Kut Masta Kurt Lieu : Nouveau Casino, Paris
Date : Samedi 6 Septembre 2003
Concert une fois de plus attendu que celui organisé par Hip-Hop Résistance en ce week-end du 6 Septembre au Nouveau Casino. Car, pour la première fois, le "Funky Redneck" Kut Masta Kurt et son acolyte de choix Motion Man débarquent en France afin de venir tester en live l'impact de leurs confections sonores sur les auditeurs de nos contrées. Auteurs du désormais classique "Masters of Illusion" aux côtés de l'incomparable Kool Keith, Kurt et Motion viennent poursuivre la promotion de l'album "Clearing The Field" sorti l'an passé en attendant de nouveaux projets en commun. Il était donc logique que Hip-Hop Core soit au rendez-vous pour donner aux absents un petit goût de cette soirée 100% hip-hop.
Alors que la salle se remplit peu à peu après l'ouverture des portes, DJ Junkaz Lou s'attire rapidement les faveurs de tous les backpackers présents. Mixant aux platines, il enchaîne les classiques boom-bap des années 90 ainsi que quelques titres récents fumants avec un sens de l'à-propos qui ne sera jamais démenti. Du 'Scenario' d'A Tribe Called Quest au 'Look At U Now' d'EPMD en passant par quelques délices de Pete Rock & CL Smooth, Run DMC et autres pointures, il livre une sélection sans faille et fait bouger les têtes du public comme il se doit. Après quelques minutes de set alors que la foule se densifie, DJ Fab (HHR) s'empare du micro et décline le planning des hostilités de la soirée provoquant quelques cris de joie au passage à l'évocation du "dynamic duo" de KMK et Motion Man.
Premier artiste à entrer en scène, Sinistre (de la Malédiction du Nord) interprète quelques titres de son futur album, toujours soutenu par un Junkaz Lou survolté aux platines. Si l'on retiendra quelques bons moments ('Clandestin'), la nouveauté totale des titres aux oreilles de la grande majorité des auditeurs ainsi que la diversité des ambiances proposées ne permettent pas de mettre le feu aux poudres et la prestation de Sinistre s'avère inégale. Léger bémol mais rien de bien grave donc.
C'est alors qu'à la surprise générale, Marc Live débarque sur scène pour un court set solo. La présence de l'Analog Brother comble les adeptes mais une grande partie du public n'a vraisemblablement pas conscience du lourd passif de l'artiste qui se présente à eux. L'annonce de son nom ne provoque pas en effet la liesse méritée mais, qu'à cela ne tienne, débordant d'énergie, l'homme à tout faire du trio KHM et ancien membre de Raw Breed interprète 2 titres solo inédits de sa voix rugueuse impressionnante. Son dynamisme communicatif parvient à définitivement réveiller la foule. L'associé de Kool Keith sort donc sous les applaudissements et tout le monde s'attend alors à voir débarquer sur scène les têtes d'affiche…
Mais DJ Fab annonce subitement la venue impromptue de TY. Avant de se rendre à son concert aux Mains d'œuvres, le prodige anglais a en effet eu la bonne idée de venir faire un tour dans l'autre événement incontournable de ce samedi soir… Et grand bien lui en a pris! S'emparant du micro avec fougue pendant que l'instru de 'Witness' de Roots Manuva retentit dans les enceintes, Ty déclenche l'hystérie collective. Effectuant ses réglages micro tout en lâchant ses rimes, Ty est tout de suite à son aise malgré la difficulté de la situation. Bouillant, il saute dans tous les sens et se lance dans une preview plus qu'enthousiasmante de son "Upwards" (encore inédit à l'époque). En une dizaine de minutes, il fait mouiller le maillot à l'ensemble des hip-hoppers présents, tous pris de spasmes et contraints de sauter pour libérer leur trop-plein d'énergie… De quoi donner envie d'acheter" Upwards "et d'aller voir son prochain passage dans nos contrées. Sa présence sur scène en étonne plus d'un et il livre là une prestation digne des plus grands.
Après ce petit encas de taille vient l'heure tant attendue. Déboulant sur scène en "Funky Redneck" (ayant revêtu sa fausse barbe à la ZZ Top et ses lunettes fumées), Kut Masta Kurt se place derrière ses platines Pioneer (!), fidèle à son engagement en faveur du mixage sur support CD. Livrant quelques scratches digitaux au passage, il se lance alors dans un petit exposé sonore qu'il intitule lui-même "A Journey Through Sampleland". Pendant environ 15 minutes, Kurt met en avant son talent inné pour le sampling en dévoilant les secrets de sa recette imparable. Passant tout d'abord un morceau original innocent (qu'il soit funk, soul ou d'origine plus obscure), Kurt l'enchaîne avec la tuerie rapologique qu'il en a extraite... Ponctuant ses mixes de "Yeeeee Ahhh!" décalés, le Funky Redneck montre l'étendue de son catalogue de bombes. De Rasco à Skhool Yard en passant par PMD, Dilated Peoples, Masters of Illusion, Grand Agent et bien entendu Motion Man, il nous fait prendre conscience l'air de rien de son importance dans le paysage sonore de ces dernières années.
Une fois, ce mini-set terminé, il repart dans les loges pour en revenir vêtu de son célèbre maillot de football américain floqué du numéro 32 et de son pseudonyme ainsi que de son non moins célèbre masque de catch à la Lucha Libre. Entrant en scène suivi de Motion Man mais aussi de Marc Live et Lyrical C (qui se chargeront des backs), tout commence par 'Straight Flowin' On 'Em'. Enchaînant à un rythme soutenu les titres extraits de "Masters of Illusion" et "Clearin' The Field", Motion Man impressionne par la facilité apparente de sa prestation et par son aisance microphonique. Ne manquant aucun beat, ne versant pas une goutte de sueur malgré l'agitation de la salle et rappant sans répit de son flow élastique, il contrôle réellement le public et montre que sa réputation de freestyler émérite n'est pas usurpée. Intelligible, sûr de lui, maître de sa respiration, il est dans son élément. Et si "MC means Mic Control", Motion Man mérite définitivement ce titre… Motion Man n'hésite pas à faire participer le public sur plusieurs de ses titres l'invitant à chanter les refrains avec lui et à se laisser aller. Le public réuni au Nouveau Casino, très réceptif et dynamique, fait vraisemblablement plaisir à Motion Man qui a pensé à tout le monde dans son show. S'il enfile les bangers pour satisfaire les males omniprésents ('Loose Cannon', 'Time 2 Get Right', 'Step Up', 'Hold Up', 'Having A Moment' ou encore 'Partnas Confused' bien entendu), il a ainsi préparé une petite pause pour les "ladies" (comme il les nomme) avec le caressant et salace 'Let Me Talk To You'. Toujours l'humour dans la poche, Motion enchaîne sur l'hilarant 'Beotches' et son refrain parsemé de "bitch". Quant à Kutmasta, toujours égal à lui-même, il parsème ses productions de scratches refaits à l'exactitude même. Quand plusieurs ruptures de nuque sont constatés dans la foule, on comprend que l'efficacité de ses productions prend toute sa dimension en live.
Alors que les hypemen sont restés relativement discrets tout le long du show, se contentant d'appuyer les phases de Motion Man et de bouger en rythme, ce n'est qu'au milieu du concert que l'on peut entendre réellement une prestation du méconnu Lyrical C ainsi que de Marc Live. La session freestyle fait plaisir. Puis les titres se suivent. Mais le plus gros reste à venir… En effet, à l'évocation du nom de Motion Man, tout hip-hopper français normalement constitué ne pourra s'empêcher de penser à 'The Terrorist', morceau devenu culte que l'on pouvait trouver à l'origine sur l'album de DJ Vadim "Life From The Other Side". Le concert touchant à sa fin, on ne pouvait pas se résoudre à ne pas entendre ce fameux morceau. Motion Man nous avait confié pendant notre entretien avec lui avant le concert qu'il était étonné de l'impact de ce morceau sur le public européen et qu'inconscient de l'écho reçu par ce titre dans nos contrées il n'avait pas apporté dans ses valises l'instrumental de 'The Terrorist' et ne se souvenait même plus de ses couplets d'époque. Pourtant, d'un seul coup, c'est bien l'instrumental en question qui résonne dans les enceintes à pleine puissance et qui entraîne des réactions incontrôlées dans le public. Motion Man pose même ses rimes à la perfection, le public en veut encore… Comment mieux finir que sur ce morceau ? Le concert s'achève donc par un nouveau freestyle sur 'The Terrorist' où Motion Man, Marc Live et Lyrical C s'en donnent à cœur joie et profitent au maximum de leurs derniers instants de show à Paris.
Au bilan, HHR nous a encore gâté avec une soirée hip-hop de haute volée dont on retiendra en priorité la très bonne prestation des 2 maîtres de l'illusion mais aussi la venue éclair de Ty. Une soirée dont on retiendra aussi la très bonne ambiance générale et l'organisation sans faille. En un mot comme en cent, une sacrée soirée… en attendant la suite…
Blaze et
Cobalt Septembre 2003
PS : Big up à Nicko.