Le rap se meut, et se structure, au travers de deux sentiments distincts et antinomiques. Le premier, source de production de quolibets pléthoriques, est un moyen pour tout jeune arriviste de voir son nom s'inscrire dans les pages de The Source et dans les post des forums internet. Le Beef, ou l'art de se créer des embrouilles pour des broutilles, est la nouvelle technique de communication employée par les directeurs artistiques afin d'augmenter les chiffres de vente de leurs poulains. Aujourd'hui, quasiment plus aucun artiste ne sort de l'anonymat de l'un des cinq quartiers de la Grosse Pomme sans avoir déverser au préalable son fiel sur, au hasard, Eminem et/ou 50 Cent. Cette technique de vente repose sur une règle d'or: dans ce milieu, la haine fait vendre et plus l'artiste importuné est classé en haute rotation dans les médias généralistes, plus les possibilités de lancer une carrière météorique sont importantes. Certes, l'histoire du Hip Hop est émaillée de clashs fondateurs, mais y a t-il une comparaison possible entre les écrits de Benzino et les paroles de 'Soul On Ice' de Third Bass ? Ignorant les conflits de bacs à sable, une frange d'irréductibles idéalistes extraient leur inspiration d'une émotion particulière, ce second moteur du rap. La taille de l'empreinte laissée par les artistes dans le marbre du Hip-Hop s'apprécie assez rarement à partir du système de mesure hérité du billboard, mais plutôt via l'aspect qualitatif de leur production et la passion qu'ils ont manifesté pour la créer. Prince Paul est certes moins riche que MC Hammer dans sa période de gloire mais son nom hante encore, et sans doute pour longtemps, la mémoire sélective des B-Boys.
Paul Huston est au quatre cinquième un véritable produit de New York. Ses yeux se sont ouverts sur le monde dans le Queens, ses tympans ont vibré pour la première fois au travers de la collection des disques de jazz de son géniteur installé dans le district de Long Island, son argent de poche termina sa course dans les caisses des marchands de vinyles de Manhattan, et les Block-Parties qui avaient lieu dans le voisinage de sa grand-mère (qui possédait un coquet pavillon à Brooklyn) changèrent radicalement sa vie. Par contre, rien ne laisse supposer dans sa biographie qu'il ait jamais mis les pieds dans le Bronx. Nous sommes à la fin des années 70, celui qui ne s'appelle pas encore Prince Paul, et dont la flamme de la dixième bougie vient tout juste de s'éteindre, tombe en admiration devant les athlètes qui s'affrontent quotidiennement dans les fêtes de quartier dans le but de ravir au mieux l'appareil auditif de l'assistance. Il n'est pas encore au collège que son avenir est déjà tout tracé. Le petit Paul fréquente assidûment toutes les soirées qui ont un rapport plus ou moins direct avec le Hip Hop naissant, non pas pour être hype et collectionner les numéros de téléphone de la gent féminine, mais plutôt pour étudier les astuces employées par les maîtres d'œuvre qui manipulent les danseurs afin qu'ils effectuent les pires cabrioles. Ses ressources financières étant limitées, l'objectif premier de ces escapades en dehors du domicile familial consiste à répertorier, et à noter soigneusement sur une liste, le nom des disques qui passent sur les platines. Dans cette activité, Paul n'avance pas encore en solo. A l'époque, son plus fidèle comparse se fait encore appeler Busy Bee. Mais, la marque d'admiration pour celui qui fut l'un des tout premiers MC étant trop flagrante, ce dernier change rapidement de nom et opte pour un sobriquet dont l'évocation rend toute sa fierté aux amateurs de crottes de nez, à savoir Biz Markie. Malgré la névrose pour tous les objets circulaires en cire noire dont ils semblent être affectés, les deux hommes vont prendre des chemins radicalement différents. L'un ira faire de la musique avec sa bouche au sein de l'écurie dirigé par Marley Marl, le Juice Crew, tandis que le second, Prince Paul, entre dans la course et commence à défier la plupart de ses anciennes idoles, armé d'une solide collection de Breaks. En l'espace de deux années, il devient l'un des DJ's les plus célèbres de Brooklyn. A l'époque, il habite une bourgade dont le nom s'inscrit avec effroi dans la mémoire de tous les amoureux du septième art: Amityville; ce qui l'oblige à traverser, via les transports en commun, l'ensemble de la grosse pomme avec disques et platines sous les bras. Paul tient d'ailleurs une partie de sa réputation du fait qu'il n'hésite pas à s'extraire du sacro-saint triptyque Jazz-Soul-Funk, pour jouer des disques de rock, des bandes originales de film et même des musiques conçues pour les enfants durant ses sets.
Daddy-O, D-Lite et un de leur pote, Grand Supreme, fréquentent eux aussi assidûment les regroupements festifs qui ont lieu en bas des immeubles ou dans les clubs. Nous sommes alors en 1983, les deux premiers ont formé 24 mois plus tôt un groupe nommé Stestson Brothers avec un programmateur qui porte le nom de DBC. Officiant comme MC's, ils cherchent à respecter l'équation parfaite en recrutant un DJ pour les accompagner sur scène. Ayant de nombreux points communs musicaux avec Prince Paul, ils lui proposent tout naturellement le poste vacant. Celui-ci accepte sans hésiter. En l'espace de deux années, le groupe va connaître dans son mode de fonctionnement de profonds bouleversements. Un troisième rappeur, Fruitkwan fait son apparition, ainsi qu'un sixième membre dénommé Leonard "Wise" Roman qui se révélera (en plus d'avoir une bonne technique aux platines) un excellent batteur. Les Stestson Brothers deviennent Stetsasonic, signent avec le label cher à l'ex-Assassin Solo, Tommy Boy, et enregistrent leur premier album, le bien nommé et intouchable "On Fire", qui connaîtra la joie d'une sortie officielle en 1986. Arborant fièrement dans leurs lyrics un afro-centrisme de bon aloi ainsi qu'une conscience sociale et politique aiguë, le groupe s'impose surtout comme l'un des pionniers de l'instrumentation live. Bien avant que les Goats ou les Roots n'en aient eu l'idée, Stetsasonic a intégré dans son mode de production, en adéquation avec la programmation classique, un percussionniste. Prince Paul n'a pas, à cette époque, une grosse influence sur la direction artistique du groupe. Il n'a "que" le rôle de D.J. Mais il s'impose de plus en plus comme le bras droit de DBC, et finit même par produire quelques titres sur le second album, intitulé "In Full Gear", qui s'ajoute à la liste déjà longue de disque portant la mention "classique sorti durant l'année 1988". Le succès relatif de l'opus au niveau commercial, les tournées à rallonge et les inconvénients de la vie à six font naître de vives dissensions entre les membres. Pourtant, trois années plus tard, celui qui devait s'appeler à l'origine "And The Band Played On" trouve sa place dans les rayons des disquaires. "Blood, Sweat and No Tears" n'aura jamais les faveurs des ses prédécesseurs, ni aux yeux du public, ni face à la critique. Il reste tout de même (même si le débat reste ouvert) l'effort le plus abouti des six hommes, tant au niveau des musiques (le choix des samples est révolutionnaire pour l'époque) que de la portée de certaines chansons comme 'Ghetto Is The Wall' ou le consensuel 'Free South Africa'. Et devinez qui est à l'origine de ce succès artistique ? Prince Paul.
Retour sur une aventure parallèle. Le lycée d'Amityville n'est pas inscrit sur la carte touristique du Hip Hop. Pourtant, au début des années 80, c'est dans ce lieu que Paul Huston fait la connaissance d'un confrère débutant qui se fait appeler Mase. Ils s'associent dans leur quête du breakbeat ultime et animent ensemble certaines soirées du cru. En 1987, celui qui a rajouté un O à son nom sollicite son ami d'enfance et lui fait écouter la démo qu'il a réalisé avec deux de ses potes. Le titre s'appelle 'Plug Tuning', et les deux potes en question, Trugoy et Posdnuos. Prince Paul, qui à l'époque est frustré de ne pas pouvoir exercer ses talents de producteur en toute liberté au sein de Stetsasonic, accepte d'épauler les trois comparses. Outre des liens d'amitié indéniables, le D.J. voit à travers la démarche artistique hors normes des rappeurs le pendant parfait à son imagination débordante. Les quatre lascars réunissent 1000 dollars, enregistrent le morceau comme il se doit et commencent à démarcher les maisons de disques. Conscient que leur œuvre n'a rien en commun avec le reste de la production rap contemporaine, ils se font systématiquement refouler des bureaux des directeurs artistiques… sauf de celui travaillant chez Tommy Boy. Le premier maxi de De La Soul, qui avait une valeur de test et qui aurait bien pu être l'unique œuvre du quatuor, sort dans la foulée de "In Full Gear". Le plébiscite rencontré par le disque permet au groupe de disposer de l'avance nécessaire pour enregistrer un album et offre l'occasion à Prince Paul de se faire des nouveaux amis. Third Bass et Big Daddy Kane, entre autres, le sollicitent pour qu'il exerce ses talents sur, respectivement, 'Gasface' (titre qui associe aux caucasiens Zev Luv X avant que la vie ne lui fasse porter un masque d'acier) et l'un des titres de rap les plus efficaces qui ait jamais été réalisé : 'It's a Big Daddy Thing'. Revenons à nos amateurs de petites fleurs. 1989 est la date de l'acte de naissance officiel de la Native Tongues, qui réunit à ce moment là les Jungle Brothers, A Tribe Called Quest, Monnie Love et De La Soul, via la réalisation du maxi 'Buddy (Native Tongue Decision)'. Mais 1989 est aussi l'année de parution du cauchemar des animateurs radio, le génial "Three Feet High And Rising". Alors qu'il n'a coûté que 200 000 dollars, l'album se vend à plus de 1 million d'exemplaire et reste encore aujourd'hui, presque 15 ans après sa sortie, l'un des plus gros succès du label et surtout l'un des plus inattendus. Rien dans le concept de l'album ne laisse présager d'une telle réussite tant commerciale que critique. Il faut dire que l'album est construit sur des blagues de potaches de Maseo, Pos et Trugoy, sur une tripotée de samples tirés de la musique populaire nord-américaine (et notamment, en ce qui concerne les batteries, de comptines enfantines) et s'articule autour d'interludes constituant une sorte de jeu télévisé où les participants doivent répondre, entre autres, à des questions sur Batman et/ou Robin. Prince Paul explique ce résultat en stipulant à qui veut l'entendre que pour lui, la recette miracle, c'est être naturel et surtout ne pas se conformer à une attitude stéréotypée. Les œuvres qui s'inscrivent dans la pérennité sont celles qui balaient les certitudes et les fondements du mouvement qu'elles représentent. Il y a un avant et un après "Three Feet High And Rising". Un avant où la musique noire est la source première des productions de rap, et un après où apparaît toute une nouvelle génération de producteurs décomplexés qui n'hésitent plus à sampler des cassettes pour apprendre le français ou des mesures tirées de disque de musique de cirque. La même année arrive chez les disquaires un autre grand classique qui marquera de son empreinte sonore la culture Hip-Hop. "Paul's Boutique" des Beastie Boys sort enfin de leur torpeur les petits blancs amateurs de rap et intronise au passage un nouveau crew de producteurs: les Dust Brothers (qui n'ont jamais caché l'influence qu'a exercé sur leur travail la technique de sampling de Prince Paul). Mais le véritable apport du classique de De La Soul est de montrer, encore aujourd'hui, que l'on peut contester des codes solidement établis et en créer de nouveaux, sans forcément tomber dans une posture intellectuelle élitiste, se couper des courants populaires et cultiver jusqu'à l'abstraction un parti pris expérimentale. La pochette jaune et les petites fleurs qui constellent cette dernière seront à la fois l'un des éléments du succès remporté par "Three Feet High & Rising" et un facteur de nuisance pour le club de grassouillets d'Amityville. Grâce à cette déclaration d'amour dédiée à Mère Nature, les quatre B-Boys cassent l'image du rappeur énervé et en guerre perpétuelle contre la société (en vogue jusqu'alors) et réussissent à prêcher la bonne parole du Hip Hop sur des terres apparemment hostiles à cette culture, notamment dans les chapelles du rock. Mais la réussite du groupe ne se fait pas sans victimes. En plein enregistrement du troisième album, Prince Paul quitte Stetsasonic, et la presse, toujours prompte à donner d'inutiles étiquettes, fait de De La Soul les porte-paroles d'un pseudo renouveau du mouvement Hippie. Face au discrédit et à l'incompréhension du concept de 'D.A.I.S.Y. Age', Trugoy, Pos, Maseo et Prince Paul décident d'organiser le plus formidable sabordage de l'histoire du Hip Hop. 1991, la petite fleur est fanée, De La Soul annonce officiellement son décès. "De La Soul is Dead" inscrit définitivement les quatre larrons comme un groupe de rap majeur. Mais le plébiscite critique et commercial sera moins évident que pour "Three Feet High And Rising". Dans la foulée apparaissent les premières divergences artistiques entre les trois MC's et leur producteur. Ils réaliseront ensemble un troisième opus, le sous estimé "Bulhoone Mindstate" sorti en 1993, mais le cœur n'y est plus et Prince Paul reprend son indépendance peu de temps après sa publication.
Les psychiatres y verront sans doute la marque d'une asociabilité évidente mais le fait est que Paul Huston semble avoir du mal à s'adapter à la logique de groupe. Dans Stetsasonic, il n'est cantonné, pendant longtemps, qu'au rôle de D.J. et sa créativité musicale ne s'épanouit qu'en dehors des structures de la formation. Avec De La Soul, il n'est que le quatrième homme et n'est considéré, encore aujourd'hui, que comme leur simple producteur attitré. Après avoir collaboré avec MC Lyte, Boogie Down Productions, et Queen Latifah sous son propre nom, Prince Paul décide de monter son label et assouvi ainsi ses pulsions d'indépendance. En 1991, il crée Dew Dew Man Records. Grâce à MC Serch de Third Bass, il signe avec Def Jam un contrat de distribution, et recrute un nombre de MC's qui respectent scrupuleusement les préceptes de ses anciens acolytes afin de former un groupe intitulé Resident Alien. Ensemble, ils donnent naissance à une œuvre dont la forme sera quasi-systématiquement reprise dans les productions futures de notre protagoniste. "It Takes A Nations Of Suckers To Let Us In" narre les tribulations de trois indiens fraîchement débarqués de leur pays natal dans les rues de New-York. A partir d'une idée simple, Prince Paul crée un album concept qui lui permet de dénoncer de manière implicite les lois d'immigration en application aux Etats-Unis, et plus généralement le racisme ambiant. Mais à l'époque où le disque doit sortir, Def Jam est en pleine restructuration. Russell Simmons veut se départir de l'image trop politique qui semble coller au label depuis le succès de Public Enemy. Même si cela n'est pas encore évident, c'est vers 1991 que se dessine les orientations futures de la maison. La contestation ne faisant plus vendre, Russell passe à autre chose. Au moment où l'album de Resident Alien est prêt, que le premier maxi est sorti et que le matériel de promotion (du papier-toilette à l'effigie des trois protagonistes et sous titré Dew Dew Records) est dans les cartons, les dirigeants de Def Jam décident sans la moindre explication de ne pas sortir l'album dans le commerce et par conséquent de signer l'acte de décès du label et la ruine de Prince Paul.
La fin des illusions. La non-publication du disque ouvre une longue période de remise en question pour Paul Huston. Il se détache progressivement de De La Soul et de l'ensemble de l'industrie du disque, songe même à arrêter ses activités musicale et entame au niveau personnel une lente descente aux enfers. Quand d'autres trouvent refuge dans les paradis artificiels en attendant que les soucis se tassent d'eux-mêmes, lui retâte progressivement du vinyle, affronte ses démons et trouve un exutoire dans un nouveau projet qu'il réalise en compagnie d'un autre producteur de génie qui lui vient de réaliser le chemin inverse, passant de l'ombre à la lumière: RZA. Il n'est pas étonnant au vu du parcours personnel de Prince Paul que les Gravediggaz sortent de terre à ce moment là. Réunissant une équipe de déterrés du rap game, chacun ayant à un moment ou l'autre connu des déboires avec cette industrie, RZA, Fruitkwan (ex MC de Stetsasonic), Too Poetic et l'ancien producteur de De La Soul sont les exécuteurs testamentaires du terme Horrorcore. Le sublime "6 Feet Deep", dont les textes et l'imagerie tournent autour de la mort, est conçu en grande partie par Prince Paul. Bousculant une nouvelle fois les codes du Hip Hop, la qualité du disque lui permet de voir son nom s'étaler de nouveau dans les pages des magazines. Il n'a pas disparu mais le chemin vers la rédemption s'avérera plus difficile que prévu.
Alors que De La Soul sort son premier album sans son mentor, "Stakes Is High", ce dernier fait de même dans l'obscurité sur Wordsound. Le bien nommé "Psychoanalysis (what is it ?)" ne devait pas sortir initialement dans le commerce. Ce disque était destiné à un cercle restreint d'amis, de thérapeutes et de parents. Les dirigeants de la maison de disque de Skitz Fernando ont tout de même réussi à convaincre son auteur de l'éditer, à la condition que cela se fasse dans la confidentialité. Ami lecteur, estime-toi heureux si tu en possèdes une copie originale, car il n'y en a que très peu en circulation. Mais la complète guérison de Paul Huston ne surviendra qu'en 1999 avec la sortie du disque suivant: "A Prince Among Thieves". En 1995, Prince Paul écrit ce qui devait être à la base une pièce de théâtre mettant en scène deux protagonistes Tariq et True. Dans le scénario, les deux compères sont à la recherche de 1000 dollars pour enregistrer la démo qui leur permettra de percer dans le rap game. Sans dévoiler les subtilités de l'histoire à ceux qui ne la connaissent pas, à partir d'un récit classique de damnation mettant en jeu le conflit entre le bien et le mal, notre producteur règle ses comptes avec l'industrie du disque. Au fil de l'écriture, Prince Paul décide d'en faire une comédie musicale, la première de l'histoire du Hip Hop. Séduit par l'idée, Tommy Boy lui avance l'argent. En quelques mois, Paul réunit une équipe qui laissera de marbre les aficionados de MTV, mais qui fait figure de Dream Team pour tous les autres. Rien de moins que Chubb Rock, Big Daddy Kane, Special Ed, Kool Keith, De La Soul, Biz Markie, l'agent Everlast, Sadat X, Xzibit, le comédien Chris Rock et bien entendu Breezly Brewin' des Juggaknots dans l'un des rôles titres se partagent l'affiche. Une vidéo est tournée, le disque enregistré, les B-Boys sont aux anges, Paul Huston est de nouveau heureux. La forme du LP (une histoire précise servant de fil rouge entre les différents morceaux) et le fond (une critique féroce de l'industrie de la musique) vont donner le ton et la mesure de ses projets suivants. Pour Handsome Boy Modeling School, Paul s'associe à l'un de ses élèves les plus méritants : Dan "The Automator" Nakamura. Avec lui, le temps de "So How's Your Girl?", il laisse libre cours à son penchant pour les musiques transversales, à savoir la pop, la musique électronique, le rock… fracassant ainsi les barrières du Hip Hop. Tout va pour le mieux. Prince Paul en profite pour nous faire découvrir le déjanté MC Paul Barman en produisant de main de maître un "It's Very Stimulating" plein d'idées. Il livre aussi au passage quelques productions de valeur pour ses amis de Wordsound mais aussi Del ou The Last Emperor. Pourtant, en 2003, Prince Paul réalise son premier faux pas. "Politics Of The Business" réinterprète une idée déjà usitée par Mike Ladd, à savoir remettre en cause les poncifs de la musique commerciale en utilisant ses propres armes. Un peu comme Michael Moore voulant dénoncer Fox News en faisant du Fox News dans le palmé "Fahrenheit 9/11", le disque manque sa cible, sonne creux et au final ne fait du mal qu'a son auteur. Mais Paul Huston a déjà démontré par le passé qu'il était capable de se surpasser face à un échec. Gageons qu'il en sera de même pour les disques annoncés… et notamment un "White People" signant le retour d'Handsome Boy Modeling School.
Presque trente ans après son intronisation dans le Hip Hop, l'extraordinaire longévité de Prince Paul, alors que quasiment tous les come-backs de ses conscrits ont échoué (voir l'article de Cobalt intitulé "Sale temps pour les anciens"), pose de nombreuses questions. A-t-il trouvé la source de jouvence ? La promiscuité avec des tonnes de vinyles préserve-t-elle de la sénilité ? Le diable habite-t-il vraiment à Amityville et Paul lui a-t-il vendu son âme ? Quoi qu'il en soit, celui qui fut le D.J. de Stetsasonic a toujours mené sa barque à sa manière, contestant les compromissions artistiques, refusant tout plan de carrière pré-établi, et jouissant sans entrave de son imagination fertile et de son ouverture d'esprit. Paul Huston ne s'est jamais défait de l'amour qu'il porte pour le Hip Hop et semble avoir toujours œuvré pour sa préservation. Son intégrité, même dans la douleur, n'a jamais souffert d'une quelconque remise en cause. Peut-être une leçon à méditer pour tous les futurs Lloyd Banks ?
MelloW Octobre 2004