Au milieu de cette année déjà chargée en bonnes surprises, une nouvelle collaboration entre Awol One et Daddy Kev a tout de la cerise sur le gâteau. On n'en attend certes pas qu'elle révolutionne le monde du rap mais cela ne nous empêche pas de baver devant. Car c'est un fait, l'alliance entre les prods tape à l'oeil de Kev et les lyrics d'alcoolique cynico-dépressif du Wolrus a quelque chose de jouissivement décalée. Un peu comme un clodo bourré en smoking qui déclamerait du Baudelaire au milieu de la circulation, un orchestre symphonique dans le dos. Un pathétique incroyablement classe. Et encore, se limiter à cette description ne serait pas lui rendre totalement justice.
Mélange de punchlines monstrueuses mises bout à bout sans apparente corrélation (une bonne vingtaine me viennent à l'esprit rien qu'à y penser), d'amères dénonciations du folklore hip hop et du monde en général ou parfois tristes confessions intimes, un texte d'Awol se veut un exutoire, subtil mélange de sincérité et d'auto-dérision (sans parler de sa voix éraillée genre "Marlon Brando se met au rap"). Par ailleurs ce qui est bien avec un mc de sa trempe, c'est que même si les prods ne volent pas très haut, il réussit à captiver l'auditeur par son seul charisme et son talent de lyriciste très particulier. Et c'est un peu ce qui se passe avec "Killafornia". Le EP n'est probablement pas aussi incontournable que "Souldoubt" ou "Number 3 On The Phone". Plusieurs instrus se révèlent un peu statiques, guère accrocheuses, et ne décollent jamais vraiment, à l'exception peut-être de 'Unlucky Number', le tube en puissance avec son refrain typiquement awolien (
"13 is the color of your attitude").
Reste la prestation d'Awol. Et là, comme souvent, c'est royal. Une entrée en force dédiée à la scène indé mais déguisée en hymne anti-wack (
"You want to be bigger than Atmosphere, cool like Grouch and Eligh, spiritual like LMNO, fresh like Awol One…"), un 'So Familiar' qui a tout d'un vieux dépôt de punchlines d'où l'on extrait la pépite qui vaut le voyage au milieu de tirades incompréhensibles (
"I'm so underground I should be a potato", c'est le genre de connerie réjouissante qui pose votre homme), avec un nouveau gimmick repris depuis "Number 3" : le refrain chantonné le plus faux possible avec de petites incursions dans les aigus des plus, euh, suspectes (cf. aussi 'Dead Bartender').
Soyez donc rassurés, Awol est ici fidèle à lui-même, c'est à dire quasi-continuellement irréprochable. Pourtant, "Killafornia" laisse un goût d'inachevé. Rien d'alarmant cependant car ce disque, aussi tiède soit-il (si l'on considère ce que l'on est en droit d'attendre de ses auteurs), se révèle malgré tout supérieur à la plupart des sorties de hip hop westcoast.
Pseudzero Août 2005