Depuis leur retour sur le devant de la scène underground californienne, les Escape Artists franchissent les étapes à vitesse grand V. Parmi eux, Xczircles fait montre d'un savoir faire tout à fait particulier quant au travail fourni pour son propre édifice musical. "The Purge" l'année passée sorti sur le défunt label Net 31 Records était un acte de renaissance fort, un échauffement où se reconstituait à l'oreille le puzzle d'un parcours musical entamé il y a huit ans.
Comme pour frapper fort, les E.A. tentent de s'en tenir à leur volonté de ne jamais se laisser enfermer dans une situation. Toujours avancer demeure l'unique
motto qui semble guider le trio depuis l'année dernière. Revenus du gouffre de l'oubli après quelques années d'errance, c'est à la faveur d'un programme de sorties qui semble aujourd'hui prendre sereinement forme que les Californiens enchaînent avec aisance les albums de qualité. Un point indiscutable après l'expérience solo d'Aamir un peu plus tôt dans l'année. Entre les mains, un nouveau chapitre via ce "Act Of Gosh", second LP solo du metteur en sons Xczircles. La thématique du retour, les E.A. l'ont imprimé dans leur manière de concevoir leur musique, jusqu'à en faire un aveu conscient via ce 'Rise' au sein duquel Aamir et Xcz résument leur situation:
"Now we rise again / It wasn't a matter of how, it was a matter of when."
Porteur d'une sonorité personnelle et d'un chapelet d'idées à assembler patiemment pour former des univers particuliers, en dépit de ses affirmations, l'architecte Xczircles avance dévoilé, exposant en ouverture une volée de mots en guise de méthode. 'Just As Expected', déjà aperçu l'année passée, est une introduction toute trouvée où le flow heurté et agressif sur le micro du producteur colle avec les propos. En 2007, la vision d'Escape Artists revenus aux affaires a dû frapper Aamir, Ahmuse et Xczircles, au point d'en écrire en avance les quelques pages qui viendraient garnir les tranches de galettes noires ; presser pour tous ce qu'eux savaient déjà.
Si l'idéologie défendu par le trio commence en 2008 à produire ses effets, la seule variable incontrôlable demeure ce temps qui file. Ces derniers mois, force est de constater qu'il semble pourtant jouer en leur faveur. Ainsi, de retour des explorations sous-marines aux côtés de l'amiral Aamir, avant que le trio ne signe un nouvel opus collectif, dans l'intervalle se voit propulsé "Act Of Gosh". S'il semblait n'être qu'une pierre de plus sur le chemin pavé de productions sonores en tout genre, ce second solo d'Xczircles exprime de la meilleure des façons la montée en puissance du beatmaker depuis plusieurs mois, comme si un nouveau palier s'apprêtait à être franchi par celui qui sait mieux que quiconque qu'une situation n'est jamais acquise et qu'il est possible de tout perdre en l'espace d'un album:
"That's the nature of the game, it's a changing cycle."
Du côté des Escape Artists, le terme "solo" ne symbolise jamais qu'une formule d'usage. La famille élargie est régulièrement au rendez-vous ; persuadés qu'ils sont que la progression ne peut-être autre que collective, déconnectée de l'expression d'égos surdimensionnés pour qui surnager reviendrait à couler les proches. La force d'un se matérialise dans cette capacité à rassembler. S'il centralise les opérations d'enregistrements, mixage et mastering, Xcz demeure conscient que savoir s'entourer est indispensable. Ce sont donc Quaalude Experiment, Jani5, Last Soul Descendents, Antiolla et autres DJ Extend que l'on retrouve au côté d'un Xcz campé sur ses machines pour assurer la moitié du travail de production de l'album (le reste étant laissé à l'initiative des partenaires sus-cités).
Dans l'autre coin, près des micros en surchauffe, la liste des rimeurs n'en finit plus d'enfiler les noms d'artistes talentueux : Aamir, K-The-I???, Awol One, 2Mex, Gel Roc, le néerlandais N(obody) de InDepth, les mitrailleurs Riddlore? et Ellay Khule... Principalement rassemblées sur deux posse cuts de haute tenue (le remix d'un 'Headstrong' lui aussi déjà entrevu auparavant ou le ténébreux 'Trace'), les prestations de chacun sont englobées dans un tout d'une qualité remarquable qui vient aisément nous faire regretter la présence irrégulière de cet exercice de style sur les galettes déposées dans les bacs au fil de l'année. Lorsque chacun y va de son style, c'est un véritable plaisir d'entendre cet amas de flows naviguer sur les productions léchées de Xcz.
Sans grand effort, "Act Of Gosh" dévoile ses 60 minutes de musique maitrisée de bout en bout, du flow tout-terrain de Riddlore? sur 'The Shake Up' jusqu'à la ballade désabusée entonnée par Ira Lee via 'Fuck Until The World Blows Up'... 60 minutes où l'on peine à dénicher quelque faute de goût que ce soit. Tant et si bien qu'entre les oreilles se glissent par moments quelques-uns des morceaux les plus enthousiasmants entendus du côté du clan des E.A. C'est le cas, sans doute possible, de ce morceau éponyme produit de main de maître par Antiolla. Un minimalisme angoissant, quelques percussions sèches résonnent dans une salle vidée de toute présence physique. Au fond, le ronron ininterrompu d'une machine propriétaire des lieux est alors perturbé par le flow de Xczircles ; le tout saupoudré de samples vocaux récupérés ici et là. Tout y passe: la mort, le temps qui passe, le cycle qui se répète... Inévitablement, les thèmes de prédilection des Escape Artists sont une nouvelle fois réunis ici pour une des expériences sonores les plus prenantes de l'album. Et parce qu'un album récent estampillé de la marque du trio californien ne semble être possible sans une production accrocheuse de DJ Extend, 'Transient' est une friandise de plus de la part de ce producteur jusqu'à il y a peu inconnu qui signe ici à nouveau un morceau de qualité épaulé par les flows d'Aamir mais aussi de Xcz et Amnesia (qui reforment le temps de quelques minutes le duo Sons Of Mammal).
Manifestement, Xczircles offre l'un des albums les plus aboutis de cette première moitié d'année. Les producteurs invités officient avec application (surtout l'énigme Quaalude Experiment qui surprend sur les très bons 'Just As Expected', 'Animal' et 'Ride In Silence Remix') et, à l'image de Ceschi et son fameux rap chantonné, les rimeurs appelés à la barre apportent un plus au flow particulier du maître de maison. Si l'on peut déplorer l'absence surprenante de la voix pénétrante d'Ahmuse (troisième tiers des E.A.), le bilan ne souffre d'aucune lacune réelle. Sous ses aspects d'album tout droit sorti du ventre mou de l'underground californien, "Act Of Gosh" surprend agréablement et témoigne de la meilleure des façons du chemin parcouru par les Escape Artists. S'il ne semble pas s'afficher aujourd'hui comme le chef d'œuvre incontournable qu'il aurait pu être, l'album est à la mesure du talent de Xczircles. Que ce soit dans l'expression singulière de ce talent personnel ou dans ce savoir-faire rare pour rassembler ses proches et agir de concert quant à la réalisation d'une musique de qualité.
Newton Mai 2008