Les années passent mais Thes-One et Double K restent fidèles à leur éthique et à leur vision du hip-hop énoncée pour la première fois en 1998 sur leur emblématique "The Next Step". Certains les considèrent passéistes, dépassés, voire réactionnaires tandis que d'autres (dont votre serviteur) attendent la moindre de leurs sorties avec une impatience non dissimulée, enthousiastes à l'idée de regoûter à la mixture ensoleillée et doucement nostalgique du duo angelino. En attendant de nous offrir un tout nouvel album, les deux People Under The Stairs reviennent donc dans les bacs avec une collection de nouveautés, de chutes de studio estampillées "O.S.T." et de remixes à l'intention des fans.
Avec ce mini-album, le duo nous permet de prolonger un peu l'été grâce à son incomparable capacité à composer des instrumentaux chauds et 100% analogiques en faisant référence au passage à leurs prestigieux prédécesseurs (cf. 'Drumbox' et ses hommages répétés à la old school). Si on rentre un peu dans le détail; au rayon des remixes, le déjà connu 'OST Remix' ne restera pas dans les annales (du fait d'une boucle de piano un peu trop statique) tout comme l'anecdotique pantalonnade de 'SF Knights Remix''. La réinterprétation de 'LA Song' marquera bien plus les esprits. Les claviers aériens et la basse chatoyante de cette version donnent une touche crépusculaire du meilleur effet à la peinture/hommage à la cité des anges qui brillait déjà en original sur "O.S.T.". Cependant, les meilleurs moments sont clairement à chercher ailleurs. Parmi les chutes de studio annoncées, par exemple. Des boucles de guitare jazz qui brillent sur 'Plunkin' Em' ou 'Outrun' au piano subtil de 'Roadbeaters', Thes One et Double K étalent en effet leur savoir-faire de producteurs. Alliant sans mal samples, claviers vaporeux, lignes de basse relaxantes, breaks de batterie aux petits oignons et scratches savamment dosés, ils composent des titres minimalistes laid back dont le charme n'est plus à prouver. Ici, les bpm's ne s'emballent pas (sauf sur le final 'Outrun') et "…Or Stay Tuned" distille constamment une vibe tranquille. Et les nouveaux titres ne dérogent pas à la règle.
Si la leçon de savoir-vivre pleine d'humour 'Take The Fruit' souffre d'un instrumental un peu faiblard, c'est bien le seul inédit qui nous laisse sur notre faim. Car toujours dotés de ce sens du sampling inné et nuancé qui fait défaut à nombre de leurs contemporains, Thes One et Double K ont en réserve assez de boucles pour assouvir nos envies musicales pendant encore quelques années. Le son caressant et anxiolytique d'un 'Yo' qui mêle en douceur orgue, xylophone et un soupçon de saxophone reflète à merveille les bonnes vibrations typiquement californiennes que PUTS ont toujours voulu transmettre.
"Hangin' out, sittin' on the porch, makin' beats, buyin' records, playin' video games"… Telles sont les activités quotidiennes du duo qui transparaissent à tout moment dans leurs rimes légères. Deux authentiques b-boys contaminés depuis longtemps par la passion dévorante du cratedigging. D'où leur difficulté à concilier cette vie de célibataire endurci avec des relations amoureuses (ils nous en font part sur le clavier addictif de 'Fly Love Song'). Surtout que lorsqu'ils ne sont pas à boire quelques bières entre amis ou en train d'enregistrer un titre, c'est sur la route qu'ils passent leurs journées. Entre concerts, trajets interminables, balances épiques, interviews, fatigue mais aussi plaisir de la scène et rencontres, les PUTS racontent la vie d'artiste underground sans chercher à lui donner un côté glamour sur 'Roadbeaters'. De leurs flows fluides et bien rodés, les deux compères ne nous livrent certes pas de grands textes mais leur honnêteté, leur simplicité, leur humour et leur côté terre-à-terre marquent des points dans une époque où l'alliance de ces qualités se fait de plus en plus rare.
La conclusion sera donc la même qu'à l'accoutumée. Rien de révolutionnaire. Pas de remise en cause des fondamentaux. Mais une mise en œuvre naturelle et cependant proche de la perfection des acquis du duo qui parvient une fois de plus à dénicher quelques boucles poussiéreuses pour nous faire hocher la tête et réussir à nous coller durablement le sourire aux lèvres. Ce court album (42 minutes) surprise et fourre-tout n'est peut-être pas le meilleur moyen de rentrer dans l'univers de ces 2 b-boys à plein temps mais il constitue un bonus bienvenu et conséquent pour tous les adeptes de ces apôtres autoproclamés de la "true school". Fresh!
Cobalt Septembre 2003