D-Styles, Dj de la bay area d'origine philippine, ancien membre des Insivibl Skratch Piklz et désormais affilié aux crew beats jukies, a participé durant toute sa carrière à de nombreux battles qui l'a opposé aux meilleurs Djs du pays ce qui lui a permis de faire de nombreuses rencontres dans le métier (notamment Q-Bert et Shortkut), autant dire qu'il n'a rien d'un novice dans le domaine. Après de multiples collaborations et quelques scratch tapes, son premier album long format, produit et réalisé entièrement par ses soins, porte le nom étrange de "Phantazmagorea".
Le premier titre assez paradoxal : 'Beautifully Ugly Song' nous annonce tout de suite la couleur, rythmé par un beat strident et traumatisant, les scratchs fusent de tous les côtés, ce premier ticket pour un voyage au plus profond de l'enfer est d'ores et déjà une tuerie imprégné d'une atmosphère lugubre qui va se perpétuer jusqu'à la dernière note ou plutôt le dernier scratch de l'album. D-Styles est obnubilé par le meurtre et le corps humain, une petite visite sur son site www.djdstyles.com s'impose d'ailleurs pour comprendre l'esprit torturé du bonhomme. C'est cette obsession pour le macabre que D-Styles retranscrit dans sa musique et dans le cas présent sur "Phantazmagorea" qui dans son ensemble véhicule des visions d'horreurs successives, une vraie introspection dans le cerveau du DJ. Le scratch est l'élément central de "Phantazmagorea", tout au long du LP, D-Styles l'utilise d'ailleurs à merveille comme un instrument pour disséquer et triturer ses beats et cela pour notre plus grand plaisir.
Cet album s'entame donc comme un voyage sinueux à travers un univers mortuaire matérialisé par un vrai festival sonore. Tous les styles musicaux sont assemblés avec dextérité tel un immense patchwork comme sur 'The Murder Factory' où D-Styles pose ses scratchs sur des claquements de mains qui font office de beat, avec une voix de reggae man qui intervient ponctuellement, tout cela agrémenté de petits dialogues tirés de films d'épouvante bref il faut l'écouter pour le croire ! Les bons morceaux se succèdent sans temps morts, comme avec un 'Fuck You Pacman' et ses samples de jeu vidéo mêlés à cette sonnerie angoissante perpétuelle que D-Styles dynamise par ses scratchs, la deuxième partie du morceau nous met d'ailleurs littéralement sur le cul en nous offrant une leçon de turnbalism. On pourrait également citer 'John Wayne On Acid' (belle preuve d'imagination pour le titre des morceaux !) qui s'illustre comme une ballade inquiétante où encore une fois D-Styles nous fout une véritable claque, petite explication : les scratchs sont en symbiose parfaite avec le beat, nous donnant l'impression sur certaines phases qu'il est entrain de jouer de la guitare électrique : Impressionnant. D-Styles c'est également faire danser les foules notamment sur 'Flowtation Device' où les beats aux sonorités électronique associés aux performances du Dj philippin constituent un réel plaisir auditif, les allergiques au turnbalism déjanté sont prévenus.
"Phantazmagorea" après son écoute complète n'est pas sans rappeler 'Little Johnny From The Hospital' de Company Flow dans la forme (en bien sur beaucoup plus axé turnbalism) tant le Dj californien semble mettre dans chaque morceau toute la haine et la brutalité qu'il ressent. A L'instar des meilleurs albums hiphop instrumentaux, "Phantazmagorea" nous fait oublier que nous sommes entrain d'écouter du hiphop en s'orchestrant comme une bande originale démente d'un film d'horreur. Un album violent, sadique ponctué d'humour comme on aimerait en voir plus souvent, comme quoi la musique peut être beaucoup plus significative que des mots qui plus est quand un véritable génie est derrière les platines…
Metalik Janvier 2003