Asco et Kahlil n'ont pas fini de faire parler d'eux. Depuis 'Perfectionnistes', le buzz autour de Bunzen n'a eu de cesse d'enfler. Et, compte tenu de l'affiche de ce "Rage & Furie !", il y a fort à parier que l'épidémie Bunzen va continuer à se répandre sur toute la France à une vitesse record. Après avoir reçu le soutien de poids de Wildchild sur "Microphone Technologie", c'est en effet une autre figure majeure de la constellation Lootpack qui rejoint Bunzen pour poser quelques rimes à leurs côtés.
Cette fois-ci, c'est Oh No, le petit frère de Madlib, plus connu pour ses talents de producteurs mais aussi rapper à ses heures, qui allume la mèche de ce second maxi avec un couplet rafraîchissant et plein de spontanéité. Pourtant, preuve de leur talent, ce sont bien nos frenchies qui laissent la meilleure impression sur 'Rage & Furie !'. La complémentarité du duo de Blanc-Mesnil apparaît plus évidente que jamais. De leurs phrasés fluides et vivants, ils nous font part du feu intérieur qui les habite et de leur amour sans bornes pour le H.I.P.H.O.P. à travers un autoportrait parsemé de phases engagées. Côté production, après 'Microphone Technologie', Bunzen s'adjoignent à nouveau les services de Baptman. C'est en effet lui et son acolyte Robin (bien entendu) qui se chargent de mettre en musique la première face de ce nouveau 12" à l'aide d'une production funky à la basse chaude et à la batterie dynamique. Sympathique et efficace mais un peu trop balisée, ce n'est pourtant pas cette version de 'Rage & Furie !' qui nous laisse la plus forte impression. B-Side wins again.
Il faut dire que le remix de 'Rage & Furie' qui orne la seconde face de cette galette est issu des mains du concepteur de la théorie de la verticalité. Après quelques concerts à ses côtés de part et d'autre de la Manche, Bunzen mettent en effet à profit leur nouvelle amitié avec DJ Vadim pour lui confier les rênes le temps de ce 'Culture Blend Remix' fracassant. Loin de leur refourguer ses fonds de tiroir, le russe nomade se fend d'une de ses meilleures productions de ces dernières années en propulsant 'Rage & Furie' vers des sommets rarement atteints dans nos contrées. Après une ouverture lancinante, Vadim opte pour une composition en mouvement au rythme flottant, à l'odeur jamaïcaine envoûtante et à la structure travaillée où des guitares entrelacées côtoient des samples vocaux passés au hachoir. La sauce prend sans mal pour un résultat tout simplement fat.
A côté de ces satisfactions annoncées (mais bien réelles), la bonne surprise vient de 'Douce Agonie'. Tout d'abord parce que la production soignée délivrée par Astronote confirme toutes les promesses de son récent "The Blue Album" (sa version à lui du chant du cygne de Jay-Z) et n'a rien à envier à ses modèles. Piano mélancolique, sample vocal plein d'émotion, basse enveloppante et sublimes touches de guitare en guise de touche finale: le jeune orléanais sait y faire. Portés par cette composition léchée, Bunzen livrent du coup un de leurs textes les plus fouillés. Constat amer des destins brisés qui hantent nos rues en quête de repères et se perdent dans les méandres d'un monde immonde, 'Douce Agonie' montre que Bunzen ont plus d'une corde à leur arc. Et si le thème abordé ne brille pas par son originalité, le feeling et l'écriture travaillée d'Asco et Kahlil (
"Les années passent comme un train dans une gare fantôme / Voyageur anonyme meurtri par trop d'hématomes"), qui s'y font plus profonds que jamais, parvient à emporter la mise.
Au final, vous l'aurez compris: ce "Rage & Furie !" à l'artwork exceptionnel (signé Dabazz) s'impose donc comme un second maxi de haute volée pour le duo de Blanc-Mesnil. Tirant le meilleur parti de collaborations qui leur font honneur, Asco et Kahlil signent l'un des tous meilleurs 12" français de l'année en cours. Beau travail.
Cobalt Juillet 2004