DVD
Slam

Couronné de lauriers mérités dans tous les festivals qui l'ont accueilli avant sa sortie en salles (Grand Prix du Jury à Sundance, Caméra d'Or et Prix du Public au Festival de Cannes), "Slam" fait partie de ces films rares qui laissent souvent une trace indélébile dans l'esprit de ceux qui l'ont visionné. Pour son interprétation, pour son message humaniste et bien sûr pour la plongée dans les profondeurs du spoken word à laquelle il nous invite.

Saul Williams y interprète avec force Ray Joshua, un poète-rappeur au talent unique qui est réduit comme beaucoup de ses semblables à écouler du shit dans son quartier pauvre de Washington DC en attendant de pouvoir enfin s'exprimer sur disque. Son ami de longue date Big Mike, chef de gang notoire, est prêt à investir de l'argent pour créer un label et veut faire de Ray la tête d'affiche de son roster. Malheureusement, lors d'une réunion nocturne, Big Mike est pris pour cible dans une fusillade alors que Ray est à une encablure de lui. Ne sachant que faire, Ray s'enfuit mais est vite rattrapé par la police qui, trouvant quelques grammes de marijuana sur lui, décide de l'incarcérer. En attendant son procès où il risque dix ans de réclusion, Ray se retrouve donc enfermé dans un centre pénitentiaire gangrené par les gangs où il va se trouver forcé de choisir son camp… Mais Ray se passionne pour la poésie et ne s'intéresse pas à ces petites guerres de territoire. Il devient dès lors la source de conflits et le centre de l'attention des deux bandes. Heureusement, en prison, il rencontre Lauren Bell, une professeur d'écriture pas comme les autres avec laquelle il va nouer une liaison amoureuse et qui va l'aider à sortir de sa prison mentale et physique en utilisant son don pour les mots. A travers elle, Ray va trouver le courage de se libérer de ses chaînes et de s'exprimer pour faire changer les mentalités.

En dehors de sa représentation réaliste de l'univers de la poésie urbaine, "Slam" se voit à la fois comme un hommage au pouvoir libérateur des mots et comme une critique acerbe de l'inhumain système pénitentiaire américain qui ne laisse aucune place réelle à la réhabilitation en préférant jouer la carte du tout répressif. Sans jamais tomber dans le moralisme, "Slam" donne à réfléchir en parsemant son récit de phrases assassines. Tourné en 12 jours et en grande partie improvisée, il tire toute sa force d'une interprétation irréprochable, d'une poésie indéniable et du sentiment d'urgence constant qui l'habite. Mais aussi du solide synopsis qu'ont co-écrit Marc Levin, Saul Williams et Bönz Malone (célèbre rédacteur de la presse rap qui fait ici une apparition truculante). Issu du milieu documentaire, Marc Levin filme l'action sur le vif. Combinant les techniques du cinéma classique à des séances caméra à l'épaule, il parvient à mettre en images le bouillonnement intellectuel qui taraude Ray (aidé en cela par la bande-son hypnotique de DJ Spooky). Exigeant dans son récit et dans ses choix artistiques, "Slam" est un film coup de poing qui se mérite. Il retranscrit parfaitement la dualité d'une scène spoken word qui allié le côté brut de la rue à une vision authentiquement artistique. Cela est particulièrement flagrant dans certaines scènes mémorables où la fiction semble s'effacer pour laisser place à un déferlement d'émotions pures. A l'image du plan où Ray laisse exploser sa rage et la vérité à la face de tous ses co-détenus dans la cour de la prison avec un a capella renversant. Ici, Saul Williams crève littéralement l'écran. Il livre une performance habitée que ses poèmes ne font que rendre encore plus essentielle. Une remarque qui convient aussi pour la bouleversante Sonja Sohn qui joue avec conviction le rôle de Lauren Bell et est le seul rayon de soleil dans l'univers sombre de "Slam".

Là où le bat blesse, c'est que l'édition DVD fournie par TF1 est loin de faire justice à ce superbe film. Si le film lui-même est très bien restitué et dispose du format audio 5.1 dans sa version originale, c'est bien la seule satisfaction. Car outre le fait que le DVD est très dur à trouver en magasin du fait d'une distribution pitoyable et qu'il a été affublé d'une pochette qui le fait plus ou moins passer pour une obscure série Z, les bonus sont bien pauvres. Ainsi, les interviews n'en sont pas. Déjà très courtes (2 minutes), elles se composent majoritairement d'extraits de reportages télé qui n'apportent pas grand chose au film et où Marc Levin et Saul Williams ont à peine la parole. On pourrait sauver à la limite le petit topo sur le slam qui nous est fourni et qui éclairera ceux qui ne connaissent pas bien la scène spoken word… Mais le détail qui fait de ce DVD une vraie imposture, c'est que les poèmes disponibles en bonus sont en français !!! Et oui, ce ne sont pas les textes de Saul Williams qui sont mis à notre disposition sur le DVD mais plutôt leurs traductions parfois douteuses ! Cela reflète bien le peu d'attention que TF1 Edition a apporté à la diffusion de "Slam". Bref, en un mot comme en cent, cette édition n'est pas à la hauteur de ce film puissant qui aurait mérité un autre sort que cette sortie confidentielle et très partielle. Il permettra en attendant de posséder chez soi cette œuvre exceptionnelle mais on espère que "Slam" bénéficiera prochainement d'une édition plus prestigieuse et fournie qui lui permettra de rencontrer un plus large public.

Cobalt
Janvier 2003
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Année: 2001

Réalisateur : Marc Levin
Acteurs : Saul Williams, Sonja Sohn, Bonz Malone, Beau Sia, Lawrence Wilson…
Année de sortie en salles : 1998
Année d'édition en DVD : 2001
Editeur : TF1 Vidéo
Durée du film : 1h 40mn environ
Langues : Français, Anglais (sous-titré)
Bonus : Chapitrage, Bande-Annonce, Interviews de Marc Levin et Saul Williams, Sélection de poèmes du film, "Qu'est-ce que le slam ?", Liens internet.

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