C'est avec émotion que les amateurs de boom-bap East Coast se rappellent le premier opus du duo bostonien 7L & Esoteric. Appliquant à la lettre une formule bien connue pour son efficacité, le groupe avait réussi un album marquant. Après un certain silence radio, il revient sur Landspeed pour "Dangerous Connection".
Dès le départ, 'One Six' confirme que le groupe trace sa route dans la même direction. Sur une bande-son blaxploitation concoctée par 7L à base de guitare funk et de multiples couches de sons, Esoteric attaque le micro comme un acharné pour un egotrip flamboyant. L'album s'écoute alors en grande partie comme une gigantesque battle entre l'ex-membre de la Rebel Alliance et ses adversaires ('Watch Me', 'Precision'). Néanmoins, conscient des limites de cette tactique sur la durée d'un album, Esoteric a su organiser quelques respirations sous la forme de textes à thèmes originaux. 'Stalker' nous entraîne ainsi dans la peau d'un pervers traquant et espionnant les moindres faits et gestes d'une jolie jeune fille. Pour coller au second degré du track, 7L a choisi un sample de hautbois bien décalé. Belle réussite. Tout comme 'Rest in Peace' (avec Kut Masta Kurt aux manettes) où Esoteric met en scène sa propre mort pour mieux évoquer le statut étrange, quasi-divin, accordé par les b-boys aux rappers décédés. Mais Esoteric est avant tout un "emcee de compétition" et pas un lyriciste... Alors quand il se met dans la peau d'un des terroristes du 11 Septembre en proie au doute ('Terrorist's Cell' produit par Stoupe de Jedi Mind Tricks), l'exercice semble un peu forcé et manque de finesse tant dans la réalisation que dans la conclusion.
C'est bien dans les collaborations qu'Esoteric sonne le plus à l'aise. Et quelles collaborations! 'Sur Speak Now', Vinnie Paz (de JMT toujours) prend le micro et tue une fois de plus tout sur son passage... C'en est indécent! Sachant qu'Apathy est aussi invité au festin, c'est un vrai massacre. Massacre aussitôt suivie par le non-moins marquant manifeste hip-hop 'Rules Of Engagement' avec... J-Live et Count Bass D! Un casting d'invités prestigieux complété par le MC/producteur Beyonder sur 'What I Mean'. Si Esoteric claque fort, son flow manque toujours de variations, restant enfermé dans le même schéma rythmique. On ne peut pas dire qu'il s'adapte vraiment au beat... Ce qui explique peut-être pourquoi les bpm restent scotchés au même niveau tout au long de "Dangerous Connection".
Côté production, 7L a progressé dans la structure de ses compositions. Il délègue cependant comme nous l'avons vu la production de quelques tracks. Mais il prend quand même en charge 70% du bébé et cela apparaît comme un peu gourmand. En effet, à côté de belles réussites, on a droit à de nombreux essais avortés de sa part où les samples ne trouvent pas un réel équilibre ('Warning', 'Precision', 'Word Association'). 7L recycle de plus sans vergogne ses programmations de drums d'un titre à l'autre... et reste en premier lieu un DJ. Il est clair que l'absence des Vinyl Reanimators ou du crew Beyond Real se fait sentir à la longue. Dès lors, on oscille entre frissons et ennui. "Dangerous Connection" est un album respectable, pimenté de quelques titres superbes, mais qui reste un ton en-dessous de son prédécesseur. Les adeptes d'un hip-hop East Coast classique y trouveront sûrement leur compte mais les autres risquent de rester sur leur faim.
Cobalt Octobre 2002