Afin de présenter le travail de Joe Beats, il convient de préciser que le bonhomme n'est pas inconnu par chez nous. Si on connaît le producteur en tant que moitié des Non Prophets aux côtés du rappeur Sage Francis pour un album (pas franchement génial, pour faire dans l'euphémisme) sorti en 2003 chez Lex, le travail solo de cet originaire de Rhode Island n'est pourtant pas sa facette la plus révélée. Concepteur décalé, Joe Beats concocte en 2006 un "Indie Rock Blues" surprenant. S'agissant alors de remixes de morceaux orientés pop-rock, nous nous retrouvions à explorer les productions sonores remaniées de Songs: Ohia, Kid Dakota, Belle & Sebastian ou encore 90 Day Men pour un album-compilation crossover faisant de ces deux univers des lieux de musique mitoyens. Une belle surprise de l'année passée qui offrait alors à son géniteur tout le loisir de surprendre à nouveau les attentes du public.

C'est de cette situation que 'Diverse Recourse' semble débarquer. Recruté par Bully Records, label original et promoteur presque exclusivement de maxis d'une poignée de producteurs talentueux emmenés par Sixtoo, Joe Beats nous offre ainsi son troisième album solo, totalement instrumental. Mais cela ne constitue en rien un coup d'essai puisque déjà, en 2003, celui qui utilisait alors l'alias The Joe Beats Conspiracy réalisait la première mouture baptisée "Reverse Discourse". Un assemblage de beats et autres morceaux inédits tirés d'obscurs samples pour un grand mix musical d'une heure.

Quatre ans plus tard, opérant une nouvelle fois à coeur ouvert sur une collection de samples en tous genres, Joe Beats nous concocte une nouvelle potion musicale en usant d'éléments manifestement éprouvés auparavant. Et pourtant, le système montrait déjà ses limites.

Aujourd'hui, l'exercice semble bien maîtrisé. Nous évoluons lentement d'un morceau à l'autre, d'une ambiance musicale à une autre. Il semble que le producteur ait tiré les leçons du premier essai solo. Les boucles évoluent de meilleure façon, ne sont plus obligatoirement figées dans un carcan semi-hypnothique qui ne laisse que peu de place à l'imagination. En témoignent le mélodieux 'Fade' ou ce remix bien senti de 'Hellfire' accompagné des cuts et autres scratchs savoureux de Dj Kno, membre des Cunninlynguists. Néanmoins, on retrouve aisément ça et là quelques lourdeurs musicales qui font des cinquante minutes offertes un léger trop-plein qui aurait mérité d'être dégrossi pour une plus claire efficacité. A l'écoute, des morceaux comme 'Slivers' ou 'ETA' semblent clairement de trop.

Pourtant, la réelle limite de ce "Diverse Recourse" se trouve dans son postulat de base. Le matériel sonore utilisé est souvent une redite, un ressassé qui offre le sentiment d'avoir déjà entendu ce dont il est question le temps de quelques minutes. L'écoute est agréable, les morceaux produits sont de belle qualité mais on semble se trouver face à un plat qui manque d'un peu d'assaisonnement. Dès lors, une fois le cercle clos, difficile de détacher quelques éléments précis de ce grand tout musical fondu. On ne retient finalement que peu de choses, si ce n'est que cet album mitigé ne viendra clairement pas égaler les LPs de P-Love ou de Silver Apples au rang de fleurons musicaux du catalogue dense déployé par le label indépendant canadien.

Newton
Mai 2007

La version CD traitée ici est sensiblement différente de son pendant vinyle, de par un tracklisting ayant subi des modifications. Nous retrouvons donc des morceaux exclusivement présents sur l'une ou l'autre des versions de cet album.