Révélés par le très prometteur 'Perfectionnistes' sur "Maximum Boycott" puis confirmés par le titre solo de Kahlil 'Dis-Leur' sur le second volume de la compilation phare de De Brazza Records, Bunzen se lancent dans le grand bain avec un premier maxi vinyle. Ayant gravi les échelons un à un, les 2 emcees de Blanc-Mesnil, Asco et Kahlil, se sont fait un nom à la sueur de leur front dans l'underground, entre participations à de nombreuses mixtapes, featurings remarqués et prestations live soignées. Fort de ces expériences enrichissantes, le duo Bunzen a logiquement décidé de passer à la vitesse supérieure avec ce "Microphone Technologie" qui a commencé son invasion des bacs pendant les fêtes de fin d'année. Malins, Asco et Kahlil se sont bien entourés pour faire en sorte que leur première sortie officielle soit à la hauteur et fasse parler d'elle.
Le moins qu'on puisse dire est qu'ils n'ont pas fait dans la demi-mesure. En effet, c'est bien une des figures majeures du rap californien actuel qui se joint à eux, en la personne de Wildchild. Après son remarqué "Secondary Protocol", on a ainsi la surprise (et le plaisir) de retrouver le leader vocal de Lootpack sur "Microphone Technologie". Professionnel, Wildchild lâche avec enthousiasme deux couplets sinueux du meilleur cru qui se fondent parfaitement au milieu des flows fluides et complémentaires d'Asco et Kahlil. A l'instar de leur homologue américain, Asco et Kahlil optent pour des textes libres et spontanés où les rimes techniques se succèdent en effleurant une multitude de sujets. La communion d'esprit entre les 3 emcees saute d'ailleurs aux yeux (et aux oreilles) et l'alliance donne lieu à des étincelles. Oscillant entre egotrip, manifeste anti-wack, dédicace aux oppressés et hymne positif, "Microphone Technologie" reste ancré dans la tradition (non sans éviter quelques clichés "représentatifs") mais permet de dessiner en filigrane la pensée et l'éthique de Bunzen. Avec leurs phrasés énergiques et variés, Asco et Kahlil se donnent au maximum et font bonne figure face à une pointure comme Wildchild. Une preuve de plus de la qualité microphonique du duo.
Du côté de la production, le changement est de mise. Cette fois, Asco et Kahlil ne se sont pas adjoints les sons organiques et chauds de Jr Eakee (qui les avait souvent accompagné jusqu'ici). Sur la face A, c'est le français Baptman qui les assiste avec une production dynamique et efficace où un clavier funky épais et quelques notes de guitare aériennes chevauchent une rythmique solide et une basse enveloppante. Vu sa qualité, on peut parier que d'ici peu ce titre sera un favori des mixtapes hexagonales. A ce potentiel igniteur de dancefloor, on préférera cependant l'instrumental plus froid et changeant concocté par le japonais DJ Kazu sur la face B. Avec son bpm quelque peu ralenti et son ambiance électronique minimaliste, la version underground de "Microphone Technologie" s'avère en effet particulièrement prenante et permet de mieux apprécier la rencontre Bunzen/Wildchild en lui donnant un relief inédit. D'ailleurs, la réinterprétation n'est pas que musicale puisque ce remix est aussi l'occasion pour Asco et Kahlil de poser de nouveaux couplets et un nouveau refrain.
Ne manquait plus que quelques scratches pour compléter le tableau. C'est bien entendu chose faite. Non contents de leur casting déjà bien fourni, les 2 compères de Bunzen ont en effet fait appel aux services turntablistiques d'un des tous meilleurs DJ's de nos contrées : le champion de France du DMC 2003, DJ Gero. Fidèle à sa réputation, Gero atomise donc purement et simplement les dernières mesures de la première face du maxi grâce à ses scratches inspirés, alliant technique et musicalité à la perfection.
Orné d'un artwork sublime que vous pourrez analyser pendant longtemps à la recherche de la multitude de détails qui s'y cachent, "Microphone Technologie" s'impose donc pour toutes ces raisons comme une belle galette qui devrait à n'en pas douter plaire aux puristes… Vous l'aurez compris, avec cette rencontre franco-américaine détonante, Bunzen passe aisément la barre du premier maxi, dans une veine authentiquement hip-hop. De quoi envisager l'avenir sereinement.
Cobalt Janvier 2004