favorite.
Outre le parcours de Def Jam, label monté par Russell Simmons et Rick Rubin avec leurs économies en 1984 et qui représente aujourd'hui plusieurs millions de dollars, il convient de s'attarder sur la success story formidable de Master P, fondateur du label No Limit et entrepreneur sans égal. Au tout début des années 90, ce jeune noir fraîchement sorti d'une école de commerce ouvre un magasin de disques à la Nouvelle-Orléans et enregistre indépendamment son premier album. Pour le distribuer, il va sillonner tout le Sud des USA en voiture avec des exemplaires dans son coffre... il en écoulera 500 000!!! Il utilise alors son argent pour fonder son propre label et continue de distribuer seul ses albums suivants; les 4 seront certifiés eux aussi or! Il signe alors un contrat de distribution avec une major, ce qui lui permet d'être disponible dans tous les états et à l'étranger. Il prend dès lors d'autres groupes sous son aile, ouvre une entreprise de management de sportifs de haut niveau et pèse en 1998 plus de 100 millions de dollars, cristallisant le rêve du self-made man américain et de tous les jeunes dans la misère.
L'empire Wu-Tang
Le Wu-Tang Clan a non seulement marqué l'histoire du rap mais aussi l'histoire de toute la musique américaine, de par le contrat unique qu'ils signèrent en 1993 avec Loud. Ce contrat permettait à chaque membre du groupe de signer où bon lui semblait en tant qu'artiste solo et donnait ainsi la possibilité au Wu-Tang d'être présent chaque mois avec un nouveau disque dans les bacs, contournant les lenteurs administratives des labels. The RZA, tête pensante du groupe, eut de plus l'idée de monter deux labels avec l'argent gagné (RAZOR SHARP et WU-TANG), pour assurer un peu plus encore l'hégémonie de son groupe et mettre en lumière tous ses groupes satellites. D'autre part, les membres du Wu se sont débrouillés pour être présent en tant qu'invité sur tous les "gros" albums des dernières années.
Sur un plan moins artistique, le Wu créa en 95 Wu-Wear, une marque de vêtements estampillés de leur sceau qui leur permet encore d'engranger des dividendes importantes; mais aussi une chaîne de salons de beauté et de produits cosmétiques pour les Noirs qui voît ses enseignes se multiplier. Dernièrement, le Wu-Tang a aussi monté une marque de skate alors qu'aucun de ses membres ne le pratique, montrant ainsi qu'ils ont définitivement intégré les lois du capitalisme et les subtilités du marketing.
Un marché parallèle au rap
A côté des ventes officielles de disque, il existe un réel marché noir propre au rap : les mix-tapes. Ces cassettes réalisées par les meilleurs DJ mixent les meilleurs morceaux du moment avec des freestyles et des morceaux totalement inédits. Les ventes de ces cassettes sont parfois phénoménales et, à environ 6$ (~40 F) pièce, il arrive que certaines se vendent à 600 000 exemplaires. Les maisons de disques tolèrent ce marché, car elles savent que, si leur artiste est présent sur une mix-tape qui se vend bien, ceci lui fera une promotion efficace et gratuite. A l'opposé, les maisons de disques combattent le bootlegging, c'est-à-dire la mise en vente de pirates d'un disque avant sa sortie officielle par des personnes peu scrupuleuses en sa possession. En effet, ce phénomène a provoqué une baisse significative des ventes de certains disques. On estime ainsi que 200 000 bootlegs du "Illmatic" de Nas ont été vendus sous le manteau, occasionnant des pertes importantes pour l'artiste. En France, les mix-tapes connaissent aussi un développement exponentiel mais les chiffres de vente sont beaucoup plus raisonnables.
Outre ces moyens de distribution plus ou moins autorisés, le rap a initié des moyens de promotion inédits en donnant jour à la street promotion. Pour promouvoir un artiste, les maisons de disques font aujourd'hui appel à des sociétés extérieures qui se chargent de distribuer dans les endroits où se trouvent les plus grand fans de rap des prospectus publicitaires et des autocollants aux formes originales, mais aussi de couvrir toutes les grandes villes de stickers et d'affiches ou d'envoyer des maxis vinyles inédits aux DJ et aux radios spécialisées.
De plus, des entrepreneurs ont pu compter sur le pouvoir médiatique des rappers pour promouvoir leurs marques. D'anciennes marques de vêtements en perte de vitesse telles que Carhartt ou Caterpillar ont connu un nouveau succès du fait de la robustesse de leurs vêtements et chaussures qui ont su plaire aux fans de rap et aux jeunes. Par ailleurs, des marques de vêtements tels que Karl Kani, Cross Colours, Mecca, Enyce, Maurice Malone ou Tommy Hilfiger ont basé leur succès sur les coupes amples et confortables et sur le design street de leurs produits, aidés en cela par des rappers sous contrat. Elles ont imposé un look "rapper" qui s'est répandu dans le monde. Les rappers et leurs labels, conscients de l'importance d'un tel marché commence eux aussi à créer leur marque (Wu-Wear, No Limit, Phat Farm pour Def Jam, Enhance pour Loud, Sean John pour Bad Boy, Roc-A-Wear pour Jay-Z..). En France, Triangle, Wrung et Bullrot Wear sont les principales marques à avoir utilisé des rappers pour promouvoir leurs habits amples aux visuels inspirés par le graffiti.
D'autre part, au fil des ans, une presse spécialisée s'est développée aussi bien en France qu'aux Etats-Unis faisant le point sur les dernières sorties et tendances de l'univers rapologique. Aux USA, on peut citer Rap Pages, Vibe, Blaze, Rap Sheet et surtout The Source, qui a subtilisé la place de numéro 1 des magazines musicaux au légendaire Rolling Stone, marquant bien la prédominance actuelle du rap. En France, même si la situation est loin d'être aussi idyllique pour les journaux, des références de qualité sont trouvables dans les kiosques: L'Affiche, RER, Radikal, Groove, Da Niouz... et les fanzines amateurs continuent de se vendre dans la région parisienne.
On voit bien que le rap s'est non seulement imposé comme un genre musical mais aussi comme une force de vente et comme un pouvoir médiatique innovant, par le biais d'entrepreneurs emblématiques. Cependant, la nation rap garde toujours un oeil sur ses médias, par peur d'une institutionnalisation et d'une corruption qu'elle craint plus que tout. Ainsi, en 1997, l'ancienne rédaction de The Source fut totalement remplacé du fait d'une baisse flagrante du contenu des articles et de critiques un peu trop tendres à propos d'albums de proches de l'équipe, qui a été vivement dénoncée par les lecteurs... Le rap compte bien garder l'indépendance et le rôle critique vis à vis de la société qui ont fait son âme.
Conclusion
Cri de colère et de célébration, le rap est devenu en l'espace d'une vingtaine d'années la bande-son de toute une jeunesse en quête d'une nouvelle identité, grâce à l'acharnement de quelques passionnés. Censuré, boycotté par les radios, le rap, du fait de son constant renouveau et de sa fraîcheur, a pourtant su s'imposer comme la dernière alternative à une musique populaire formatée et vide de tout contenu. Il est, en effet, l'expression directe des incertitudes de cette fin de siècle. Cette tchatche hargneuse et poétique assenée comme une série d'uppercuts est devenue le symbole de "l'anti-langue de bois". De Cuba à l'Algérie, en passant par la Pologne, le Japon, l'Afrique Noire ou le Canada et surtout par la France, elle s'est répandue et s'est imposée comme le dernier moyen d'expression libre de toute une jeunesse en manque de repères et d'idéal. On peut, de plus, penser que son expansion va continuer encore un bon bout de temps car un peu partout dans le monde les difficultés subsistent. Par ailleurs, d'ici peu toute une génération ayant baigné dans un univers musical rapologique va arriver à la consommation et faire à coup sûr encore augmenter les chiffres de vente de cette musique.
L'ironie du sort est que les musiques, qui étaient auparavant abondamment "pillées" par les rappers, essayent aujourd'hui d'intégrer le rap à leur schéma rythmique. On ne compte plus les groupes de fusion rock ayant incorporé la composante rap à leur maelström électrique (Rage Against The Machine, Red Hot Chili Peppers...). De même, George Clinton et Prince, deux des dieux du Funk parmi les plus samplés, ont très vite pris en compte l'influence du rap pour leurs compositions. Même des artistes plus pop ont compris son importance; Texas et Björk faisant ainsi appel aux talents de remixeur de The Rza du Wu-Tang Clan quand Tricky convoquait Muggs de Cypress Hill. Dans une démarche artistique plus poussée, de jeunes jazzmen comme Steve Coleman, Erik Truffaz ou Branford Marsalis ont intégré des rappers à leurs formations, intéressés par le travail rythmique et les capacités d'improvisation de ceux-ci. Malgré une longue période d'acceptation, on constate que le rap est désormais considéré par les musiciens eux-mêmes comme un genre musical majeur.
Cependant, il convient de remarquer que, malgré tous ces métissages, le rap compte bien garder son intégrité et son regard critique vis-à-vis de la société. La nation rap est ainsi régie par des règles intangibles (attitude, look, tabous) mais scrupuleuses qu'il convient de ne jamais transgresser sous peine de s'en voir exclu. Par ailleurs, même s'il paraît au premier abord facile à pratiquer, le rap n'est ouvert qu'à ceux qui savent débrider leur imagination dans le moule rigide de la rime et du rythme; aux chroniqueurs sociaux qui savent dire en un texte toute une vie, en une rime toute l'émotion ou la souffrance d'un visage; à ceux qui peuvent faire d'une tranche de vie une fresque lyricale et sonore au réalisme poignant, tout en laissant libre cours à l'imagination des auditeurs. Sans conteste possible, le rapper est le griot des temps modernes.
Glossaire
- DJ : le disc-jockey, celui qui passe et manipule les disques.
- Flow : débit de mots, façon de rapper.
- Freestyle : Improvisation d'un rapper avec ou sans musique.
- Gangsta Rap : Variante de rap venue de Californie mélangeant des musiques mélodiques d'obédience funk et des paroles ultra-violentes ou sexistes.
- Hardcore : tendance dure et ultra-réaliste du rap, musicalement et textuellement parlant.
- Hip-Hop : Culture globale incluant le rap, le graffiti, la danse et le DJing.
- MC : Abréviation de Maître de Cérémonie. C'est le rapper qui tient le micro et met de l'ambiance dans une fête ou un concert.
- Mix-Tape : Cassette audio mixée par un DJ et enchaînant nouveautés, freestyles et titres inédits de différents artistes.
- Posse : Groupe d'amis ou de rappers.
- Sample : Echantillon sonore emprunté à un disque pour être incorporé à une nouvelle composition. Le procédé est le sampling et la machine est le sampler.
- Scratch : Effet sonore obtenu en actionnant un disque d'avant en arrière sur une platine et en modulant le son qui s'en échappe.
- Sticker : Autocollant.
Bibliographie
En français:
¤ Magazines mensuels : Real, L'Affiche, RER, Radikal, Groove...
¤ Ouvrages :
- Le rap ou la fureur de dire de Georges Lapassade et Philippe Rousselot, Loris Talmart, 1990
- Yo! Révolution Rap de David Dufresne, Ramsay, 1991
- L'Offensive Rap d'Olivier Cachin, Découvertes Gallimard, 1996
- The New Beats de S.H. Fernando Jr., Kargo, 2000.
En anglais:
¤ Magazines mensuels :
- The Source (The Magazine of Hip-Hop Music, Culture and Politics);
- Vibe;
- Blaze (disparu aujourd'hui);
- Rap Pages.
¤ Ouvrages: - Ego Trip's Book of Rap Lists de Chairman Mao, 2000
Fin
Cobalt Janvier 2001