Depuis le superbe "Stone Crazy", Juju et Psycho Les n'ont eu de cesse de nous décevoir. Tentant constamment de rééditer la formule du 'Off The Books' qui les avaient hissé au sommet des charts, ils nous ont livré des albums sans saveur et bâclés où surnageaient tout juste quelques hits au milieu d'un océan de facilité. Se rêvant en stars du thug rap new-yorkais, les Beatnuts ont lentement perdu tout ce qui faisait leur attrait : spontanéité, humour et production divine. Peu à peu, même ceux qui les avaient suivi depuis le classique "Intoxicated Demons EP" ont abandonné tout espoir de voir Juju et Psycho Les revenir armés de samples obscurs et de délires fumants comme à leurs premiers jours. Pourtant, lorsque le duo s'est fait virer d'un Loud en déconfiture et que la rumeur (vite contredite) d'une possible réunion avec Al'Tariq (ex-Fashion) a circulé, les fans ont commencé à entrevoir une lueur au bout du tunnel. Redevenus indépendants, débarrassés des contraintes relatives au sampling des majors, peut-être que les 'Nuts allaient nous livrer un nouveau classique. Mais en étaient-ils encore capables ?

A l'écoute de "The Originators" qui arrive tout juste un an après leur dernier opus, la réponse est non. Rien de vraiment neuf. Pas de retour à un réel crate-digging non plus. On retiendra 'Yae Yo' (cette flûte torturée!) et 'Becks 'N Branson' mais, même si le duo fait ici moins de concessions, tout sonne trop policé, forcé et cellophané. Le son est trop propre, les lyrics gangsta sont convenues et on trouve encore un bon paquet de refrains horripilants chantés ou susurrés ('Work That Pole', 'Ya Betta Believe It'). Il suffit de voir la façon dont le "chanteur" Chris Chandler parvient à plomber la sublime production à base d'accordéon de 'Buying Out The Bar', à grand renfort d'interprétation guimauve.

D'autre part, il y a ce 'Ya Betta Believe It' outrageusement commercial qui fera sûrement grimper les ventes du Lp mais n'apportera rien à la légende du groupe. A l'image de ce single facile, les Nuts oublient souvent d'entourer leurs boucles de quelques artifices pour les enjoliver un peu et apporter un semblant de structure à leurs morceaux. Pas étonnant donc que l'on s'ennuie ferme au bout de quelques mesures de 'Routine' ou 'My Music' ! Preuve du manque de travail des 'Nuts, un Large Professor en petite forme parvient à signer une des meilleures prods de "The Originators" avec son minimaliste 'Originate'. Ailleurs, même lorsque les samples débusqués sont de vraies pépites, la paresse de Juju et Psycho fait qu'ils semblent parfois tourner à vide.

Pour enfoncer le clou dans la médiocrité, le groupe a cru bon d'inviter une fois de plus une armada de rappers en featuring. Si c'est toujours un plaisir de retrouver le sous-estimé Problemz, Al'Tariq, Cormega, Ill Bill ou encore Large Pro au micro, cette avalanche d'apparitions nuit clairement à la cohérence du Lp. Surtout quand Psycho Les donne du temps de parole à des jeunes pousses incroyablement dénués de talent (voire à ce titre Armaretta qui sonne comme une pale copie d'Hurricane G). Au final, le tout sonne comme un collage de titres aux niveaux hautement variables.

A en croire certaines critiques, "The Originators" serait l'album de la résurrection des Beatnuts... Pas du tout. Aussitôt écouté, aussitôt oublié, "The Originators" est l'album de trop. Il se laisse écouter; certains s'en contenteront mais, au vue de la carrière du duo, c'est un camouflé. Ce n'est pas avec 3 ou 4 bons titres qu'on fait un classique... Depuis le temps, les Beatnuts devraient le savoir. Mais comme le dit Psycho Les, "All we do is make hits". Maintenant on le saura. Dommage pour nous qu'ils ne fassent plus de vrais albums.

Cobalt
Novembre 2002